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 » Je n’ai peur de personne « 

Le Belgo-Brésilien est l’homme du money time du Standard. Entre Cité ardente, Sa Pinto, les Diables, et un éventuel transfert, Majic Edi Junior se raconte avec l’accent teinté de sonorités latino-liégeoises.

La saudade du début de saison semble loin derrière. Même si des douleurs aux adducteurs le contrarient, Junior Edmilson brille sur le championnat de Belgique depuis de nombreuses semaines. Et ça n’est évidemment pas pour lui déplaire car l’ailier du Standard a toujours aimé être dans la lumière, à l’image de son style exubérant, de ses tatouages, sa casquette flashy ou sa Range Rover jaune et noir.

 » J’aime les chaussures, les casquettes, les voitures. J’aime les couleurs, j’aime qu’on me voie, c’est vrai. Mais dans la vie de tous les jours, je suis resté quelqu’un de très simple. Parfois quand je n’ai rien à faire, je vais dans le car-wash de Karim, mon agent, et je vais donner un coup de main à mon pote Rambo ( voir cadre) qui y travaille.  »

Jeudi dernier, nous retrouvons Junior, en plein coeur de la cité ardente, à la pizzeria Il Bacio à deux pas de la Médiacité, où lui et son clan ont leurs habitudes. Le temps de retracer le film d’une saison dont la fin a tout d’un happy end.

 » On va à la guerre ensemble  »

Comment expliques-tu l’état de forme de ces dernières semaines ?

EDMILSON JUNIOR : C’est le travail d’une saison entière, j’ai bossé dur avant et après les entraînements, j’ai changé mon alimentation, je fais attention à bien me reposer. Pas mal de choses ont changé chez moi. C’est aussi grâce à mes équipiers si je suis aussi bien en cette fin de saison.

C’est la période où tu te sens le mieux depuis ton arrivée au Standard en janvier 2016 ?

JUNIOR : Oui, on est vraiment comme des frères. On se bat l’un pour l’autre, on va à la guerre ensemble. Cet état d’esprit avait disparu pendant deux ans. Mais dès l’arrivée de Sa Pinto, on a compris que ça allait changer.

Et pourtant, votre saison a longtemps été très compliquée.

JUNIOR : Oui mais on a connu quand même pas mal d’événements  » contre  » le Standard. Il y a pu avoir des disputes dans le vestiaire mais le coach nous rassurait dès le lendemain. Il nous parlait beaucoup, on sent qu’il a joué à un haut niveau.

Le Standard a énormément changé par rapport à l’année passée ?

JUNIOR : Complètement. Il y a eu une véritable prise de conscience de tout le monde au Standard. Ça faisait deux saisons que l’on jouait les play-offs 2, ça faisait deux ans que le club était instable, et on a tous voulu changer ça. Aujourd’hui, le club est sur une belle lancée, surtout depuis la qualification en PO1 et cette victoire en Coupe de Belgique.

Ricardo Sa Pinto a eu un rôle essentiel dans cette évolution ?

JUNIOR : Oui car il a su souder toute l’équipe voire même tout le club. L’an dernier, on faisait un peu ce qu’on voulait. Et Sa Pinto a su ramener de l’ordre dans ce club. Cette fois, on a construit un vrai groupe, que ce soit sur le terrain ou en dehors. On est une vraie famille.

 » L’an passé, les coaches n’osaient rien dire  »

On évoque souvent cet esprit de famille retrouvé pour évoquer le Standard. Ce terme n’est pas un peu galvaudé ?

JUNIOR : Pas du tout. Les arrivées d’Ochoa, d’Agbo, de Polo, Poco ou Mehdi (Carcela) ont fait évoluer les mentalités. Et les trois anciens : Régi (Goreux), Poco et Jean-François (Gillet) sont trois personnes qui donnent leur vie pour ce club. Ce sont des joueurs d’expérience qui parlent tous les jours dans le vestiaire.

D’un point de vue plus personnel, Sa Pinto t’a fait progresser ?

JUNIOR : Dès qu’il est arrivé, il m’a dit que je devais soigner mes stats, il me disait d’aller toujours vers le but, de frapper et j’ai évolué sur ce point.

Comment as-tu vécu la saison difficile de l’an dernier où plusieurs joueurs ne semblaient pas concernés ?

