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LES TEUTONS FLINGUEURS

Joachim Löw affirme pouvoir effectuer sa sélection dans un vivier de 40 joueurs de grand format. Parmi eux, deux avants. De vrais attaquants.

D’un coup, il a surgi comme un diable de sa boîte. Le match Angleterre-Allemagne en était à sa première minute et Harry Maguire, sur le flanc gauche, n’était pas encore éveillé. Le défenseur de Leicester City a chipoté avec le ballon, sans trop savoir qu’en faire. Jusqu’à ce que Timo Werner accoure, reprenne le ballon et file vers Jordan Pickford. Le gardien anglais a intercepté de justesse l’envoi. En seconde période, il allait devoir intervenir à deux reprises contre Werner, bien placé par les passes précises d’Ilkay Gündogan et de Mesut Özil.

Ce soir-là, Timo Werner s’est quelque peu défait de sa seconde nature : marquer. Sinon, l’attaquant du RB Leipzig s’est manifesté dans toute sa gloire. L’avant n’a encore que 21 ans mais possède déjà une fameuse palette de talents. Hyper rapide, il est capable d’évoluer à un rythme très soutenu, il trouve des solutions intelligentes, possède l’esprit d’équipe et est surtout un redoutable finisseur, du pied comme de la tête. Les chiffres de sa jeune carrière sont déjà éloquents. 40 matches pour le RB Leipzig en Bundesliga, 27 buts. Neuf matches en équipe nationale A, six buts.

Un avant aussi mobile que Timo Werner est très utile dans une équipe qui, comme l’Allemagne, parvient à dominer son adversaire grâce à un excellent jeu de position. Désormais, on appelle le natif de Stuttgart der Stürmer der Nation – l’attaquant de la nation. Il est déjà étonnant que ladite nation l’apprécie autant. En décembre 2016, l’avant a obtenu un penalty en simulant une faute adverse contre le FC Schalke 04 et ce geste peu fair-play a déplu. Par-dessus le marché, Werner est un joueur essentiel du RB Leipzig, le club honni par toute l’Allemagne. Pendant des mois, il a été sifflé, même sous le maillot de l’équipe nationale.

Toutefois, on peut acheter l’amour avec des buts. Joachim Löw l’a titularisé en mars dernier, dans un match amical contre l’Angleterre. Werner a inscrit trois buts à la Coupe des Confédérations, en été, puis a trouvé le chemin des filets en qualifications contre la Tchéquie et même deux fois contre la Norvège. En peu de temps, l’ennemi public numéro un est donc devenu l’avant numéro un.

Mario Gomez, international à 71 reprises et prédécesseur de Werner, sait de quoi il parle :  » Timo va dominer la ligne d’attaque de l’Allemagne pendant les dix prochaines années.  »

Vrais et faux 9

Tout le monde ne partage pas cet avis. Ainsi, Sandro Wagner estime être le meilleur avant d’Allemagne. Le joueur du TSG Hoffenheim, âgé de 29 ans, a remplacé Werner dans les vingt dernières minutes du match en Angleterre. Il a inscrit cinq buts en six matches. La différence ? Son style de jeu. Werner mesure 1m81 et compense sa taille moyenne en plongeant partout tandis que Wagner, 1m94, est fort dans les duels et fait office de tour.

L’éclosion de Werner et de Wagner permet à Joachim Löw de jouer avec ses avants. Un luxe pur pour un sélectionneur qui a parfois dû se passer d’avant-centre. En 2014, quand Miroslav Klose a mis un terme à sa carrière une fois le sacre mondial en poche, l’Allemagne s’est plongée dans un grand débat sur les vrais neufs, les faux et ceux qu’elle n’avait pas. La discussion nationale a atteint des sommets suite à l’élimination de la Mannschaft en demi-finale de l’EURO. Mario Gomez s’est blessé au moment précis où l’Allemagne avait besoin de buts. Or, il était le seul attaquant repris dans la sélection.

Tenant compte du style de jeu du Bayern sous la férule de Pep Guardiola, Löw avait une fois de plus essayé Thomas Müller en pointe, contre la France. Le sélectionneur allemand prône un jeu dynamique, avec des joueurs qui montent au lieu de rester statiques. A ses yeux, Thomas Müller et Mario Götze personnifient le faux neuf idéal. Mais Müller est tout sauf un spécialiste : il est bon en tout mais jamais exceptionnel. En plus, pendant le championnat d’Europe, Müller était en méforme. L’Allemagne n’a pas trouvé de parade en demi-finale.

