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L’épopée de Virgil

Il a été bombardé capitaine des Pays-Bas le mois passé et ce soir, il doit contenir l’armada de Pep Guardiola en Ligue des Champions. L’histoire de Virgil van Dijk, le défenseur le plus cher de l’histoire.

« Marc, c’est votre dernière chance. C’est maintenant ou jamais.  » Marc Overmars, directeur sportif de l’Ajax, reçoit un coup de fil du FC Groningue, au printemps 2013. Les Amstellodamois veulent-ils Virgil van Dijk, un défenseur de 21 ans, oui ou non ?

C’est que Groningue a déjà trouvé un accord avec le Celtic mais le joueur préférerait un grand club néerlandais avant de se risquer à l’étranger et, s’il saute le pas, ce serait plutôt en Premier League. Feyenoord, le PSV et l’AZ ne s’intéressent pas à lui.

L’Ajax hésite. Beaucoup. Il doit, certes, enrôler un défenseur mais Van Dijk lui convient-il ? Il reste sur une bonne saison à Groningue mais il paraît parfois nonchalant. Overmars finit par refuser et embauche Mike van der Hoorn, du FC Utrecht.

Van der Hoorn rejoint Swansea City pour 2,5 millions en 2016. En janvier dernier, Van Dijk quitte Southampton pour Liverpool pour la somme de 85 millions, devenant le Néerlandais et le défenseur le plus cher de tous les temps.

Sans contrat à 17 ans

La carrière de Van Dijk est plutôt atypique. Il a été confronté aux doutes de tous ses clubs. Ça commence à Willem II, son club formateur. En 2009, quand le FC Groningue prend contact avec le club de Tilburg, il est stupéfait d’apprendre que le longiligne défenseur de 17 ans n’a pas encore de contrat.

C’est pour le moins étrange pour un joueur qui fait partie du club depuis dix ans et est considéré comme un de ses plus grands talents. Des années plus tard, Van Dijk commente :  » Willem II ne pensait manifestement pas que d’autres clubs s’intéresseraient à moi. Je l’ai bien sûr perçu comme une motion de méfiance, comme s’il ne me voyait pas réussir une carrière professionnelle. Pour moi, c’était clair : Willem II était simplement laxiste.  »

Tilburg continue à jurer avoir fait une proposition à Van Dijk mais une vérification nous apprend qu’il ne la lui a soumise qu’après que le FC Groningue s’est officiellement manifesté.  » En effet, il m’a alors fait une offre mais c’était ça ou rien, car il n’était pas question de négocier « , précise le joueur.

Willem II laisse donc partir gratuitement un futur international. En 2010, Van Dijk paraphe un contrat de deux saisons à Groningue. On ne peut pas dire que l’union soit une réussite immédiate. Van Dijk fait effectivement banquette, non pas en Première mais en Espoirs. Le staff médical le trouve, de fait, trop fatigué.

A Willem II, il se produit souvent en Juniors A et en Espoirs. C’est trop, même pour un défenseur aussi costaud. On lui concocte donc un programme d’entraînement individuel. Il ne joue quasiment pas pendant six mois. Willem II avait-il raison ?

A 19 ans en Première

 » Virgil a été exploité. Nous avons dû mettre le frein « , se rappelle Dick Lukkien. L’actuel entraîneur du FC Emmen s’occupait alors des Espoirs de Groningue. Il a tissé des liens particuliers avec Van Dijk.  » Il faut gagner sa confiance. Il est physiquement impressionnant mais aussi très méfiant.  »

Lukkien se souvient aussi d’un jeune homme plein d’assurance. D’un joueur bien décidé à rejoindre l’élite, dans les plus brefs délais.  » Mais il a passé les premiers mois sur le terrain d’entraînement. Il était tout sauf content. Il voulait jouer. Il répétait qu’il était prêt.  »

Las, Van Dijk a dû prendre patience. Après une longue attente, il est devenu une valeur sûre en Espoirs et a pu participer aux séances de la Première. Ensuite, tout s’est accéléré. Quatorze mois après avoir signé son premier contrat professionnel, Van Dijk effectue en définitive ses débuts en équipe-fanion du FC Groningue.

Le public local découvre le défenseur de 19 ans le 1er mai 2011. Il remplace alors Petter Andersson à 18 minutes du terme. Peu après, il se fait un nom pendant les play-offs, jouant un rôle crucial contre ADO La Haye, un match qui se décide aux tirs au but.

