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 » Je suis meilleur dans l’entrejeu « 

 » J’ambitionne de jouer plus haut mais je sais que je n’affiche pas encore la même forme que la saison dernière. À moi de me montrer et de convaincre les observateurs que je suis prêt à franchir un pas.  » Conversation avec Leander Dendoncker, actuellement défenseur à Anderlecht.

C’est un Leander Dendoncker détendu que nous rencontrons au lendemain du match de Ligue des Champions face au PSG et à trois jours du match de championnat contre Genk, dans un petit local de la section administrative, au premier étage du centre d’entraînement de Neerpede. Après un mercato mouvementé, le citoyen de Passendale est encore à la recherche de sa meilleure forme. De plus, depuis le changement d’entraîneur, il ne joue plus dans l’axe de l’entrejeu mais sur le côté droit d’une défense à trois. Ce qui n’est pas une mince affaire lorsque, comme la veille, il lui faut affronter des stars mondiales comme Neymar, Mbappé et Cavani.

 » Je ne suis pas satisfait mais je ne suis pas mécontent non plus « , dit-il.  » Il y a toujours des choses qui vont bien et des choses qu’on peut améliorer mais ce sont surtout ces dernières qui m’intéressent. Cette place n’est pas celle que je préfère mais c’est le coach qui décide et j’essaye de donner le meilleur de moi-même. Ces attaquants du PSG bougent beaucoup, les ailiers rentrent dans le jeu et cela complique la tâche de la défense. Faut-il les suivre ou pas ? Rester en place ou couvrir ? Dans ce match, j’ai souvent douté.  »

Que s’est-il passé sur ce ballon en retrait trop court qui a failli provoquer le 0-2 très tôt dans la partie ?

Leander Dendoncker : Kara m’a donné le ballon, j’ai vu que Neymar venait presser et j’ai voulu donner en retrait au gardien. C’était un réflexe mais, entre-temps, Mbappé s’était interposé. Je ne voulais pas adresser une passe trop forte pour que Matz (Sels) ait le temps de la dégager en un temps mais elle était vraiment trop faible. J’aurais peut-être dû garder le ballon et tenter d’éliminer Neymar. Tout cela est dû au fait que cette place est nouvelle pour moi. Avant, quand je jouais derrière, c’était dans l’axe, au sein d’une défense à quatre. À droite dans une défense à trois, je dois m’habituer. Sur le plan défensif, il est plus difficile de se placer car je n’ai pas les qualités naturelles d’un véritable arrière, je n’ai pas le même placement que quelqu’un qui joue en défense depuis tout petit. Les duels en un contre un sont différents aussi. Dans l’entrejeu, on doit reculer plutôt qu’anticiper. En défense, on est confronté à un joueur qui va dribbler. Je suis rapide sur les longues distances, moins sur les premiers mètres, alors que les attaquants du PSG sont très explosifs dans les petits espaces. Mais le plus difficile, c’est le placement défensif. Il arrive souvent que Kara ou quelqu’un d’autre doive crier pour que je reste dans l’axe ou que je leur demande de m’aider parce que j’ai moins de sensations. Je n’ai pas les automatismes qui me permettent de monter au bon moment. Tout cela parce que je suis un médian.

 » Chaque entraîneur peut m’apporter quelque chose  »

Ce n’est pas, aussi, une question de concentration ? Derrière, on est plus souvent spectateur tandis que dans l’entrejeu, on est sans cesse en action.

Dendoncker : Tout à fait. Par moments, en effet, on est spectateur mais on ne peut pas perdre le fil. Surtout pas en Ligue des Champions car tout va très vite. Ce sont des matches très différents. Je m’en suis aperçu face au PSG lorsque, après la blessure de Sven Kums, j’ai dû retourner dans l’entrejeu pour les vingt dernières minutes. Ce n’était pas facile parce que, jusque là, j’avais focalisé sur Neymar. Et puis, je suis quelqu’un qui a besoin de courir énormément et de toucher beaucoup de ballons.

