LA SAINTE TRINITÉ

J’ai du mal à démêler les trois grands paramètres qui, selon les écoles d’entraîneurs, définissent le footballeur : qualités physiques, qualités techniques, qualités mentales. Certes, en matière d’atouts physiques, je sais que coexistent endurance, résistance, vitesse, puissance, explosivité… Certes aussi, je crois savoir que la technique est synonyme d’habileté avec ballon, afin de le contrôler, dribbler, passer, frapper… Mais ça me gratte un peu lorsque les commentaires sont dithyrambiques par un seul biais : Quel extraordinaire technicien ! ou Quel physique, ce joueur ! sont des exclamations qui maximalisent une qualité pour mieux négliger l’autre.

Ce qui me frappe, c’est que l’extraordinaire technicien du top montre surtout des gestes exécutés tout aussi joliment à des échelons pourtant plus ordinaires : la différence est qu’il les exécute plus vite, plus puissamment, plus explosivement, et tout cela rend son habileté supérieure. Mais ce sont donc aussi les grandes qualités physiques de l’extraordinaire technicien qui créent la légendaire vitesse d’exécution, qui le font sortir de l’ordinaire, qui le rendent supérieur à l’extraordinaire technicien …de Provinciale !

Par ailleurs, d’autres joueurs prestent aussi au top, admirés pour leur potentiel physique : et ceux-là, en matière de gestuelle sophistiquée, ne montrent pas le tiers du quart de ce que savent nous montrer les artistes du niveau amateur : mais conscients de leurs habileté moindre, ces caïds  » limités techniquement  » ne pètent pas (balle au pied) plus haut que leur derrière ! Et c’est ainsi leur niveau technique moyen, sobre mais sûr, qui les distinguent d’amateurs au départ aussi fortiches en puissance et explosivité …mais malhabiles balle au pied !

Tout cela pour dire qu’à tout niveau et tout moment, un footballeur est un cocktail technico-physique : la qualité des deux ingrédients est variable, leur mixage varie. Mais aucun footballeur n’est jamais que physique, ou que technique ! Et l’infinie variété de profils découlant de cela est à mes yeux LE grand charme du foot !

D’autant qu’il me faut encore causer du troisième paramètre ! Les qualités mentales -je préféreraiscérébrales- me semblent de deux ordres : motivation et intelligence. Je ne m’attarde pas sur la première : en foot comme partout, il y aura toujours des poètes et des fainéants, nécessitant des motivateurs pour tenter de leur botter le cul ; et d’autres qui tueraient leur mère pour marquer un but… Et puis, il y a l’intelligence, ça c’est compliqué : parce qu’aucun footballeur au monde n’estime être footballeur et stupide ! Pourtant, régulièrement, presse ou coaches auscultent tel ou tel pour le dénommer footballeur intelligent, ce qui veut forcément dire qu’ils ne le sont pas tous et c’est ennuyeux : si Hein Vanhaezebrouck claironne que Leander Dendoncker est très intelligent, ça peut finir par porter sur les nerfs de Kara ou Lukasz Teodorczyk, personne n’aime passer pour plus bêta que son voisin !

Il y a l’intelligence tactique, et elle varie : piger plus ou moins l’échiquier qu’est le match de foot, agir en conséquence au bon moment : c’est bien plus que la vista car certains voient loin, donnent de bonnes balles longues …mais pas au moment opportun ! Et il y a par ailleurs une intelligence de tous les jours, qu’hélas le Bon Dieu n’a pas non plus donné à tous de la même manière : celle-là fout dans la merde les coaches même très futés. Imaginons un joueur malin s’entendant dire qu’il est trop peu technique ou trop peu physique : il peut réfléchir et admettre. Mais imaginons l’inverse, faire piger à un gars technique et/ou physique, mais doté d’une cervelle d’oiseau, qu’il manque de qualités tactiques (la fameuse intelligence de jeu) : c’est peine perdue vu que la cervelle est d’oiseau…

Dernière remarque à propos du rôle du ciboulot. En foot, quand un petit pays en affronte un grand, le petit déclare souvent que, puisque son réservoir de footballeurs talentueux est bien moindre, il va lui falloir être plus malin, compenser par l’intelligence. C’est un peu con. Si ton pays compte 10 millions d’âmes plutôt que 100, la probabilité d’y compter moins d’encéphales sophistiqués est kif que pour les talents, non ?

PAR BERNARD JEUNEJEAN

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