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 » Le nouvel entraîneur nous a libérés « 

Après le changement d’entraîneur, à La Gantoise, on a revu un tout bon Moses Simon. Selon lui, c’est également la qualification du Nigeria pour la Coupe du Monde qui lui a rendu le moral.  » À Gand, désormais, c’est comme en équipe nationale : quand tu as le ballon, c’est toi qui décides de ce que tu en fais.  »

Blessé au pied gauche après avoir glissé dans la piscine du centre d’entraînement, Moses Simon a manqué le match Gand – Standard mais il espère être de retour pour le match à Lokeren, dimanche. Car depuis le changement d’entraîneur, il a retrouvé la pêche.  » C’est peut-être dû également au fait que l’équipe nationale s’est qualifiée pour la Coupe du Monde « , dit-il.

Depuis le changement d’entraîneur, tu as inscrit trois buts et délivré deux assists en quatre matches. Quelle est la différence ?

MOSES SIMON : Yvesparle avec tout le monde et j’ai apprécié la façon dont il m’a abordé. J’ai bien senti qu’il avait envie de travailler avec moi. Il est courtois et se met à mon niveau, comme un père le fait avec ses enfants pour être compris. Sur le terrain, il me laisse plus de liberté.

C’était nécessaire ?

SIMON : Chaque joueur a besoin qu’on le laisse faire quand il a le ballon, c’est la preuve qu’on a confiance en lui. Yves ajoute que, si ça ne marche pas tout de suite, il faut encore essayer. Que personne n’est parfait, même pas Messi. En parlant de la sorte, il nous a libérés. Quand on doute et qu’on a peur de commettre une erreur, on tire le niveau vers le bas. En équipe nationale non plus, personne ne décide à notre place de ce qu’on va faire quand on a le ballon. Le coach nous fait confiance et c’est à nous de bien jouer. Si on n’y arrive pas, il aligne quelqu’un d’autre.

Hein vous mettait trop de pression ?

SIMON : En tout cas, il y a une grosse différence (il éclate de rire). Hein est un des meilleurs coaches que je connaisse. À l’entraînement, on voit qu’il a la classe. Il veut faire de chaque joueur une star. Mais, pour y arriver, il faut faire tellement de choses et passer par tellement de stades que ce n’est pas donné à tout le monde. Parfois, il faut laisser les joueurs en paix. Yves s’intéresse davantage à ce qu’on peut faire maintenant qu’à ce qu’on sera capable de faire dans deux ans.

Hein vous donnait trop d’informations ?

SIMON : (il éclate à nouveau de rire) On jouait à 60 % en fonction de ses idées et à 40 % en fonction des nôtres. La première et la deuxième saison, c’était peut-être un avantage. On devait faire exactement ce qu’il voulait, sans quoi il n’était pas content et tout le monde ne supportait pas ça. Moi, je m’y étais habitué mais ce n’était pas le cas de tout le monde. On savait tous que c’était un bon coach qui voulait faire de nous les meilleurs mais parfois, trop, c’est trop. Je retiens surtout que, grâce à lui, tout le monde connaît Moses Simon.

Que t’a-t-il appris ?

SIMON : Il m’a motivé, m’a dit que j’avais le niveau international. Il m’a surtout appris à jouer tactiquement. J’ai mis du temps à m’adapter au système et à ma place mais c’était bon pour moi.

Manifestement, à Anderlecht, Henry Onyekuru n’a pas encore compris.

SIMON : Il va lui falloir un peu de temps car c’est ingénieux (il rit). J’ai mis trois ans !

 » Je pense que Hein changeait trop souvent  »

Mais c’est ce qui a fait le succès des Buffalos ?

SIMON : On a été champion en jouant en 4-3-3. J’étais ailier. Après, on a beaucoup changé et ça n’a pas toujours joué en notre faveur. Je pense que Hein changeait trop souvent. On devait retenir tellement de choses que, parfois, on se regardait sans plus savoir que faire. C’était trop. Avec Yves, il y a un seul système. Il nous demande juste de jouer au football, sans prise de tête. Je n’étais pas là face au Standard mais je sais que, contre Lokeren, le système sera le même que lors du dernier match que j’ai joué. Je ne dois pas me tracasser. Hein changeait chaque semaine tandis que je pense que ce coach jouera souvent avec la même équipe. On joue aussi plus au football.