C’est plus difficile de rester concentré derrière ?

Dendoncker : Oui, ça demande une adaptation. Ça va aller mieux en jouant davantage à cette place mais tout le monde sait que je préfère jouer dans l’entrejeu, que j’y suis meilleur.

Physiquement, tu es moins fatigué après un match en défense ?

Dendoncker : Oui. Dans l’entrejeu, je suis sans cesse en mouvement, je cours 12,5 à 13 km par match, parfois plus. En défense, je ne fais que 10 à 11 km mais je dois sprinter davantage. C’est une fatigue différente.

En vue de la Coupe du monde, le fait de jouer dans une défense à trois ne constitue-t-il pas un atout supplémentaire ? Les Diables Rouges jouent comme ça également.

Dendoncker : C’est vrai que, pour mon premier match sous la direction de Roberto Martinez, face à l’Estonie, j’ai joué en défense mais lors des deux derniers, en Grèce et en Bosnie, quand je suis monté au jeu, c’était dans l’entrejeu. Je pense que le fait de pouvoir jouer à plusieurs places constitue un avantage et je serais évidemment très heureux d’aller à la Coupe du monde mais le plus important, c’est bien entendu de garder la forme et de progresser.

Comment as-tu vécu le changement d’entraîneur ?

Dendoncker : Hmmm, que dire… ? J’avais déjà connu ça avec Van den Brom et Hasi. Un nouvel entraîneur, c’est une nouvelle façon de voir les choses, de nouvelles méthodes de travail. Je pense que chaque entraîneur peut m’apporter quelque chose.

 » On est déjà meilleur en possession de balle  »

Vous comprenez cette euphorie qui entoure l’arrivée de Hein Vanhaezebrouck ?

Dendoncker : Oui car, la saison dernière, on a été champion en pratiquant un jeu qui, pour beaucoup, ne collait pas à l’image d’Anderlecht. Mais il ne faut tout de même pas oublier qu’on a obtenu des résultats impressionnants. En Belgique, on a remporté de nombreux matches difficiles en déplacement et en Coupe d’Europe, on est tout de même arrivé loin après avoir failli arracher les prolongations face à Manchester United. La qualité du jeu était peut-être moindre mais, comme on le disait dans le groupe, on était une équipe très difficile à manoeuver car on formait un bloc solide et on encaissait peu. À présent, on doit progresser défensivement mais on est déjà meilleur en possession de balle et je pense que c’est ce que tout le monde veut.

Les joueurs aussi ?

Dendoncker : La saison dernière, on a été champion alors, dans le groupe, on ne parlait pas trop de la manière. Chaque fois qu’on gagnait, on était content. C’est plus chouette d’avoir le ballon et de pratiquer du beau football mais sans les résultats, on n’est rien.

Le fait est que c’est sous la direction de René Weiler que tu as livré ta meilleure saison.

Dendoncker : Oui mais c’était aussi la première saison où j’étais tout à fait en condition. J’étais très fort physiquement et on formait un groupe soudé. Je m’entendais très bien avec Youri (Tielemans), la défense était très solide, Boeckx a livré une saison énorme, on s’est créé beaucoup d’occasion et, au premier tour, Teo (Teodorczyk) était tout simplement impressionnant. Je ne suis pas le seul à avoir livré une très bonne saison, ce fut le cas de tout le groupe. Tout le monde a beaucoup progressé mais cette saison, ça va moins bien. Quand on mène 0-1 à Courtrai, un déplacement qui n’a tout de même rien de facile, on se dit que c’est bon mais lorsque les supporters continuent à crier Weiler buiten, on comprend que quelque chose ne va pas, qu’il y a un problème. C’est sans doute pour ça qu’il a arrêté. Aujourd’hui, la philosophie de jeu est différente et je pense qu’elle peut être intéressante. On a les joueurs pour pratiquer du beau football mais il faut nous laisser un temps d’adaptation. On a en tout cas déjà démontré qu’on n’avait pas peur de faire le jeu. Maintenant, il nous appartient de progresser dans le nouveau système.

