Martinez, le Ninja, la tactique…

M’en fous qu’on veuille clore le sujet, faut vite que je fourgue mon grain de sel à propos de Radja Nainggolan ! Je ne suis pas un inconditionnel. Mais sur seule base de ce qu’il a montré jusqu’ici sur terrain, il fait partie des 20 Diables de champ les plus aptes à rendre des services durant ce Mondial, et je ne peux pas croire que Roberto Martinez pense différemment. Alors, pourquoi parle-t-il de choix purement tactique ? ! Est-ce pure hypocrisie, voire malhonnêteté intellectuelle comme l’ont exagéré certains émotifs ? Oui et non : je dirais choix impurement tactique !

Certains râleurs prétendent que le Ninja est victime d’un délit de sale gueule : ses tattoos partout, sa crête punk peinturlurée variable, son paquet de clopes, ses javas et tout ce que serait l’homme hors terrain horripileraient le sélectionneur… Impensable ! Martinez n’a qu’une envie, c’est gagner : et si Thibaut Courtois, Kevin De Bruyne et Eden Hazard adoptaient la dégaine Ninja, nul doute qu’ils presteraient quand même, c’est d’ailleurs comique à imaginer. Par contre, ce que je crois, c’est que l’immense popularité de Nainggolan relève en partie de son look guerrier : certes, c’est un battant magnifique mais le paraîtrait-il autant s’il avait adopté le look de fiston bien sage de Kevin ou Eden ? La question est posée.

Il y a un arrière-plan tactique dans la décision de Martinez, au moins si l’on envisage Nainggolan dans un rôle bas et défensif, c’est-à-dire un rôle réfléchi, qui nécessite réflexion … Alors que Radja est le prototype du joueur instinctif, qui chasse où il veut, qui presse quand il veut, qui n’est pas raisonnable au sens strict : à qui l’on peut difficilement faire entendre raison. Et tactiquement, ça peut foutre un bordel qu’on peut payer cash ! Bon. Mais si Martinez le pense, pourquoi ne le dit-il pas ? Parce qu’en foot, si un coach peut éclairer son choix en évoquant tel manquement technique ou physique, c’est beaucoup plus délicat de l’éclairer en arguant d’un manque intrinsèque de jugeote (pour ne pas parler plus cru). D’où le refus de Martinez de préciser, interprétable comme du savoir-vivre plutôt que de l’hypocrisie : un peu la langue de bois du couillon obligé…

Reste que Nainggolan peut aussi jouer comme à la Roma, être un des deux ou trois soutiens directs de l’homme de pointe. Et un rôle offensif est un rôle où le jeu d’instinct est davantage productif, si pas nécessaire : ne serait-ce que parce que l’éventualité d’une grosse frappe victorieuse du Ninja remplace ici celle d’une grosse gaffe létale ! Et dans cette perspective d’apport offensif éventuel, je n’arrive pas à croire qu’un Youri Tielemans ou un Thorgan Hazard devancent Nainggolan dans la hiérarchie. Alors, de deux choses l’une. Soit Martinez surestime ici l’application des consignes en zone offensive : l’impulsivité du Ninja serait même nocive à proximité du but adverse ! Et ça, c’est de la couillonnade ! En foot, il arrive que le coach se sente tellement impuissant, tellement improductif, que vient un moment où il bazarde ses convictions tactiques pour jouer un va-tout capable d’exploit, sortir la patte de lapin dont il dispose. Si Martinez ne croit pas à ça, c’est effectivement que tous ses choix sont tactiques ! Mais à outrance.

Soit, et c’est ce que je crois, Martinez ne se sent pas capable de gérer durant au moins trois semaines un groupe comprenant un caractère comme Nainggolan : rien à voir avec son look, mais parce qu’il serait fouteur de merde potentiel au cas où la banquette lui brûlerait son popotin de joker offensif. Et les boudeurs qui foutent le bordel dans un groupe sont une réalité footballistique ! Vous me direz qu’ Eusebio di Francesco sait gérer Radja à la Roma mais c’est là un Radja titulaire ! Ici, en se passant de Nainggolan, Martinez confesse une faiblesse ou se montre lucide, va savoir pourquoi il ne l’a pas expliqué franchement. Relever le défi d’emmener Radja, c’eût été tout à son honneur. Il ne l’a pas fait par crainte de planter le premier clou de son cercueil qu’il a planté de toute façon : si les Diables n’atteignent pas au moins les demi-finales, ça sera feu nourri sur le coach qui ne murmurait pas à l’oreille du Ninja.

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