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Liège vit

Après deux tentatives manquées, le FC Liège a validé dimanche son ticket pour la D1 amateurs, en remportant le tour final. Retour sur une journée pas comme les autres.

Du sang, du marine, et une touche de jaune. Les fumigènes envahissent la Rue de la Tonne, à Rocourt. D’entrée, les supporters du RFC Liège frappent fort.  » Liège, c’est nous « , s’exclament-ils, en choeur, en se tenant, bras dessus, bras dessous, et en sautant. Dans une heure, leur club favori rencontre le KFC Vigor Wuitens Hamme, barragiste de l’étage supérieur, mais la partie commence déjà. En jeu : une montée en D1 amateurs, enfin, après un échec cuisant l’année passée.

À l’aller, le RFCL s’est imposé 2-4 en Flandre orientale, après s’être débarrassé, sur son chemin, de l’Olympic Charleroi, La Louvière-Centre et Mandel United. Un parcours du combattant qui doit prendre fin aujourd’hui, alors que les 22 acteurs montent sur le pré entourés de pom-pom girls, sur fond de Petits gars de Rocourt, l’hymne local, et devant un tifo à la titraille visionnaire :  » We are back « . Dans les travées, 4.000 spectateurs – pas un seul venu de Hamme – se massent pour battre un nouveau record d’affluence. Du coup, l’arbitre n’a pas encore sifflé que les pompiers interviennent déjà pour calmer les ardeurs de la tribune debout. Jusqu’ici, tout va bien.

ARCHITECTES DU DIMANCHE

Douze secondes. C’est le temps qu’il faut à Freddy Mombongo pour claquer un retourné, qui envoie le cuir sous la barre du gardien visiteur et enflamme davantage, par la même occasion, l’enceinte liégeoise.  » Gareth Bale, il peut aller se recoucher « , lance un fan à la banane, aussi bien au niveau du sourire que de la coiffure. Deux minutes plus tard, le speaker rappelle déjà que  » tout envahissement de terrain est interdit « , de peur que quelqu’un réitère la performance d’un Liverpuldien, la veille, lors de la finale de Ligue des Champions.

Dans le même temps, le gardien maison de 19 printemps, Romain Matthys alias Kakou, s’impose dans les airs. Sans complexe.  » Kakou, c’est pas Karius « , poursuit le même fan, décidément en forme. Derrière lui, ses acolytes jouent les architectes du dimanche et s’occupent à graver les initiales de leur club de coeur dans le grillage, en y installant des gobelets de bière vides.  » Le R, ça ne va pas du tout « , juge l’un d’eux. Puis, la pression augmente. Le matricule 4 pousse, avant de rendre un nouvel hommage, à la 14e minute, à une légende du cru, Christophe Kinet, récemment victime d’un grave accident de la route.

Mais les Flandriens ne sont pas du genre à faire des états d’âme. Ils égalisent dans la foulée.  » Ah, merde ! Ils ont marqué « , constate un quadra cachant derrière ses lunettes de soleil des yeux qui pourraient le trahir. Au frais, sous la tribune assise, un jeune en training du RFCL philosophe :  » Putain, le temps passe vite…  » C’est la mi-temps. Moment où les calculs concernent plutôt le débit de boissons que la rencontre elle-même. Il fait chaud à Liège. Sinon, Hamme doit en enfiler trois pour rester au troisième échelon national. Difficile.

Entre les  » Nous, on va monter  » et les quolibets à l’adresse du Standard ou Charleroi, les joueurs remontent sur le synthétique de Rocourt. Il suffit de deux minutes aux Liégeois pour tuer le match, par l’intermédiaire de Maxime Électeur.  » Comment ça se passe ensuite ? Il y a quoi après la D1 amateurs ? « , demande une mère de famille.  » S’ils gagnent, ils vont en Coupe de l’UEFA « , assure un comique, qui provoque l’hilarité générale. Plus rien ne peut les atteindre.

LE VENT DE LA D1 AMATEURS

À plusieurs minutes du terme, le temps se gâte. Les rafales perturbent les réjouissances.  » Ah ça tonne, Rue de la Tonne « , s’esclaffe un autre humoriste en herbe.  » Tu le sens ? C’est le vent de la D1 amateurs « , souffle son compère, qui, sans prendre de risque, ne s’y trompe pas. Les préoccupations sont ailleurs, les chants sont toujours là :  » On reste au bar, on tient ce putain de comptoir et on va continuer à boire. Et on va chanter, sans jamais rien lâcher, allez Liège, allez !  » Une dernière action, devant la tribune debout qui déborde, et les bières volent. Liège tient enfin sa montée.

 » Cette fois-ci, c’est fait. C’est fini. La troisième était la bonne « , se réjouit un sexagénaire, d’une voix qui en a trop dit, tandis que la pelouse est envahie par les supporters et que des ballons bleu, rouge et jaune se perdent dans le ciel. Le capitaine Eric Vandebon, le lendemain de ses 36 ans, s’empare du mégaphone des ultras et peut célébrer, après deux tours finals manqués, en 2016 et en 2017.  » C’est un sentiment de joie d’un travail accompli et fini « , se félicite Dante Brogno, le coach liégeois, dont l’avenir dépendait notamment du résultat du jour.  » Cette année, on avait un noyau plus conséquent et on a fait une belle saison. En termes de chiffres, on fait un superbe parcours.  » Sauf que le RWDM, champion avec 76 unités, est passé par là.

Le RFCL a donc dû s’imposer à six reprises, en six rencontres.  » On savait qu’on avait les qualités pour aller au bout. Les échecs aident parfois à grandir « , souligne Jean-Paul Lacomble, président heureux, entre deux accolades distillées à ses hommes. En 2019, il espère livrer au matricule 4 sa nouvelle enceinte, aux normes du monde professionnel, avec une capacité de 8.000 spectateurs.  » Dans un monde idéal, le stade sera là l’été prochain. On poursuit plusieurs objectifs en même temps : les infrastructures, l’équipe et l’équilibre financier. On ne lâchera pas l’un des trois en route. On veut construire une équipe compétitive, mais on ne veut pas monter trop vite pour s’écrouler aussitôt. Et puis, faire croire qu’on a les moyens du Beerschot, ça serait mentir aux gens.  »

Pour assouvir ses ambitions, le RFCL compte tout de même se renforcer. Loïc Reciputi, jeune milieu visétois, a déjà signé, et le nom de Damien Mouchamps, attaquant sur le départ à Eupen, circule du côté de Rocourt.  » Il faut qu’on continue à grandir et qu’on se prépare tout doucement au monde professionnel. Si on veut faire partie des 24 clubs pros, il faut être prêt et je pense qu’on ne l’est pas encore « , tempère Gaëtan Englebert, le directeur sportif, qui s’apprête à rejoindre la scène postée derrière le terrain, dédiée aux réjouissances. La soirée ne fait que commencer. Devant des joueurs sang et marine qui se découvrent des talents de chanteurs, Francky jubile.  » Je n’irai pas jusqu’à dire que c’est le plus beau jour de ma vie, mais presque « , assure l’abonné de longue date, soulagé du cadeau que vient de lui offrir son matricule.  » Pour moi, aujourd’hui, c’est la Saint-Nicolas.  »

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