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 » Le bronze à l’EURO nous a ouvert l’appétit « 

Matthias Stockmans
Matthias Stockmans Matthias Stockmans is redacteur van Sport/Voetbalmagazine.

Vous connaissiez déjà les Borlée et les Lukaku, mais connaissez-vous les Mestdagh ? À partir du prochain week-end, il y en aura trois sur la scène du Championnat du monde de basket à Tenerife : Philip, le père, comme coach le long de la touche et ses filles Kim et Hanne comme joueuses sur le terrain.

L’équipe nationale belge de basket ne se résume pas à Emma Meesseman et à Ann Wauters, deux joueuses qu’il ne faut plus présenter. Il y a aussi Antonia Delaere, Jana Raman, Marjorie Carpréaux, Julie Vanloo… Elles ont brillé l’an passé à Prague, en décrochant la médaille de bronze au Championnat d’Europe, ce qui leur vaudra de participer au Championnat du monde pour la première fois dans l’histoire de notre pays. Le nom Mestdagh est aussi très présent dans cette génération dorée.

Philip Mestdagh peut être considéré comme l’architecte de cette formation ultra-performante. En 2011, il a été champion d’Europe avec l’équipe nationale U18, qui comprenait notamment Meesseman. Mais, surtout, il a guidé les pas d’un duo aussi talentueux que sympathique : Kim (28 ans) et Hanne (25 ans) Mestdagh.

Hanne a été freinée par les blessures tout au long de sa carrière mais fait désormais office d’arme secrète chez les Belgian Cats. Elle a déjà souvent débloqué des matches grâce à son adresse à trois points. Kim s’est érigée, dans l’ombre de Wauters et Meesseman, comme une pièce maîtresse de cette phalange, avec son tempérament de battante, sa vision tactique et son tir à trois points tout aussi précis.

Une famille branchée sur le sport

 » Le sport a toujours été très présent chez nous « , explique Kim.  » Maman a joué au volley en première division. Papa et notre grand frère ont joué au basket. Robin joue, depuis cette saison, pour Gent Hawks en deuxième division.

Dans le sillage du grand frère, vous avez traversé l’Atlantique pour combiner les études et le basket dans une université américaine. Vous avez passé quatre ans à Colorado State University. Une période intéressante ?

KIM : Je ne sais pas si je le referais. Ils pensent trop peu à long terme et essaient de retirer de votre corps le maximum de potentiel physique en quatre ans. On passe énormément de temps en salle de musculation, mes cuisses ont gonflé, je ne trouve pas que c’était la bonne méthode.

HANNE : Je trouve tout de même que c’était une expérience enrichissante. La vie estudiantine américaine avec tout ce qu’elle comporte… Un campus comme celui-là, c’est une petite ville en soi. On n’a pas beaucoup l’occasion de sortir lorsqu’on n’a pas encore 21 ans, mais on passe beaucoup de temps dans les chambres. J’en ai gardé quelques amies. Sur le plan purement sportif, j’ai mes doutes quant à la plus-value que ce séjour m’a apporté, car on joue différemment au basket en Europe et aux États-Unis.

Peu de stabilité

Après quatre ans aux États-Unis, avez-vous eu du mal à trouver une place dans le basket professionnel ?

KIM : Lorsque j’ai terminé mes études, j’ai reçu pas mal de coups de téléphone d’agents. Ils me proposaient tous des clubs, mais à ce moment-là, on ne sait pas encore très bien à qui l’on peut faire confiance. Ce sont des choses que l’on apprend avec le temps. J’ai pu faire part de mon expérience à Hanne. On ne m’y reprendra pas à deux fois.

HANNE : Je suis partie jouer aux Castors Braine : une première année professionnelle difficile. Kyara ( Linskens, ndlr) et moi étions livrées à notre sort. L’argent était plus important que notre développement en tant que personne. Une déception. Après, je suis partie en Allemagne. Mais tout n’a pas été simple, on ne sait pas toujours très bien où l’on met les pieds. À Namur Capitale, désormais, je sais à qui j’ai affaire (son père est le coach, ndlr).

Nous ne pouvons pas crier ‘papa’ sur le terrain, nous l’appelons ‘coach’, comme toutes les autres joueuses.  » Kim Mestdagh

KIM : Je me retrouve aujourd’hui sans club. Et sans employeur, on n’a pas de rentrées d’argent. Une année, on peut bien gagner sa vie, et l’année suivante, beaucoup moins. Dans ce métier, on a peu de stabilité.

Et la saison dernière est là pour l’illustrer : après quelques mois, tu as quitté le club turc de Yakin Dogu.

KIM : La préparation s’était bien passée, jusqu’à ce que deux joueuses américaines débarquent avant la Supercoupe d’Europe. Mon temps de jeu a diminué drastiquement. En championnat, je ne figurais même plus sur la feuille de match. Heureusement, je pouvais encore me reposer sur Ann ( Wauters, ndlr), qui jouait dans le même club. Pendant la période de Noël, j’ai reçu une proposition de Salamanque. Sur le plan sportif, ce fut un succès : nous avons remporté la coupe et le titre. Mais je ne me suis pas sentie tout-à-fait à l’aise, là-bas. Aujourd’hui, j’attends calmement la fin du Championnat du monde, afin d’effectuer le bon choix après une saison compliquée.