 » Je me suis trop pris la tête cet été  »

Et toi, où en es-tu après la période difficile que tu as traversée cet été en raison des rumeurs de transfert ?

Dendoncker : Je n’ai pas trop envie de parler de cette période, si ce n’est pour dire que je me suis peut-être un peu trop pris la tête avec ça et que j’aurais dû me concentrer sur Anderlecht. De toute façon, je devais faire en sorte d’être prêt pour le début de championnat, que ce soit ici ou ailleurs. J’ai sans doute commis une erreur et c’est peut-être à cause de ça que j’ai complètement manqué mon début de championnat. Aujourd’hui, petit à petit, je redresse la tête. Je n’affiche pas encore la forme de la saison dernière mais j’y travaille.

Tu n’es pas le premier à être victime du mercato. On parle même régulièrement de transférite aiguë. Qu’est-ce qui se passe dans la tête d’un joueur à ce moment-là ?

Dendoncker : Je me tracasse trop, c’est tout. Quelque part, c’est logique car c’est mon avenir qui est en jeu. C’est pratiquement inévitable, d’autant que ça dure des mois. J’avais beau me dire que je devais me concentrer sur Anderlecht, c’était plus difficile que ça en avait l’air.

Tu sentais sur le terrain que tu n’étais pas concentré, que tu manquais d’énergie ?

Dendoncker : Oui. C’était surtout dû fait que je ne savais pas ce qui allait se passer : rester ou partir ? Je sentais aussi beaucoup de pression autour de moi. Partout où j’allais, on me parlait de ça. Certains disaient que je devais rester encore un an, d’autres pensaient que c’était mieux de partir immédiatement. Au club, on me disait que je ne pouvais pas partir. Mais le facteur le plus important, c’était ma volonté.

Et toi, tu voulais partir. Donc tu te disais que ça allait arriver.

Dendoncker : Sans doute, oui. Je me sentais prêt à aborder un nouveau défi. D’un côté, j’espérais que ça arrive mais de l’autre, sachant que Youri était déjà parti, je me doutais que le club ne laisserait pas partir deux de ses trois médians. Tout ça trottait dans ma tête : j’étais prêt mais je savais que ce serait difficile.

 » À un certain moment, j’ai eu la tête ailleurs  »

Quel fut l’impact de tout ça sur un garçon sensible comme toi ?

Dendoncker : Ça n’a pas reflété mon image. Moi, tout ce que je veux, c’est jouer au football. À un certain moment, pourtant, on a écrit que l’argent était la seule chose qui nous intéressait, mes parents et moi.

C’est le président, Roger Vanden Stock qui a dit :  » L’argent salit tout, même un garçon comme Leander.  »

Dendoncker : En principe, je lis peu les journaux mais lorsque le président déclare ça, ça me revient aux oreilles car ma famille lit et il est logique qu’elle soit touchée par ces mots. Ni mes parents ni moi n’avons demandé de l’argent au club. Tout ce qui nous intéressait, c’était mon avenir de joueur. J’ai tenté de rester le plus possible à l’écart des négociations mais, je le répète, c’était difficile car il s’agissait de mon avenir. À un certain moment, j’ai eu la tête ailleurs, je me suis laissé envahir par les émotions et cela s’est ressenti dans mon jeu.

Après la période des transferts, le manager anderlechtois Herman Van Holsbeeck a dit que tu devrais renégocier les termes de ton contrat et prendre un accord en vue d’un transfert à l’issue de la saison. Cette discussion a-t-elle déjà eu lieu ?

Dendoncker : Oui mais j’ai dit que, pour le moment, je ne voulais pas signer de nouveau contrat car je ne veux pas donner l’impression que c’est l’argent qui m’intéresse. On n’a pas parlé d’argent mais surtout de la situation telle qu’elle était à ce moment-là. Herman a dit qu’il voulait voir si j’étais prêt mentalement à donner le meilleur de moi-même et a bien jouer. On a donc décidé de prendre le temps.