Que veux-tu dire ?

SIMON : Avec Hein, les entraînements, c’était surtout de la course et de la tactique. Je pense que si j’additionne tous les mètres qu’il m’a fait courir, je vais d’ici au Nigeria. On courait plus qu’on ne touchait le ballon. Cet entraîneur parle davantage avec son staff et avec le préparateur physique. Avec Hein, toute la saison ressemblait à une préparation. Physiquement, c’était dur. Ça peut avoir du bon mais c’était trop.

Tu ne lui en parlais pas ?

SIMON : (il rit) Contrairement à Yves, Hein n’est pas très accessible. Peut-être que c’est un peu plus facile pour les joueurs plus âgés et que, dans un bon jour, Hein acceptait leurs arguments. Mais pour les nouveaux, c’était impossible. Ils avaient peur de lui. Moi aussi, au début. Je n’osais pas le regarder dans les yeux. La deuxième saison, ça a été mieux. Maintenant, l’ambiance est plus relax, tout le monde a plus de liberté et c’est ce que la plupart des joueurs veulent. Parfois, Hein voulait qu’on dorme au centre d’entraînement et on se demandait pourquoi.

Tu as brillé dès ton arrivée à Gand, en janvier 2015. Comment se fait-il que tu n’aies pas eu besoin de période d’adaptation ?

SIMON : Lorsque j’étais international U20, j’ai passé un test à l’Ajax, où il y a une tradition de Nigérians, comme Tijjani Babangida, qui est originaire de Kaduna, comme moi. J’étais très impressionné. J’étais le seul Noir. Quand je voyais la technique et les passes des Blancs, je me demandais ce qui se passait. Beaucoup d’Africains viennent passer des tests en Europe et sont tellement euphoriques qu’ils perdent la concentration et la confiance. Certains clubs comprennent et les gardent en se disant qu’ils vont s’adapter mais tous les Africains n’y arrivent pas. Moi, on ne m’a pas gardé et j’étais très déçu mais, avec le recul, je me dis que ça m’a motivé à faire mieux encore. Je suis arrivé à Gand après un passage par Trencin. Si je me suis bien débrouillé aussi vite, c’est peut-être aussi parce que personne ne me connaissait et ne savait de quoi j’étais capable. J’ai tout de suite dit qu’on serait champion et je suis sûr que le coach a pensé que j’étais fou mais j’avais vu qu’il y avait de la qualité et une saine concurrence au sein du groupe.

 » Mon père m’a éduqué à la dure  »

Après ton hat-trick contre Lokeren, Michel Louwagie a dit que tu étais à vendre pour 20 millions.

SIMON : Ah, c’est un homme d’affaires, Michel(il rit) Et peut-être qu’il a dit ça pour me mettre en confiance. Mais pour moi, ça ne changeait rien.

Mais ensuite, tu as eu un passage à vide.

SIMON : J’ai été malade pendant trois mois. Je jouais et je m’entraînais mais pas à fond. Et avec l’équipe nationale en plus, c’était trop. J’étais fatigué et je me suis blessé à la cheville mais ça m’a appris à accepter de connaître un moment difficile. Je pense que tout le monde passe par là. J’étais déçu, je ne me sentais pas bien, je me posais des questions mais je suis chrétien et mes parents m’ont toujours appris qu’à quelque chose malheur est bon. C’est le destin. Dans la Bible, il est écrit que, pour celui qui croit, tout ce qui arrive est bon, même si on pense le contraire sur le moment même. Lorsque je me suis blessé dans la piscine, c’était embêtant car je voulais jouer face au Standard mais peut-être que, si j’avais joué, je me serais blessé gravement et ça aurait été la fin de ma carrière. Dieu m’en a protégé en m’infligeant une blessure plus légère.

Qu’est-ce que tes parents t’ont appris d’autre ?