JUNIOR : On sentait que certains ne voulaient rien faire pour le groupe, ils faisaient leur petit truc sur le côté, mais ils ne pensaient qu’à leur gueule. Il y avait des coaches qui n’osaient rien dire à ces  » cadres  » qui ont aujourd’hui quitté le navire. Sa Pinto, lui, s’en fout de qui tu es, s’il doit te dire quelque chose, il te le dit en face. Ça nous a fait grandir. Il manquait un coach comme ça, un coach de caractère, qui pouvait apporter cette fameuse grinta. Ce qu’on connaît cette saison n’a plus rien à voir. L’ambiance dans le vestiaire est magnifique, dès qu’on arrive dans le vestiaire, il y a de la musique, surtout congolaise ( il rit). On danse, on rigole tous ensemble, les Belges, les Africains, les joueurs des pays de l’est, etc. On avait besoin aussi de confiance, de résultats car on a les joueurs pour donner du spectacle.

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Dans ce groupe, tu es réputé pour avoir un gros caractère. Ça a toujours été le cas ?

JUNIOR : Ah oui, c’est sûr, je ne me suis jamais laissé faire. Quand je ne suis pas content de quelque chose, je le dis direct, je n’ai peur de personne. Par exemple, à la mi-temps du match à Bruges ou celui à Ostende qui nous a qualifiés pour les play-offs, j’ai fait passer un coup de gueule. Je ne comprenais pas comment on pouvait afficher un tel niveau : on avait peur de jouer, on se chiait dessus. On devait régler ça. Et que ce soit à Bruges ou à Ostende, on a eu la réaction adéquate après la pause.

 » Si je suis au Standard, c’est grâce à Ferrera  »

Tu as l’impression d’avoir pris plus de place dans le groupe ?

JUNIOR : J’ai mûri ces derniers temps et je suis devenu un élément important dans cette équipe. Quand je parle, mes coéquipiers m’écoutent, même si je reste un jeune joueur. Et sur le terrain aussi, j’essaie de me faire entendre.

Avec le recul, comment expliques-tu cette trajectoire compliquée qui t’a emmené à Saint-Trond en D2 ?

JUNIOR : Le foot n’est pas un milieu facile. Parfois tu tombes sur des coaches ou des directeurs qui ne t’aiment pas. Et ça a été mon cas au Standard et j’ai dû partir.

Là, tu as pris une claque ?

JUNIOR : Oui. J’aurais pu rester au Standard mais j’aurais connu une deuxième saison en U19. J’ai fait le choix de connaître le vrai football, en D2, en jouant contre des hommes. C’était un choix difficile mais je suis fier d’avoir pris cette décision. Mais à la base, je ne voulais pas aller en D2. Dans un premier temps, Danny Boffin m’a beaucoup aidé à Saint-Trond. Et puis Yannick Ferrera, avec qui ce n’était pourtant pas le top au début. J’étais un gamin difficile, je n’en faisais qu’à ma tête. Et tout le monde connaît le caractère de Yannick, donc ça ne passait pas. Puis, j’ai eu une prise de conscience. Si je suis venu au Standard, c’est grâce à lui.

Edmilson Junior :
Edmilson Junior :  » La saison dernière, certains ne voulaient rien faire pour le groupe, ils faisaient leur petit truc sur le côté, mais ils ne pensaient qu’à leur gueule. « © BELGAIMAGE

Aujourd’hui, on te sent très attaché au Standard.

JUNIOR : Bien sûr. Je suis né ici, tous mes amis sont de Liège, mon père est passé par le Standard. Quand je suis revenu ici il y a plus de deux saisons, c’était surtout un choix du coeur.

Qui a donc fait pencher la balance par rapport à Gand et Bruges, deux clubs aussi intéressés en janvier 2016 ?

JUNIOR : Que ce soit Gand ou Bruges, ces équipes étaient en place et la concurrence énorme. Je savais qu’en allant à Bruges, par exemple, j’allais être en concurrence avec Izquierdo, je n’avais que peu de chances de jouer.

 » Je suis fier de porter ce maillot  »

C’est encore une fierté de porter le maillot du Standard ?

JUNIOR : Ah ouais, je suis fier ! Ce que je voulais c’était jouer à Sclessin devant ce public de fou.

Tu as encore en mémoire ton premier match à Sclessin ?