Youri Tielemans se retrouve souvent sur le banc à Monaco. Tu ne te dis pas que tu n’es pas si mal à Anderlecht ?

Dendoncker : Quand on est jeune et qu’on part à l’étranger, il n’est pas évident d’y devenir immédiatement titulaire mais je n’ai pas l’ambition de jouer à Monaco. J’étudie toutes les opportunités mais je préférerais jouer en Angleterre, en Allemagne ou en Espagne. Je dois aussi choisir le bon club. Un club de la deuxième moitié du classement de Premier League est-il intéressant ?

 » Je veux aller là où l’entraîneur me voudra  »

Non ?

Dendoncker : Je n’en sais rien. Bien sûr, jouer en Premier League et affronter des grands clubs toutes les deux ou trois semaines, c’est un pas en avant. Mais d’un autre côté, Anderlecht dispute la Ligue des Champions. À moi de faire le bon choix et de ne pas me précipiter en faisant confiance à un agent qui m’utilisera pour mettre un pied dans un club avec qui il ne travaille pas encore. Je veux aussi aller là où c’est l’entraîneur qui me voudra. C’est très important. Les exemples de transferts qui se sont avérés des échecs ne manquent pas.

Dans quelle mesure as-tu été proche de Manchester United et de l’Atlético Madrid ?

Dendoncker : Si ça avait été si concret qu’on l’a dit, s’ils m’avaient voulu à tout prix, j’y serais déjà. Quand on joue à Anderlecht et qu’on a l’occasion d’aller là-bas, on n’hésite pas. Mais Anderlecht avait son mot à dire, il fallait que toutes les parties soient d’accord. Et pour qu’un club comme ça paye la somme demandée, il faut qu’il soit concrètement intéressé. Si Anderlecht a demandé beaucoup d’argent, c’est parce qu’il savait que ce serait difficile et, à cette époque de l’année, le prix était exagérément élevé.

38 millions d’euros !

Dendoncker : Je pense que ce prix n’a été lancé que pour faire peur aux clubs. On a dit que je ne suscitais pas tellement d’intérêt mais, en citant un tel montant, c’était ce qu’on cherchait.

Le mercato ouvre à nouveau ses portes le 1er janvier. Tu es prêt ?

Dendoncker : En tout cas, je me prendrai moins la tête. Je me sens bien à Anderlecht, même s’il y a sans doute des gens qui pensent le contraire. Ça reste le club de mon coeur et, tant que j’en porte les couleurs, je donnerai tout pour lui.

Herman Van Holsbeeck a déjà déclaré qu’Anderlecht avait besoin de toi pour reconduire son titre. Est-il, dès lors, exclu que tu partes cet hiver ?

Dendoncker : Que voulez-vous que je dise actuellement ? J’ai appris qu’en football, il ne servait à rien de faire des prédictions.

 » J’ai un plan de carrière  »

Le petit jeu va recommencer ?

Dendoncker : J’espère bien que non. La seule chose que je puisse dire, c’est que j’ai un plan de carrière. Comme tout le monde, j’ai des rêves et je veux les réaliser. C’est ça qui fait avancer un joueur. Des gars comme Oli (Deschacht), qui jouent depuis tellement longtemps dans le même club, ne rêvent plus tellement. Moi, j’ambitionne d’aller plus haut mais je sais aussi que je n’affiche pas encore la forme de la saison dernière. À moi de me montrer et peut-être aussi de convaincre les observateurs que je suis prêt à franchir un pas.

PAR CHRISTIAN VANDENABEELE – PHOTOS BELGAIMAGE – CHRISTOPHE KETELS

 » C’est plus chouette de pratiquer du beau football mais sans les résultats, on n’est rien.  » – Leander Dendoncker

 » Quand votre avenir est incertain pendant des mois, ça joue dans la tête.  » – Leander Dendoncker

 » Je n’ai pas les qualités naturelles d’un véritable défenseur.  » – LEANDER DENDONCKER

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