Il commet, certes, une erreur sur le 1-1 de Lex Immers mais se rattrape en inscrivant deux buts. Groningue perd finalement la séance de tirs au but mais la réputation de Van Dijk est faite.

C’est le début d’une éclosion annoncée. Il dispute 23 matches pendant sa première saison complète au FC Groningue. Il loupe la fin de la compétition car, le 1er avril, comme l’annonce le club sur son site, Van Dijk est opéré d’une appendicite. Le fait passe inaperçu dans certains journaux. Nul ne le sait mais Van Dijk est en train de lutter contre la mort.

La mort en face

Tout commence sur le terrain d’entraînement de Groningue. Un lundi, le défenseur se plaint de graves douleurs abdominales. Le staff médical le tient à l’oeil mais il parvient à s’entraîner. Le jeudi soir, la douleur devient insupportable.

A trois heures du matin, un coéquipier le conduit à l’hôpital. On effectue une prise de sang et quelques examens. Les médecins ont une bonne nouvelle : ils n’ont rien trouvé. Ils le renvoient chez lui avec quelques comprimés antidouleur.

Sa mère, méfiante, prend le volant. Elle met deux heures à arriver à Groningue, de Breda. Elle voit son fils se tordre de douleur. Effrayée, elle l’emmène dans un autre établissement hospitalier. Elle veut une seconde opinion.

Il s’avère que Van Dijk souffre d’un empoisonnement des reins et d’une péritonite. Les médecins disent qu’il a eu de la chance.  » Une personne en moins bonne forme ou plus âgée n’y aurait pas survécu. Ils ne pouvaient de toute façon donner aucune garantie.

 » Trois jours après l’opération, ce fut la panique « , raconte le défenseur.  » Je me rappelle avoir été couché, relié à toutes sortes de tuyaux. Mon corps était brisé, je ne pouvais plus rien faire. Des tas de choses m’ont traversé la tête, toutes pires les unes que les autres.

Pour la première fois de ma vie, le football n’était plus le centre de ma vie. Ma mère et moi avons prié. Nous avons passé en revue tous les scénarios possibles. J’ai dû signer des papiers. Une sorte de testament.

Si je mourais, une partie de mon argent revenait à ma mère. Personne n’avait envie d’en parler mais il fallait bien le faire. Tout aurait pu basculer en un instant… J’ai vu la mort et ce n’était pas beau du tout.  »

Gaffes à gogo

Van Dijk entame sa deuxième saison complète à Groningue avec quelques kilos en moins mais une détermination intacte. Il forme un duo intéressant avec le chevronné Kees Kwakman. On parle de plus en plus de lui. Positivement. A quel point est-il talentueux ?

Les fameux connaisseurs le trouvent trop léger. Comme il est grand (1m93), on le juge trop lent, trop peu mobile. Lukkien rit.  » Virgil est incroyablement rapide. Il n’a cessé de me surprendre à l’entraînement. Quand nous jouions homme contre homme, je l’opposais à Petter Andersson. Ils se livraient des duels épiques.

En fait, Virgil n’avait jamais de problèmes. Le reste des Pays-Bas pouvait penser ce qu’il voulait mais nous, nous savions depuis longtemps ce dont Virgil était capable. Dès ses premiers mois chez nous, j’avais décelé son talent mais je n’ai mesuré son étendue qu’au bout d’un certain temps ? L’élite absolue.  »

Van Dijk dispute 32 matches sous le maillot de Groningue, pendant cette deuxième saison. D’autres auraient pris leur temps mais le natif de Breda en veut plus. Il rêve de la Premier League, du FC Barcelone, de l’équipe nationale. Il veut franchir un palier tous les deux ans.

Dans sa tête, le prochain arrêt, c’est l’élite néerlandaise. Deux ans à l’Ajax, à Feyenoord ou au PSV avant le grand saut vers un club européen. Mais rien ne bouge. C’est le calme plat. Van Dijk n’est pas un défenseur typiquement néerlandais et ça fait apparemment reculer les clubs.

Son allure nonchalante se retourne contre lui et, en plus, il commet trop de gaffes, à Groningue comme en équipe nationale espoirs. Il est notamment catastrophique dans un match contre l’Italie. Tous les scouts l’ont repris sur leur liste mais plus aucun n’ose parler de lui.

