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 » Je vais à l’EURO pour gagner « 

Après une saison 2017 fluctuante, Charline Van Snick a débuté 2018 avec une médaille de bronze. De quoi la mettre en confiance avant le Championnat d’Europe de Tel-Aviv, fin avril.

La carrière de Charline Van Snick est remplie de constantes. Son désamour avec le Tournoi de Paris, où la judokate belge a échappé en février à la médaille pour la quatrième fois de sa carrière, en est une. Mais sa capacité à se relever au lendemain de grosses désillusions en est une autre.

Après les JO de Rio, où elle a été sortie dès le premier tour, Van Snick a décidé de changer de catégorie, passant de -48 à -52 kilos. Elle a fini l’année dans le top 8. Après l’EURO et le Mondial 2017, où elle a respectivement quitté le tatami au premier tour et en 16e de finale, la sportive a directement remis son bleu de travail. Et elle a remporté son premier Grand Chelem à Abu Dhabi dans la foulée.

La déception parisienne désormais derrière elle, la logique Van Snickienne voudrait que la judokate explose à l’EURO de Tel-Aviv, qui démarre le 26 avril. De Paris, où elle vit depuis plusieurs années, Charline s’applique à évoquer son évolution entre plusieurs coupures téléphoniques. La véritable métaphore de sa carrière.

Vous avez dit un jour que vous ne passeriez pas toute votre vie dans la capitale française. Pourquoi ?

CHARLINE VAN SNICK : C’est intéressant pour le sport parce qu’il y a plein de choses à faire, il y a plein de contacts, de salles, de personnes de qualité… Mais les habitudes de vie sont dérangeantes. Le stress quotidien affecte mon organisme : avant, je n’étais jamais malade alors que maintenant, deux-trois fois par an, j’ai des sinusites, je suis prise aux bronches… On a un ou deux degrés de plus qu’ailleurs, on vit vraiment dans la pollution. Et puis, on ne peut pas comparer le Parisien au Liégeois. Mais tant que je serai active dans le judo, un retour en Belgique n’est absolument pas prévu.

Pour avancer, il faut autant assumer ses erreurs que fêter ses succès.  » – Charline Van Snick

À Abu Dhabi, où vous remportez l’or au Challenge d’octobre, vous avez profité de votre temps libre pour visiter la Grande Mosquée. C’est plutôt rare dans le chef de sportifs de haut niveau, souvent en plein rush…

VAN SNICK : J’adore voyager et découvrir les autres cultures est un enrichissement qui fait partie de ce genre de déplacements. Après, ça ne se met pas toujours, ça arrive surtout quand il faut une période d’adaptation au décalage horaire. Mais quand il n’y en a pas, c’est un aller-retour.

 » 2017 était une année de transition  »

Abu Dhabi a été le point fort de votre année 2017, quel bilan général en tirez-vous ?

VAN SNICK : C’était une année de transition vu mon changement de catégorie. C’était un gros challenge qui a clairement été réussi. Maintenant, c’est sûr qu’il y a eu des moments plus difficiles, avec les Championnats d’Europe et du Monde qui ne se sont pas bien passés. Au-delà de ça, j’ai très vite fait des médailles lors des tournois dans lesquels je me suis engagée. Et, en fin d’année, j’ai gagné un Grand Chelem pour la première fois de ma carrière en battant la n°1 mondiale et celle qui m’avait éliminée au Mondial. Il y avait donc un vrai niveau, ça a été une très belle progression. En un an, je me suis retrouvée dans le top 8 mondial, c’est un véritable exploit.

Avant 2017, vous évoquiez souvent vos difficultés à rester sous les 48 kilos et les conséquences négatives sur votre vie quotidienne. Ce changement ne doit pas vous laisser de regrets…

VAN SNICK : Tout à fait, ce n’était plus possible. Je subissais des régimes extrêmes toute l’année, ce qui n’est plus le cas désormais. En parallèle, j’ai dû adapter mon corps en prenant de la masse musculaire. Et puis il y a tous ces changements en termes de règles. Une de mes techniques favorites ( caler la jambe adverse entre ses pieds et encercler la fille en prenant appui sur son dos, ndlr) n’est désormais plus autorisée… à mon désavantage. Il faut donc que j’adapte mon judo.

Charline Van Snick :
Charline Van Snick :  » La Fédé ? On n’est pas les meilleurs amis du monde et on ne le sera jamais. « © BELGAIMAGE

À travers votre discours direct, on a toujours senti une perception juste de votre niveau. Est-ce une manière de lutter contre le politiquement correct et le stéréotype, omniprésents dans le sport de haut niveau ?

VAN SNICK : Je pense que c’est important de rester les pieds sur terre, de dire quand quelque chose est bien fait, mais aussi quand ça ne l’est pas. Au Tournoi de Paris, j’ai fait des erreurs, je n’étais pas au top de ma forme pour différentes raisons. Pour avancer, il faut autant assumer ses erreurs que fêter ses succès. Après, il m’arrive aussi de dire que je fonctionne au  » match par match  » ( rires).

 » J’aime dire ce que je pense  »

Mais vous ne cherchez pas à plaire. C’est votre discours…

VAN SNICK : J’aime dire ce que je pense et je le fais quand quelque chose ne me plaît pas, mais je ne pense pas non plus être du genre à me plaindre tout le temps. Je ne dis pas non plus tout ce qui se passe, le déballage médiatique n’est pas toujours efficace. Je l’ai fait pour la première fois en décembre, mais il ne faut pas que ça se répète systématiquement. Régler les affaires en privé est toujours la meilleure solution.

