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Bart Swings: « Je suis devenu positif »

#SwingsOnWings est le cri de ralliement de Bart Swings (27) sur les réseaux sociaux. Le médaillé d’argent olympique en mass-start est convaincu de n’avoir pas encore atteint son plafond.

« À peine une dizaine de jours « , estime Bart Swings. C’est le temps qu’il a passé dans sa nouvelle demeure à Tildonk depuis le mois d’octobre, à cause d’une succession de compétitions et de stages. Il a donc quitté la maison parentale à Herent pour affronter, avec son amie Annelyn, le quotidien et ses vicissitudes.  » Mais je continue à apporter mon linge à ma mère « , sourit-il.

Le patineur dispose de peu de temps, puisqu’il combine le sport de haut niveau et des études d’ingénieur en électronique.  » Je viens de passer le dernier examen du premier semestre. Il portait sur les hautes fréquences. Le professeur m’a dit que j’avais réussi. Je suis donc tranquille jusqu’en été. À ce moment, ce sera du costaud, avec quatre examens. Les derniers car ensuite, je n’ai plus qu’à rédiger ma thèse. Son thème ? Je dois encore en discuter avec l’université. Je pense à la conception d’un appareil de mesure de la puissance en patinage, comme il en existe depuis des années en cyclisme. Ça me permettrait de mieux estimer la charge d’entraînement. Il n’y en a pas sur le marché mais ça doit être faisable.  »

C’est typique : Bart Swings cherche constamment à progresser et se tourne vers la technologie à cette fin. Il a ainsi conçu une application personnalisée avec son nouveau sponsor, Atos, le numéro un mondial es transformation digitale.  » Le but est de rassembler les données de mes séances – chronos des tours, distances, vitesses- afin de m’entraîner plus spécifiquement. Nous espérons commencer la saison prochaine.  »

Swings se prépare déjà pour Pékin 2022, avec le soutien de son nouveau sponsor, d’un partenaire plus ancien, l’entreprise technologique AnSem, et de son entourage, son entraîneur Jelle Spruyt et le kinésithérapeute Maarten Thijssen. C’est qu’il compte ajouter d’autres médailles (plus belles) à celle d’argent obtenue à Pyeongchang.

« Ma médaille aux Jeux m’a procuré plus de soulagement que de joie »

En 2010, tu as surpris ton monde en annonçant que tu visais une médaille olympique en 2018.

BART SWINGS : J’y ai souvent pensé l’année passée :  » Bart, c’était il y a huit ans, maintenant, tu dois réussir.  » Je suis très fier d’avoir concrétisé cette ambition à long terme. Il m’a fallu du temps alors qu’en patinage en ligne, j’ai immédiatement remporté des médailles. J’ai traversé des moments très difficiles pendant ces huit années, surtout après les Jeux de Sotchi en 2014, quand j’ai subitement perdu ma forme. La presse et le public ont douté de moi et j’ai aussi été envahi par des interrogations. D’ailleurs, en Corée du Sud, ma médaille m’a procuré plus de soulagement que de joie. Elle m’a ôté un poids énorme des épaules.

Pourtant, juste après la ligne d’arrivée, tu as craché sur la glace. De déception !

SWINGS : Bien vu. C’était surtout parce que j’étais à un doigt de la médaille d’or. Je n’ai négocié le dernier virage qu’à 95% pour ne pas prendre de risque. Ensuite, à ma grande surprise, je suis revenu sur le vainqueur, Seung-Hoon Lee. Je suis une bête de compétition. Donc, ma première pensée a été : que se serait-il passé si… ?

Le patinage reste une quête éternelle de la bonne technique.  » – Bart Swings

Ce sentiment a rapidement fait place à la joie en voyant la satisfaction de Jelle, mon entraîneur, et de mes supporters dans la tribune. Je suis même heureux d’avoir misé sur la sécurité dans ce dernier virage. Si j’étais tombé, j’aurais eu des regrets le reste de ma vie.

Qu’est-ce qui t’as procuré les sensations les plus fortes ? L’argent olympique ou la médaille d’or au mondial de patinage par élimination à Arnhem, en juillet ?

SWINGS : Juste après la ligne d’arrivée ? Le titre mondial, parce que j’ai gagné. Quelle que soit la taille de l’épreuve, c’est ce qu’il y a de plus beau. C’est pour gagner qu’on fait de la compétition. En puis, j’ai été particulièrement soulagé à Arnhem car j’avais déjà été deuxième et troisième et je risquais d’achever ces championnats sans victoire.

J’ai souffert dix fois plus lors de mes succès en patinage en ligne que durant la mass-start de Pyeongchang. Sur le plan strictement physique, c’étaient des performances supérieures. Comme mes six succès d’affilée au marathon de Berlin, où j’ai aussi établi un record du monde ( 42 kilomètres en 56’49 » en 2015, ndlr). J’en suis très fier mais la médaille olympique me procure une plus grande satisfaction.