Plus un Petit Poucet

Un an a passé depuis la conquête de la médaille de bronze à l’EURO. Dans quelle mesure avez-vous progressé ?

KIM : Avec l’expérience, nous avons appris ce que cela représente de jouer beaucoup de matches en peu de temps et de se concentrer surtout sur certains matches bien précis. Nous essayons de nous adapter à la formule du tournoi, plutôt que de jouer tout à fond et de voir où cela nous mènera. Au Championnat du Monde, le premier match sera directement très important : Porto Rico est une équipe à notre portée, nous devons gagner.

HANNE : Avant le Championnat d’Europe, nous n’osions pas rêver de la médaille de bronze, alors que cette fois, nous sommes convaincues que nous pouvons créer la surprise au Mondial. D’un autre côté, nous ne faisons plus office de Petit Poucet, les adversaires ne vont plus nous sous-estimer.

KIM : Une autre différence, c’est que l’EURO avait eu lieu en fin de saison. Il fallait donc revigorer son corps. Cette fois, le Mondial a lieu avant la saison. On a donc pu s’y préparer pleinement. Physiquement et mentalement, je suis à 100 %. Ce sera mon premier Championnat du Monde, Hanne a déjà vécu cette expérience en équipe de jeunes. Notre stage en Chine était top. Shanghai est une ville complètement folle. Hanne a d’ailleurs ajouté quelques jours de vacances à ce stage.

Kim et Hanne Mestdagh
Kim et Hanne Mestdagh© BELGAIMAGE – JAMES ARTHUR GEKIERE

HANNE : Personnellement, j’ai visité le village olympique à Pékin. Le wall of fame avec toutes ces médailles… Ça fait rêver.

KIM : Quand on est enfant, ça ressemble à un rêve inaccessible. Et aujourd’hui, il devient réalité. J’espère que ce n’est qu’un début : l’an prochain, si l’on termine dans les six premiers à l’EURO, on jouera des qualifications pour les Jeux Olympiques.

Un papa humain et ouvert

Les Belgian Cats sont-elles meilleures aujourd’hui qu’il y a un an ?

KIM : Oui. Avant, durant les premiers jours, on était encore à la recherche d’automatismes. Aujourd’hui, on se trouve instinctivement, depuis le début de la préparation.

HANNE : Le fait que presque toutes les internationales jouent désormais à l’étranger, aide également. Au Championnat d’Europe, nous avons goûté au succès. Et l’appétit vient en mangeant. On travaille encore plus sérieusement et plus professionnellement.

Quel genre de coach est votre père ?

KIM : Il a l’air sévère, mais il est très humain. Il est ouvert à tous. Je travaille depuis longtemps avec lui, depuis les U10 en fait, et aussi avec les garçons d’Ypres, avec lesquels j’ai joué un moment. J’ai vu évoluer mon père dans la fonction de coach.

HANNE : Mais ses valeurs sont toujours restées les mêmes : le respect vient en première position. Respect pour les équipières, pour les rendez-vous, et pour le matériel. Il a aussi dû évoluer avec la technologie. Les discussions tactiques sont toujours digitales aujourd’hui, alors qu’avant il prenait un feutre et un tableau. ( elle rit)

Quel rôle a-t-il joué dans votre développement comme basketteuse ?

HANNE : Il nous a appris à jouer au basket dans le jardin. J’ai eu papa comme coach à Ypres et en équipe nationale U14 et U20, et donc maintenant à Namur et chez les Cats. Je pense que nous ne réaliserons que plus tard à quel point c’était spécial d’avoir sa soeur comme coéquipière et son père comme coach. Aujourd’hui, ça semble tout à fait normal, car nous n’avons jamais rien connu d’autre.

Quels liens familiaux ?

KIM : Sur le terrain, on ne peut pas crier  » papa « , ça m’a semblé logique depuis les équipes d’âge. Il faut l’appeler  » coach « , comme le font toutes les autres joueuses.

HANNE : Avant, quand on perdait, on ne se parlait parfois pas de toute la soirée, à la maison. Aujourd’hui, à Namur, papa est aussi mon coach, mais les relations sont tellement professionnelles qu’on garde naturellement une certaine distance entre nous. Nous nous voyons tous les jours, mais lorsque nous nous retrouvons à Ypres – en semaine, j’habite un appartement à Namur – nous pouvons parler pendant des heures et des heures. Au club, nous n’avons pas le temps pour ça. Parfois, des coéquipières ne remarquent même pas que nous avons des liens familiaux.