SIMON : Mon père était militaire et il nous a éduqués à la dure. Son leitmotiv, c’était la discipline. Je suis le neuvième d’une famille de dix enfants mais j’ai hélas perdu trois soeurs : une était malade et les deux autres sont mortes en couches. Dans l’un des cas, le bébé est mort aussi. Mon père n’a pourtant jamais eu l’intention d’avoir dix enfants mais il voulait un fils pour lui succéder et les quatre premiers enfants étaient des filles. On lui a alors dit qu’il devait prendre une deuxième femme et que celle-ci lui donnerait un fils mais il ne voulait pas et il a continué parce qu’il était convaincu que Dieu ferait en sorte que sa femme lui donne également un garçon. Finalement, c’est arrivé après la sixième fille. Après, il a voulu un deuxième garçon mais le huitième enfant était à nouveau une fille. Puis je suis né. Et après moi, un autre garçon. Aujourd’hui, mon père dit toujours que s’il avait arrêté plus tôt, je ne serais pas né alors que c’est désormais moi qui aide la famille. C’est pourquoi il m’appelle Daddy.

Parce que tu es celui qui est devenu professionnel en Europe ?

SIMON : Parce que je suis  » the lucky one » (il rit), Dieu m’a choisi pour aider ma famille. C’est de la chance. Tout petit, je m’entraînais trois fois par jour sur le plage et je savais qu’on pouvait gagner beaucoup d’argent au football mais qu’il fallait travailler dur pour y arriver. J’ai travaillé avec un mentor qui a joué aux Black Leopards, en Afrique du Sud. La mentalité de mon père a joué un rôle important aussi : lorsqu’il veut quelque chose, rien ne peut l’empêcher de l’obtenir. Il n’abandonne jamais. Contrairement à lui, je ne bois pas et ne fume pas alors que, dans le quartier où j’ai grandi, on pouvait obtenir facilement ces choses-là, et la drogue aussi. Je préfère ma mère, qui est très gentille et attentionnée, mais sans la main de fer de mon père, j’aurais peut-être fumé aussi. J’ai surtout été formé dans la rue, où on jouait pieds nus avec des jeunes de tout âge. À sept ans, je jouais déjà pour de l’argent. Je jouais des un-contre-un et je misais la somme qu’on me donnait pour la cantine de l’école. J’ai gagné beaucoup d’argent. Parfois, il fallait se battre pour avoir ses sous. À la fin, plus personne ne voulait m’affronter en un-contre-un. Alors, on faisait des deux contre deux, des trois contre trois ou des quatre contre quatre. Si je parvenais à dribbler deux hommes, on avait quand même beaucoup de chances de l’emporter. C’est là que j’ai tout appris.

 » Mon idole, c’est Ronaldo  »

Et toi, tu veux combien d’enfants ?

SIMON : Cinq, c’est assez, mais ma femme n’en veut que quatre (dans son dos, elle montre 3 de la main).

Quel est ton plan de carrière ?

SIMON : Je veux jouer au plus haut niveau. Je suis sûr que je peux y arriver mais je ne sais pas quand.

L’été dernier, Brighton & Hove s’est intéressé à toi.

SIMON : Mais ce club n’a pas trouvé d’accord avec Michel Louwagie, sans quoi c’était un bon club pour moi. Pas top mais j’avais des chances d’y jouer. En raison du passé colonial, le championnat d’Angleterre est le préféré des Nigérians.

Qu’as-tu encore à prouver à Gand ?

SIMON : On veut atteindre les play-offs 1 et gagner la coupe. Chaque seconde compte. On veut gagner tous les matches, quelle que soit la manière.

Et ton objectif personnel ?

SIMON : Je veux marquer plus. Je suis supporter du Real et mon idole, c’est Ronaldo.

PAR CHRISTIAN VANDENABEELE & FRÉDÉRIC VANHEULE – PHOTOS BELGAIMAGE

 » Je pense que si j’additionne tous les mètres que Hein m’a fait courir, je vais d’ici au Nigeria.  » Moses Simon

 » À 7 ans je jouais déjà pour de l’argent.  » Moses Simon

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