 » La technique est cruciale  »

Comment comptes-tu continuer à combiner la mass-start et les longues distances, sur lesquelles une médaille est moins évidente ?

SWINGS : Le 10 kilomètres n’est plus aussi important. Il se déroule le samedi, lord du prochain Mondial, tandis que le 1.500 mètres et la mass-start sont programmés le dimanche. J’ai rayé le 10 kilomètres de mon programme avant même le début de la saison afin de conserver ma fraîcheur. On ne le parcourt qu’une seule fois en coupe du monde. Je ne vois pas l’utilité d’adapter mon schéma d’entraînement à deux courses.

Je me concentre sur le 1.500 et le 5.000 mètres. Ils sont très importants, même si le 1.500 mètres est programmé le même jour que la mass-start cette fois. Je récupère suffisamment vite pour participer aux deux courses le même jour. En plus, en mass-start, soit seize tours de 387,36 mètres, j’ai à la fois besoin de la vitesse du 1.500 mètres pour le dernier tour, décisif, que de la résistance du 5.000 mètres. C’est pour ça que cet hiver, j’ai participé à quatre marathons sur glace. C’est un entraînement d’endurance très intense de 125 tours, à des vitesses variables. C’est aussi très tactique, comme la mass-start. Une fois par semaine, j’ai aussi travaillé les virages étroits de la mass-start sur une piste d’échauffement plus courte car ça nécessite une adaptation. Globalement, les séances destinées au 1.500 et au 5.000 vont bien ensemble. Le changement est passionnant.

Bart Swings :
Bart Swings :  » Je ne m’occupe pas seulement des résultats. Je suis également fier de l’athlète que je suis, du chemin accompli, de la passion avec laquelle je vis mon sport. « © belgaimage

Où en es-tu sur le plan technique, ton point faible ces dernières années ?

SWINGS : Le problème, c’est qu’après Sotchi, j’ai eu plusieurs entraîneurs aux visions chaque fois différentes. Le Néerlandais Rutger Tijssen voulait ainsi que je rentre les genoux. Ça m’a valu plus d’inconvénients que d’avantages. Tous ces changements ont généré des résultats en dents de scie. Je n’ai retrouvé une ligne de conduite claire qu’en retravaillant avec Jelle Spruyt, qui s’était déjà occupé de moi au début de ma carrière.

Malgré tout, le patinage reste une quête constante de la bonne technique. Je ne suis encore qu’à 80%. C’est là que se trouve ma principale marge de progression : je dois allier mes capacités physiques, considérables, à la technique pour réussir des courses quasi parfaites. La technique est cruciale. Je ne me sentais pas bien à Heerenveen pour la manche de coupe du monde, après un long vol pour revenir du Japon, mais j’ai été très bon techniquement, ce qui m’a permis d’être plus rapide en 1.500 mètres qu’à Pyeongchang. Ça promet si je suis au top de mes moyens physiquement et techniquement. Pourvu que ce soit au Mondial.

 » Je peux travailler de manière plus indépendante  »

Quels sont les principaux aspects techniques que tu entraînes ?

SWINGS : Ce sont les mêmes depuis deux ans : bien serrer les jambes dans les lignes droites quand je pose le patin, pousser ma hanche en avant puis écarter les genoux. Le tout pour déployer ma force de manière optimale sur la glace, à une fréquence régulière.

Dans les tournants, je dois veiller à rester à droite : l’épaule droite baissée, la gauche relevée. Je ne peux pas être trop oblique comme en patinage en ligne mais abaisser mon centre de gravité pour développer plus de puissance. Je ne peux pas non plus prendre le virage trop large. Ça détend les jambes mais ça fait perdre des mètres et donc de la vitesse.

Dans les années à venir, je devrai aussi assimiler la technique plus tôt pour disposer d’un plus long temps de chauffe. La saison passée, je n’ai ressenti le bon feeling qu’après les Jeux et cette saison à la mi-décembre, à Heerenveen. C’était certes délibéré, compte tenu de la longueur de ma saison estivale, marquée par les mondiaux et les championnats d’Europe en juillet et en août. Je misais à fond sur le patinage en ligne durant cette année post-olympique. L’été prochain, je vais me consacrer au patinage sur glace plus tôt.

Tu t’es réentraîné avec l’équipe nationale norvégienne l’année passée et cet automne, notamment durant des stages à Stavanger et à Hamar. Quel avantage en retires-tu ?

SWINGS : Tout l’art réside dans le fait de s’entraîner à la bonne vitesse et à la bonne fréquence cardiaque mais pas toujours au même wattage. La poursuite, qui est très technique, peut améliorer mon timing. En plus, notamment grâce à mes sponsors, je ne dépends plus d’une équipe commerciale. Je peux travailler de manière plus indépendante.

Tu suis toujours le programme norvégien d’entraînement ?