JUNIOR : Bien sûr, c’était contre Genk en demi-finale de la Coupe. J’avais même marqué pour ma première et j’étais sorti en étant ovationné par le public du Standard. J’en avais des frissons, d’autant que tous mes amis et ma famille étaient là ce soir-là. Plus tôt dans la saison, j’avais assisté à Standard-Anderlecht ( 1-0, but de Jonathan Legear, ndlr). À la fin du match, il avait fallu appeler la sécurité tellement il y avait de supporters autour de moi. C’est ça que je voulais. Moi, j’aime les gros matches, les grosses ambiances, quand il y a des duels, moi je ne me cache pas. C’est dans les grands matches que tu vois les grands joueurs.

Edmilson Junior :
Edmilson Junior :  » Dans le groupe, on est vraiment comme des frères. On se bat l’un pour l’autre, on va à la guerre ensemble. « © BELGAIMAGE

Les fans du Standard ne doivent donc pas craindre de te voir signer à Anderlecht ?

JUNIOR : Cette rumeur n’avait rien à voir avec moi. Mon club aujourd’hui, c’est le Standard.

Tu restes attaché à Liège ?

JUNIOR : Oui. Toute mon histoire est ici. J’ai grandi d’abord à Seraing avant de vivre quelques années avec mon père au Brésil. Puis vers huit ans, je suis revenu et mon premier club en Belgique s’appelait FC La Débrouille, un club de P1 je crois, puis j’ai signé un an à Huy avant de me retrouver au Standard en U13.

À cet âge, tu étais plutôt frêle non ?

JUNIOR : Oui, j’étais tout petit, tout mince alors que les coaches préfèrent généralement les gabarits plus costauds. Mais j’avais cette qualité technique qui me permettait de m’en sortir.

 » J’ai la mentalité qui plaît au Standard  »

Alors qu’aujourd’hui, on te bouge difficilement dans les duels.

JUNIOR : Quand on me voit comme ça, je n’ai pas l’air très imposant mais je sais comment utiliser mon corps dans les duels et je n’hésite pas à mettre le pied. J’ai la mentalité qui plaît au Standard.

Ton début de saison avait été gâché par une hémorragie intestinale qui t’a laissé plusieurs semaines sur le côté. Tu as craint pour ta carrière ?

JUNIOR : Oui car le médecin m’a dit que la situation était grave. On m’a dit que c’était lié au stress mais je pense que c’est plus génétique. Que ce soit mon père ou ma mère, ils ont connu ce même type de problème. Aujourd’hui, je suis totalement guéri. Mais ça m’a mis sur le côté pendant cinq semaines, je me suis retrouvé pendant dix jours dans un lit d’hôpital, il a fallu du temps pour que je revienne totalement dans le coup.

Tu as connu pas mal de pépins physiques cette saison qui t’obligent régulièrement à louper des entraînements et pourtant, en match, tu n’es pas du genre à calculer tes efforts.

JUNIOR : C’est vrai que j’ai parfois dû faire l’impasse sur l’entraînement parce que j’avais pris quelques coups en match ou que j’avais de petits soucis musculaires mais, à la base, j’ai toujours eu une bonne condition. Je me donne toujours à fond à l’entraînement, que ce soit en semaine ou en match, et je ne supporte pas de perdre.

Si tu peux vite monter dans les tours, tu n’es apparemment pas quelqu’un de très rancunier.

JUNIOR : Sur le moment même, je peux m’emballer mais peu de temps après, je passe à autre chose et je continue mon travail.

Que te reste-t-il de brésilien dans ton jeu ?

JUNIOR : On va dire la technique mais pour le reste, je suis un Européen. Pendant un match, je ne suis pas nonchalant, je vais courir 90 minutes, je fais mon job. Et je suis un guerrier, quand je dois mettre le pied, je n’hésite pas.

 » Jouer au Barça n’a rien d’impossible  »

Comment vois-tu ton avenir personnel ?

JUNIOR : J’espère d’abord bien finir l’année. Dans un an, je serai en fin de contrat, on va d’abord bien négocier avec le Standard. Je ne sais pas si je vais partir dès cet été, je suis occupé pour le moment par cette fin de championnat.

Le fait que le Standard joue automatiquement la Coupe d’Europe la saison prochaine pourrait influencer ton futur ?

