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Le grand écart

Gand est à la traîne en PO1 et les supporters désertent la Ghelamco Arena. Quels atouts créatifs ont encore Ivan De Witte et Michel Louwagie ?

En annonçant qu’il quittait librement Huddersfield, relégué, l’avant Laurent Depoitre (30 ans) semblait poser spontanément une candidature inattendue. Le Hennuyer est en quête d’un contrat de longue durée, après un passage au FC Porto en août 2016, une saison en Championship (6 buts et un assist en 33 matches) et une petite année en Premier League (zéro but et un assist en 23 duels).

 » Je suis toujours supporter de Gand « , a déclaré le solide avant au quotidien Het Laatste Nieuws.  » C’est là que j’ai vécu les meilleurs moments de ma carrière et je suis triste que l’équipe ne soit pas en très bonne forme.  » Est-ce là un message à la direction, qui ne lui a jamais trouvé de remplaçant parfait ?

Dans le passé, le manager général Michel Louwagie n’était guère enclin à offrir un contrat à des trentenaires, même s’il a consenti une exception en janvier 2013, pour Elimane Coulibaly, alors âgé de 32 ans et enrôlé pour un an et demi. De plus, Depoitre semble avoir atteint le zénith de sa carrière chez les Buffalos, de 2014 à 2016, avec 27 buts et 12 assists en 70 matches, sous la houlette de Hein Vanhaezebrouck.

Toutefois, depuis le départ de Depoitre, Gand n’est plus parvenu à trouver un buteur du même calibre, malgré les investissements consentis. Il y a eu Emir Kujovic, puis Mamadou Sylla (3,85 millions, Eupen), Roman Yaremchuk (2 millions, Dynamo Kiev), Rangelo Janga, mais aussi Taiwo Awoniyi, loué par Liverpool, et Giorgi Kvilitaia (3 millions, Rapid Vienne) ou encore Alexander Sörloth. Aucun n’a marqué au moins dix buts. Le seul à y être parvenu est un joker, Jérémy Perbet (1 million, Basaksehirspor).

Le problème, c’est que les attentes d’ Ivan De Witte, plutôt audacieux, et Michel Louwagie, plus prudent, ne correspondent pas aux qualités intrinsèques – pas si brillantes – du noyau. Tant YvesVanderhaeghe (octobre 2017 – octobre 2018) que Jess Thorup l’ont signalé à maintes reprises.

Michel Louwagie et Ivan De Witte : une réflexion profonde s'impose s'ils veulent que Gand continue à tenir le haut du pavé.
Michel Louwagie et Ivan De Witte : une réflexion profonde s’impose s’ils veulent que Gand continue à tenir le haut du pavé.© BELGAIMAGE

Une transhumance constante

Faute de généreux mécènes, Gand est constamment obligé de vendre ses meilleurs éléments ( Sven Kums, MatzSels, Laurent Depoitre, Kalifa Coulibaly, SamuelKalu, Moses Simon, Thomas Foket, StefanMitrovic, Samuel Gigot, Kenny Saief, Peter Olayinka et Lovre Kalinic) en comptant, comme le Racing Genk, sur le transfert de jeunes étrangers doués, style Chakvetadze ou David, pour relever le niveau.

Malheureusement, il est impossible de viser les trois premières places quand on doit se rabattre sur des joueurs à risque tels qu’ Arnaud Souquet, Jean-Luc Dompé et Stallone Limbombe ou sur un transfert à trois millions ( Igor Plastun) qui perd sa lutte pour une place face à Timothy Derijck.

Les transferts hivernaux ne sont pas non plus une solution. Parmi eux, seul le gardien Thomas Kaminski présente un bulletin positif. Roman Bezus a eu besoin d’un temps d’adaptation beaucoup trop long et la vitesse d’exécution lui a posé problème tandis qu’après un départ fulgurant, Alexander Sörloth a subi une baisse de régime logique, ayant trop peu joué à Crystal Palace.

D’avril 2016 à juin 2018, Patrick Turcq (ex-Courtrai) a tenté de s’intégrer au poste de manager sportif mais le transfert raté du Croate Franko Andrijasevic, en provenance du Hajduk Split en juillet 2017 pour 4,25 millions, lui a été fatal. Les conseils de Roger Henrotay, auquel on demande toujours un second avis, ne peuvent pas non plus être qualifiés de réussites.

Depuis octobre dernier, Gand fait appel au jeune Peter Verbeke (ex-Club Bruges), qui déborde d’enthousiasme. Il a cinq ans pour s’imposer. Il est spécialiste en recrutement et en analyses de données ainsi que de vidéos. Le Gantois a toutefois très vite remarqué que De Witte et Louwagie appréciaient énormément le bagage sportif du team manager Gunther Schepens et suivaient souvent ses conseils.

Un président aux abois

Il ne lui sera donc pas facile de peser sur la gestion des transferts. Louwagie a des techniques de négociations particulières et il tient beaucoup à son pouvoir, même s’il répète souvent qu’il mettra un terme à ses tâches opérationnelles en 2020. Verbeke risque-t-il d’être bridé et de se retrouver dans un poste vidé de sa substance ? Car quand il s’agit de joueurs et d’entraîneurs, Mogi Bayat n’est jamais très loin.

Gand va devoir faire le grand écart. Après son titre, l’équipe a terminé deux fois troisième, puis quatrième la saison passée et elle risque maintenant d’être cinquième, voire sixième. N’est-il pas temps d’ouvrir les yeux et de réfléchir ? 14 footballeurs vont revenir de location : Franko Andrijasevic, Louis Verstraete, Anthony Swolfs, Aboubakary Koita, Elton Kabangu, Siebe Horemans, Deiver Machado, Lior Inbrum, Tesfaldet Tekie, Lucas Schoofs, Ahmed Mostafa, Yuya Kubo, Giorgi Beridze et Mamadou Sylla.

Eric Smith n’a pas répondu aux attentes élevées du président, pas plus que Philip Azango de l’AS Trencin. Franck Bahi et Anderson Arroyo, loué par Liverpool, sont restés en espoirs, Renato Neto a disparu et Colin Coosemans ne se contente certainement pas de son statut de troisième gardien. Répondent-ils encore aux normes de qualité fixées ?

À quelle hauteur Gand, qui veut être considéré comme un grand club, a-t-il placé la barre ? D’ailleurs, le club est-il prêt à assumer ce rôle, sur le plan structurel ? De combien d’argent dispose-t-il pour des transferts immédiatement rentables ? L’embauche gratuite du défenseur central gaucher Jan Van den Bergh (24, Beerschot Wilrijk), approuvée par Thorup, doit plutôt être perçue comme une opportunité.

Les spectateurs commencent à râler et à bouder le stade, les assistances s’en font ressentir. De 17.250 en championnat régulier, ils ne sont plus que 16.660 en PO1. En cause : l’absence de football dominant et spectaculaire, des abonnements trop chers mais surtout la défaite en finale de Coupe contre Malines.

De Witte, très populaire auprès des supporters, est particulièrement sensible à leurs préoccupations. Si Gand ne veut pas que son statut tout neuf continue de s’effriter, il a besoin d’une réaction forte. Le club a beau posséder un superbe stade moderne, comme la Ghelamco Arena, avoir le meilleur fonctionnement communautaire de Belgique grâce à sa Fondation et un complexe d’entraînement fantastique à Oostakker, rien n’y fait : pour se comparer aux autres clubs du G5, il faut plus de qualité et de dynamisme à tous les échelons.

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