SWINGS : Non. Comme les Néerlandais, les Norvégiens suivent un agenda fixe de trois jours de glace, un jour de repos, deux jours de glace, un de repos. Ils privilégient la qualité à la quantité, en se disant qu’on a une meilleur technique et une meilleure coordination quand on est frais. Mais moi, j’ai plutôt besoin de plus d’heures sur glace pour améliorer ma technique et ma résistance. C’est d’ailleurs ce que j’avais décidé de faire les mois précédant Pyeongchang.

Avant, je m’entraînais même sept jours sur sept, deux fois par jour et toujours intensément. Mon régime actuel est plus équilibré : un jour de repos par semaine et quelques séances techniques plus tranquilles. Mon application va me permettre de mieux contrôler cet aspect à l’avenir.

 » Jef m’a appris à continuer à croire en mes qualités  »

Avant, tu réfléchissais trop en course. C’est toujours le cas ?

SWINGS : Je continue à tout analyser mais ça ne me handicape plus car je sais ce que je dois faire. Avant, je voulais améliorer tellement de détails en même temps que j’obtenais l’effet inverse. Il faut patiner simplement. Bart Veldkamp ne me donnait qu’une consigne, quand il m’entraînait :  » À droite dans les tournants.  » Maintenant, j’essaie de me concentrer sur les aspects essentiels.

Jef Brouwers, le psychologue du sport, t’a aidé avant les Jeux. Comment ?

SWINGS : Ça n’allait pas en début de saison et j’ai été envahi par les doutes. Jef m’a appris à continuer à croire en mes qualités. À modifier ma nature critique : à ne pas râler pendant des heures à cause de ce qui n’avait pas été pendant une mauvaise séance ou une mauvaise course mais en retirer les aspects positifs et à les développer. Jef m’a fait prendre conscience de l’importance de ce processus. Du fait qu’un mauvais résultats en novembre ou en décembre n’a pas d’impact sur mes prestations en février. J’ai donc conservé un esprit positif jusqu’à Pyeongchang. J’ai beaucoup parlé à Jelle, en lui expliquant comment je me sentais. Je n’ai pas oublié ces leçons. Après mes mauvaises premières courses au Japon, qui m’ont quand même décontenancé, je me suis reconcentré. Je suis devenu positif.

En 2016, Jelle Spruyt nous déclarait :  » En patinage en ligne, Bart pense que c’est lui qui va gagner et personne d’autre mais il n’a pas cette assurance sur la glace.  » Tu as changé depuis ?

SWINGS : Je possède cette assurance en mass-start depuis les Jeux. Avant, je me contentais du podium alors que maintenant, seul l’or compte. C’est différent sur les distances. J’y ai gagné trop peu de médailles. Je n’en étais pas très loin à Pyeongchang, avec deux sixièmes places. Le podium reste donc réaliste à condition d’être dans un bon jour, physiquement et techniquement. Le niveau ne cesse de s’améliorer. Même Sven Kramer ne gagne plus toutes les courses.

Si tu ne remportes pas de médaille olympique à Pékin, quel regard porteras-tu sur ta carrière ?

SWINGS : Je serai déçu. Je l’étais déjà à Sotchi avec mes quatrième et cinquième places, mais le bilan global restera quand même positif, surtout si on tient compte de mes succès en patinage en ligne. Je ne m’occupe pas seulement des résultats. Je suis également fier de l’athlète que je suis, du chemin accompli, de la passion avec laquelle je vis mon sport. Il ne faut jamais être déçu de soi-même. Si tout ça me vaut une nouvelle médaille à Pékin, de préférence en or : fantastique ! Sinon, ça n’empêchera pas le soleil de se lever chaque matin.

Aux Jeux d’Été?

Il est possible que le patinage en ligne, la première discipline de Bart Swings, soit reprise au programme des Jeux de Paris 2024, en tant que sport de démonstration.  » S’il obtient cette reconnaissance, qu’il mérite, j’en serai, même s’il n’est là qu’en démonstration « , explique Swings.  » J’aurai 33 ans. Je devrais réussir. Imaginez que le patinage devienne un vrai sport olympique quatre ans plus tard ?  » Il réfléchit.  » C’est jouable aussi, même si c’est encore très loin.

Une chose est sûre : je ne vais pas abandonner la glace, même après Pékin 2022. Le patinage sur glace m’apporte un plus à roulettes et vice-versa. Comme je suis très affûté à la fin de l’hiver, puisque je patine sur 5 à 10 kilomètres, je suis capable de placer des accélérations à la fin d’un marathon, comme à Berlin. Quand je me détache ainsi, personne ne peut plus me suivre. Cette accélération, jointe à mon fond et à ma faculté à vite récupérer, fait ma force en patinage en ligne. Je vais donc combiner les deux disciplines jusqu’au terme de ma carrière, ne serait-ce que parce que j’adore ça, indépendamment des médailles. D’ailleurs, c’est pour ça que je me suis tourné vers ce sport. « 

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