J’ai subi sept opérations, principalement aux ligaments croisés. Mais je suis heureuse de ne pas avoir abandonné.  » Hanne Mestdagh

KIM :Ce qui arrive parfois, c’est que des coéquipières viennent me trouver lorsqu’elles ont une requête à lui soumettre. S’il serait possible d’aller au cinéma, par exemple ? ( elle rit)

Quand avez-vous pris conscience qu’une carrière dans le basket pourrait s’ouvrir à vous ?

KIM : Même lorsque j’étais à l’université aux États-Unis, une carrière dans le basket m’apparaissait encore comme une perspective très abstraite. Pour Hanne, c’était différent : elle avait déjà élaboré un plan de carrière lorsqu’elle était toute jeune et elle a fréquenté l’école Topsport.

HANNE : Mais j’ai été freinée par les blessures. Celles-ci se sont peut-être déclarées parce que je me suis entraînée trop dur dès mon plus jeune âge. J’ai subi sept opérations, au total. Principalement aux ligaments croisés. À la longue, j’ai fini par me demander si je ne devrais pas abandonner mes projets. J’ai commencé à me dire qu’il y avait d’autres choses dans la vie. Mais je suis heureuse de ne pas avoir abandonné : j’ai désormais une médaille de bronze européenne et je m’apprête à participer au Mondial. C’est la récompense de tous ces efforts.

Ann et Emma

La préparation au Championnat du monde s’est déroulée sans Ann Wauters et en partie sans Emma Meesseman, qui s’est blessée durant un tournoi à Valence. De quoi conférer plus de responsabilités aux autres ?

HANNE : Ça m’a donné l’occasion de montrer mes qualités en débutant dans le cinq de base. Dans cette équipe, chacun a son rôle, mais parfois, c’est bien de s’essayer à un autre.

KIM : C’était intéressant de voir qui prendrait ses responsabilités, car jusqu’ici, c’était parfois un peu trop facile pour les autres joueuses. Qui va marquer ? Emma. Qui va défendre ? Emma. Qui va prendre les rebonds ? Emma. ( elle rit) Nous regardions automatiquement en direction d’Emma et d’Ann. Par réflexe.

HANNE : Lorsqu’on regarde leur palmarès, il est logique que l’on attende beaucoup d’elles, mais elles nous disaient souvent : Nous avons aussi besoin de vous pour engranger des victoires.

KIM : Il n’y a aucune jalousie, nous savons que leur présence nous rend meilleures. L’adversaire se concentre sur elles, et cela nous ouvre des espaces. Si nous leur envoyons systématiquement le ballon sans rien entreprendre nous-mêmes, nous ne gagnerons pas beaucoup de matches.

Emma Meesseman est de ta génération, Hanne. Tu t’es rapidement rendu compte qu’elle arriverait au sommet ?

HANNE : Nous avons même fréquenté la même école maternelle. Emma n’a commencé à se concentrer sur le basket que plus tard. Elle avait tellement d’autres hobbies : l’académie de dessin, les scouts… Le plus curieux, c’est que j’ai longtemps été plus grande qu’elle. Après, elle m’a dépassé dans tous les domaines. ( elle sourit) Le fait qu’elle ait longtemps été petite lui a permis d’améliorer sa technique et d’avoir de bonnes mains. Chez moi, c’était le contraire. Je captais facilement les rebonds sous l’anneau, mais j’ai dû apprendre à courir et à shooter.

Le sélectionneur Philip Mestdagh évoque…

… le rôle de ses filles Kim et Hanne chez les Belgian Cats :

Philip Mestdagh : Kim peut réaliser une action et servir les joueuses intérieures. Elle est très coachable et très professionelle, toujours concentrée à l’entraînement comme en match. Après Emma Meesseman et Ann Wauters, elle est la troisième pièce maîtresse dans le groupe, ceci dit sans vouloir offenser les autres joueuses.

Hanne est le lien entre toutes les individualités de notre équipe. Elle a perdu beaucoup de temps à cause de toutes ses blessures, mais aujourd’hui elle progresse réellement. Elle a travaillé très dur cet été, ce qui l’a rendue plus présente en défense et plus performante derrière la ligne des trois points. L’an passé, elle a traversé une période difficile après son expérience à Fribourg, qui a été relégué. Je lui ai conseillé de rentrer en Belgique. Cela tombait bien : j’avais encore besoin d’une shooteuse à Namur. Elle a joué une bonne saison, y compris au niveau européen, et j’espère qu’elle confirmera cette saison-ci.

… les attentes pour le Championnat du monde :

Nous partons avec certaines ambitions. A l’exception de Marjorie Carpréaux et d’Ann Wauters, notre équipe est jeune. Ce serait bien si nous parvenions à nous extraire des poules et à terminer parmi les huit premiers. Jouer trois matches supplémentaires en plus de la phase de poules, ne peut qu’être profitable au groupe, en terme d’expérience.

Le programme des Belgian Cats

Porto Rico – Belgique

samedi 22 septembre, 21h30

Belgique – Japon

dimanche 23 septembre, 14h30

Belgique – Espagne

mardi 25 septembre, 21h

Tous les matches sont retransmis en direct sur la RTBF et Sporza.

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