Vous évoquez le Kimono d’or, une cérémonie que vous avez récemment quittée en pleine soirée après que la Fédé eut remis un grade dan  » honorifique  » à Nicole Flagothier, Cédric Taymans, Toma Nikiforov… mais pas vous. Pourquoi avoir décidé de vous justifier par après dans une vidéo publique ?

VAN SNICK : Parce que j’ai trouvé qu’il y avait une grosse injustice, un énorme manque de reconnaissance et qu’en parler en interne n’aurait rien changé. Les faits étaient derrière, mais j’avais besoin de m’exprimer sur ce qui s’était passé.

Vous avez eu des contacts avec la Fédé après ça ?

VAN SNICK : La vie continue ( rires).

Là vous avez un discours retenu…

VAN SNICK : Il ne s’est rien passé de plus, ils ont sorti une excuse que je ne trouve pas valable ( la Fédé explique que les sportifs récompensés ont dû faire la démonstration d’un travail développant leur technique personnelle en mettant en exergue l’aspect pédagogique, ndlr). Et puis voilà, à partir du moment où chacun reste sur ses positions, il faut passer au-dessus pour continuer à travailler ensemble. On n’est pas les meilleurs amis du monde et on ne le sera jamais.

 » J’investis dans ma carrière  »

Le prix de votre indépendance parisienne est assez élevé. Certains évoquent la somme de 2000 euros dépensés par mois. Vous confirmez ?

VAN SNICK : Non, hein, c’est plus ( rires). J’ai un grand nombre de personnes à financer : mon entraîneur personnel, mes préparateurs physique et mental, mon chiropracteur ( lié à cette pratique de santé préventive et curative, ndlr) plus différents autres intervenants.

Une partie confidentielle est prise en charge par la Fédé, le reste est à ma charge. Je ne calcule pas au cent près ce que je dépense parce que j’investis dans ma propre carrière. Je suis néanmoins une des rares athlètes pour qui le sponsor ne ramène pas d’argent, mais est directement réinvesti dans le judo.

Vous aviez déjà fait appel à Rising Track (crowdfunding de sportifs) par le passé. Quelles autres alternatives s’offrent à vous pour tenir le coup financièrement ?

VAN SNICK : Cette année, j’ai également sorti un calendrier. C’était pas mal pour une première et c’était l’occasion de mettre en avant la femme et surtout la sportive de haut niveau dans une discipline de combat.

Est-ce que vous sentez de l’évolution dans la reconnaissance de la femme dans le sport et le monde en général ? On vient seulement de célébrer en grandes pompes l’obligation d’équité salariale entre hommes et femmes en Islande…

VAN SNICK : Je ne vois pas ça comme quelque chose d’incroyable. Ce qui était incroyable, c’est que nos grands-mères n’avaient pas le droit de vote, ne pouvaient pas payer avec leur propre compte bancaire… et ne faisaient sûrement pas de judo. Il y a donc eu d’énormes progressions sociales et je préfère rester positive. Maintenant, c’est clair qu’on parle toujours plus des hommes, même quand une femme réalise un meilleur résultat.

 » Je suis sur une bonne progression  »

Pourquoi avoir choisi un stage en haute montagne pour préparer l’EURO de Tel-Aviv ?

VAN SNICK : Le Massif des Écrins est une contrée un peu sauvage parfaite pour l’alpinisme et la randonnée. Cet entraînement sort un peu des clous, j’ai donc dû argumenter pour pouvoir le faire. En variant différentes intensités, notamment en haute montagne, il y a une oxygénation qui fait du bien par rapport à ma vie quotidienne polluée à Paris. Je vais travailler la préparation physique de fond et puis mentalement, c’est une façon de dépasser mes limites. C’est très imagé, mais mon but dans le judo est d’atteindre les sommets. Ici, je vais le faire pour du vrai.

Vous allez débarquer à l’EURO avec un sentiment de revanche par rapport à l’année dernière ?

VAN SNICK : Pas du tout, j’y vais… pour donner le meilleur de moi-même ( rires). Non évidemment, j’y vais pour gagner. Je suis sur une bonne progression, je sais quel est mon niveau, mais il faut toujours pouvoir performer le Jour J en prenant en compte tous les paramètres, notamment ceux qui concernent l’arbitrage.

La sincérité impossible

Entre les lignes de vos différentes interviews sur l’affaire du dopage, on croit deviner que votre mise à l’écart avait pour but de favoriser l’émergence d’une autre judokate. Vous pensiez faire de l’ombre à quelqu’un, gêner la Fédération ?

CHARLINE VAN SNICK : C’est délicat parce que je tiens à être honnête, mais je vais avoir des problèmes si je réponds trop sincèrement. Après, oui, j’ai toujours eu l’impression de gêner parce que je n’étais jamais d’accord avec les idées de la Fédération et que je me suis toujours battue pour imposer mon système de fonctionnement.

Imposer ses méthodes peut être vu comme une manière d’avancer mais aussi comme un manque d’ouverture au consensus…

VAN SNICK : Ça ne concernait que moi, pas le fonctionnement général. Au début, j’ai voulu faire ça dans la discussion, mais ça n’a pas été toujours possible. J’avais par exemple demandé de changer de coach parce que je ne m’entendais plus avec la personne concernée et que j’avais même entamé une procédure interne pour harcèlement moral. Mais la Fédération a préféré le protéger. C’est ce genre d’événements qui a mené à des années de conflit. Aujourd’hui, on est arrivé à un consensus. Même si tout n’est pas rose, on travaille ensemble.

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