Au côté de Denayer au Celtic

Au printemps 2013, le FC Groningue est disposé à le laisser partir moyennant une indemnité raisonnable. En hiver, une offre de Brighton & Hove Albion est repoussée. Par le défenseur, pas par Groningue : il ne veut rejoindre que la crème.

Van Dijk considère le Celtic comme une bonne alternative. Il est assuré de jouer le titre en Écosse, de se produire en Ligue des Champions et c’est un bon tremplin vers la Premier League.

Hormis le club écossais, il n’a qu’une proposition concrète : les Russes de Krasnodar, qui sont disposés à payer un multiple des 2,5 millions d’euros offerts par le Celtic. Une signature suffit à assurer l’avenir financier de Van Dijk et le budget de Groningue pour la saison 2013-2014.

La proposition est lucrative mais le défenseur refuse. Krasnodar n’entre pas dans son plan de carrière. Ce sera donc le Celtic. Van Dijk devient rapidement une valeur sûre à Glasgow. Durant la deuxième saison, il est associé à notre compatriote Jason Denayer au coeur de la défense. Le Néerlandais devient son mentor.

Denayer :  » Il est très calme. Quand il dit quelque chose, c’est toujours sans la moindre agressivité. Il me parle beaucoup et jouer à ses côtés est agréable.  » Deux ans plus tard, comme son plan de carrière le prévoit, Van Dijk rejoint Southampton.

Le club du manager Ronald Koeman verse l’équivalent de seize millions d’euros pour l’ours de Breda, qui devient un des meilleurs défenseurs de Premier League.

Avec les compliments de Klopp

Il n’empêche : les sélectionneurs néerlandais continuent à le snober. Il est même rarement convoqué en équipes d’âge. Au total, il n’a disputé qu’un match en U19 et trois en Espoirs. Louis van Gaal n’a pas besoin de lui pour la Coupe du Monde 2014.

Mais c’est le fil rouge de sa carrière : Van Dijk se bat pour être reconnu, avec succès. Récemment encore, son entraîneur, Jürgen Klopp, n’a pas eu assez de superlatifs pour qualifier ses prestations.

 » Il ressemble à un guerrier sur le terrain « , a déclaré l’Allemand à la presse anglaise.  » Son langage corporel est fantastique. Il est déjà un vrai joueur de Liverpool. Virgil est aussi un bon garçon, ce qui l’a aidé à trouver sa place dans le groupe. Mais nous ne l’avons pas acheté parce qu’il est sympathique. Nous l’avons engagé parce qu’il est un très bon footballeur.  »

Van Dijk affirme ne pas se ressentir de son étiquette de défenseur le plus cher du monde.  » Ça peut avoir un impact parce que beaucoup de gens en parlent mais personnellement, je parviens facilement à en faire abstraction. Je sais qu’il y a beaucoup de choses bien plus importantes que cette somme dans la vie. Le garder à l’esprit m’aide à relativiser. En fait, il faut simplement être et rester soi-même.  »

Le capitaine de Koeman

Les Pays-Bas viennent de disputer deux matches amicaux, contre l’Angleterre (défaite 0-1) et le Portugal (succès 0-3). C’étaient les premiers matches sous la direction du nouveau sélectionneur, Ronald Koeman. Les Pays-Bas, qui ont pris congé d’ Arjen Robben et de Wesley Sneijder, avaient besoin d’un nouveau capitaine. Koeman a choisi Virgil van Dijk (26 ans).

 » Un capitaine doit avoir du poids sur le groupe « , a commenté l’entraîneur.  » Sa position joue un rôle. Je ne confie jamais le brassard à un gardien ni à un avant. Un capitaine doit aussi être un exemple à tous points de vue.  »

Le choix de Koeman n’est pas très étonnant. Il a connu Van Dijk au quotidien à Southampton, y compris dans le rôle de capitaine, et il apprécie sa fiabilité. Van Dijk lui-même affirme que le brassard ne le changera pas.

 » Il ne me fait pas grand-chose. Je reste moi-même. Ma position sur le terrain implique que je commande constamment les autres. Il m’est donc facile de diriger et mes coéquipiers l’acceptent bien. Il faut faire ce en quoi on est bon. Or, le coaching est inné en moi. « 

Virgil van Dijk a été désigné capitaine de la sélection orange par le nouveau sélectionneur, Ronald Koeman.
Virgil van Dijk a été désigné capitaine de la sélection orange par le nouveau sélectionneur, Ronald Koeman.© BELGAIMAGE

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