La chute d’un prince héritier

Malines se complaît dans la nostalgie. En ces temps sombres, certains se souviennent peut-être que les Rouge et Jaune ont disputé, il y a trente ans, une fabuleuse campagne qui allait leur valoir la victoire en Coupe des Vainqueurs de Coupe. À chaque déplacement à l’étranger, pendant le dîner de presse, la direction entonnait le fabuleux hymne du club, sous la régie du président John Cordier. Pendant ce temps-là, Aad de Mos préparait son équipe. Avec un système clair, des schémas reconnaissables et une grande discipline tactique.

Qu’en reste-il ? Il y a dix jours, à l’issue du match contre Anderlecht, Yannick Ferrera s’en est pris à ses joueurs, les enjoignant de ne pas faire les forts-à-bras. Étrange car avant le match, Ferrera lui-même avait déclaré qu’il se sentait prêt à entraîner un grand club. C’est plutôt osé quand on coache un club qui se trouve en bas de classement. Les joueurs ne doivent pas se prendre pour la cuisse de Jupiter, certes mais l’entraîneur ne doit pas en remettre une couche non plus. A fortiori, quand son équipe bat de l’aile. Il vaut mieux faire preuve de sagesse et de sobriété.

Le limogeage de Yannick Ferrera était devenu inévitable, vu les frictions ambiantes. Mais surtout, Ferrera n’arrivait pas à faire tourner l’équipe. Celle-ci accumulait les erreurs défensives et la finition faisait cruellement défaut. L’absence de plusieurs joueurs ne constitue qu’une partie de l’explication car Malines a quand même un noyau de 29 hommes.

Il n’y a pas si longtemps, Yannick Ferrera était le prince héritier de la corporation. Passé de Saint-Trond au Standard, il n’avait pu se maintenir dans le chaudron de Sclessin. Parfois, les entraîneurs sautent des étapes et ont du mal à se ressaisir. Il y a un peu plus d’un an, le cadet de la dynastie a obtenu l’occasion de se refaire dans ce beau club qu’est Malines. On a longtemps loué son enthousiasme rafraîchissant, la presse comme les autres. C’est dans l’air du temps : on porte trop vite certains entraîneurs aux nues. Hein Vanhaezebrouck en est le meilleur exemple. On aurait cru que le Messie était tombé du ciel quand le Flandrien a débarqué à Anderlecht. Sans nuance. Or, Anderlecht n’a joué à son niveau que 45 minutes, à Malines. Il n’y a pas de miracles en football. Les vieux maux des Mauves ont refait surface contre le RC Genk. Le discours de l’entraîneur est alors très prévisible : il explique qu’il y a encore beaucoup de travail.

Le Club Bruges signe une série fantastique avec 30 points sur 33. Ivan Leko, qui n’est pourtant toujours pas apprécié des supporters, livre de l’excellent travail. Le Croate a donné forme au Club. Dès qu’il a trouvé la bonne composition d’équipe, il s’en est démarqué le moins possible. Il ne pratique pas la rotation, préférant la force de la clarté. Il convainc ses joueurs. Le Club ne développe pas un football pétillant, certainement pas dimanche dernier contre un Antwerp très rude, mais les chiffres ne mentent pas : il a pris le plus de points, à domicile comme en déplacement, et possède aussi la meilleure attaque et la meilleure défense.

Ivan Leko est proche de son noyau mais il n’a pas l’aura de son prédécesseur. Tout est affaire de perception, en sport comme dans les autres domaines. La présentation est presque plus importante que le travail. En début de saison, le départ de Philippe Clement pour Waasland Beveren a suscité de nombreuses questions. D’aucuns le trouvaient terne. D’autres encore prédisaient qu’il serait le premier entraîneur limogé. Or, Philippe Clement est la révélation absolue. Il est calme et prône la clarté, comme Ivan Leko. Il intègre aisément des joueurs à l’équipe, comme l’avant suédois Isaac Kiese Thelin. Au Freethiel, nul ne parle plus de Zinho Gano, qu’on jugeait incontournable.

PAR JACQUES SYS

Yannick Ferrera n’a pas été malin en déclarant qu’il était prêt pour un grand club.

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