La campagne russe a déjà un nom de code : Mission Prolongation du Titre. Pour la mener à bien, la percée d’avants tels que Werner et Wagner est un cadeau pour Löw. Jointe à la disponibilité de faux neuf comme Müller et Götze, la présence de deux attaquants différents permet à l’entraîneur de choisir différentes versions offensives. C’est ce qui caractérise le matériel joueurs actuel de l’Allemagne : un choix énorme.

La Première a été sacrée championne du monde au Brésil, une équipe B a remporté la Coupe des Confédérations en Russie, les U21 sont champions d’Europe et Löw a fait appel à 37 joueurs pendant la récente campagne de qualification, durant laquelle l’Allemagne a établi un record du monde en remportant ses dix matches. L’entraîneur peut facilement composer quatre équipes qui pourraient toutes aller loin au Mondial.

En mode Mondial

Ses carnets contiennent actuellement une quarantaine de candidats, a-t-il récemment précisé. Pour déterminer certains paramètres, l’Allemagne a mis au point une sorte de mini-Mondial. Après l’Angleterre (0-0), elle a affronté la France (2-2) et, en mars, elle va croiser le fer avec l’Espagne et le Brésil.  » Nous nous préparons à une Coupe du Monde, l’événement le plus important en football. Mes exigences sont donc à l’avenant.  »

Joachim Löw est conscient de devoir effectuer le casting le plus difficile de tous les temps.  » Nous allons devoir prendre des décisions dures. De grands noms, de bons footballeurs vont être écartés de la sélection.  » L’absence d’Amin Younes, touché au genou, est donc très mal tombée, d’autant que l’Ajacide a déjà peu d’occasions de se distinguer parmi les footballeurs issus de grands championnats.

En plus, Löw a déclaré que le Mondial avait déjà débuté, en matière d’implication personnelle. C’est d’ailleurs pour cela que le sélectionneur a balayé toute question concernant la succession de Jupp Heynckes au Bayern à l’issue de la saison.  » Je suis en mode Mondial depuis le début de la saison en cours. Rien d’autre ne compte et j’exige aussi de mes joueurs qu’ils préparent leur Coupe du Monde. Par leur comportement au quotidien, leur professionnalisme. Ils doivent penser à la Russie dans tout ce qu’ils font. Nous n’avons une chance que si nous commençons dès maintenant à nous préparer.  »

Le voyage, les conditions météorologiques et logistiques en Russie, la concurrence : Löw s’attend à un tournoi herculéen.  » Le Mondial constitue une mission incroyablement difficile « , pense le sélectionneur de l’Allemagne.  » Le Brésil est le principal favori, selon moi. Après la Coupe du Monde qui s’est déroulée sur ses terres, il n’a fait que progresser. J’en veux pour preuve l’aisance avec laquelle il s’est qualifié.

L’Argentine est une autre candidate, avec son énorme arsenal offensif, comme l’Espagne grâce à ses qualités techniques et certainement aussi l’Angleterre et la France. Pour jouer un rôle significatif dans ce contexte, nous avons besoin d’une sélection fantastique. Il faudra que tous les joueurs repris soient en pleine forme dès le début du tournoi.  »

L’équipe à battre

Löw pense qu’en plus, l’Allemagne sera confrontée à une dimension supplémentaire, en sa qualité de tenante du titre. En 2014, le Brésil était le grandissime favori de son tournoi, ce qu’il ne sera plus en Russie.  » L’Allemagne sera l’équipe à battre pour tout le monde. C’est elle qui est championne du monde, elle qui a gagné la Coupe des Confédérations et elle encore qui emmène le classement FIFA. Nous sommes la seule équipe à ne pouvoir que perdre en Russie.

En même temps, nous avons beaucoup à gagner. Jamais encore une nation n’est devenue championne du monde et lauréate de la Coupe des Confédérations pour prolonger ensuite son titre mondial. Cet objectif est notre défi. Je vais le rappeler à mes joueurs à chaque occasion, dans les mois qui viennent. L’Allemagne peut écrire une page d’histoire.  »

par Peter Wekking – photos Belgaimage

Le sélectionneur de la Mannschaft peut facilement composer quatre équipes qui iront loin au Mondial.

 » Mes joueurs doivent se préparer au Mondial dès maintenant.  » Joachim Löw

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