JUNIOR : Oui, bien sûr, car on a la garantie de jouer plusieurs gros matches. Cette donne explique qu’on est davantage libérés dans le vestiaire.

Que dois-tu dois améliorer pour aller plus haut ?

JUNIOR : Je crois que je dois surtout développer ma masse musculaire si je veux rejoindre un championnat comme l’Angleterre.

Tu rêves de quoi aujourd’hui ?

JUNIOR : Jouer dans un top club en Espagne. Mon rêve ultime, c’est de jouer au Barça et pour moi, il n’y a rien d’impossible. Il suffit de regarder la carrière de Dante qui est passé par Charleroi, puis le Standard avant de se retrouver quelques années plus tard au Bayern Munich et en équipe nationale brésilienne. J’ai toujours été déterminé depuis très petit. On m’appelait même  » la DH  » car je connaissais tous les scores de tous les matches. Je regardais tout. J’avais une préférence pour le Barça de Ronaldinho, Eto’o, Deco. Il n’y a toujours eu que le foot dans ma tête.

 » Ce serait une fierté d’être Diable Rouge  »

Désormais, on évoque ton nom dans le giron des Diables. Comment réagis-tu à ces rumeurs ?

JUNIOR : Jouer pour mon pays, avoir tout un peuple derrière soi, c’est la chose la plus belle dans le foot. J’ai toujours de la famille au Brésil, mais je suis né ici, j’ai grandi ici. Si un jour, je peux porter ce maillot, ce serait une fierté énorme.

Ça pourrait arriver plus vite que tu ne le penses ou c’est encore trop tôt ?

JUNIOR : Je ne sais pas si c’est trop tôt mais il y a une Coupe du Monde qui arrive et le coach doit avoir déjà son groupe en tête. Cette Coupe du Monde, je me suis toujours dit que j’allais la regarder tranquille avec mes amis. Ce ne serait évidemment pas une déception pour moi de ne pas être appelé.

Chez les Diables, certains joueurs sont des modèles pour toi ?

JUNIOR : J’aime bien Mousa Dembélé. Et évidemment Eden Hazard qui est le patron de cette équipe nationale sur le terrain avec Kevin De Bruyne juste derrière lui. Ce sont des joueurs que j’observe chaque week-end à la télé. Je serais heureux d’être un jour parmi toutes ces stars.

Edmilson Junior :
Edmilson Junior :  » Beaucoup de bons joueurs n’ont pas réussi car ils n’avaient pas des gars de confiance autour d’eux. Moi j’en ai plusieurs. « © BELGAIMAGE

Le clan Edmilson Junior

Soufiane Rafiki (devant à droite sur la photo) :  » C’est le frère de mon agent. Il est toujours disponible pour moi. Dès que j’ai un problème, il est là. Il sait aussi que je serai là pour lui, peu importe les circonstances.  »

Karim Rafiki (devant à gauche sur la photo) :  » C’est mon agent, mais bien plus qu’un agent. C’est la famille. On se connaît depuis que j’ai 13 ans grâce à Rubenilson (ex-joueur du Standard et de l’Antwerp). Il m’a aidé quand j’étais en galère au Standard, il m’a soutenu. On se voit quasiment tous les jours. Il me parle beaucoup et il m’écoute tout le temps, il me met en confiance. Karim va guider ma carrière jusqu’au bout. Et après, on fera du business ensemble (il rit).  »

Edmilson :  » Je n’ai jamais connu mon père comme joueur, sauf quand il évoluait en amateur dans les divisions inférieures où j’allais le voir chaque semaine. Lui, dès que tu le touches sur le terrain, il veut se battre ( il rit). On a pas le même physique, ni la même frappe mais on a le même caractère. Si j’avais eu sa frappe, j’en serais à 25 buts cette saison. Mon frère, Ediberg, avait un peu le même style que mon père. Il était doté d’un formidable pied gauche mais il a préféré sortir, faire d’autres choses. Aujourd’hui il évolue à Fléron.  »

Jalil Tamir :  » C’est le meilleur pote de mon agent. Je le connais depuis 5-6 ans. C’est une sorte de grand-frère, il est là pour me donner des conseils. Et il n’hésite pas à me remettre à ma place par rapport aux voitures, aux habits, etc. C’est quelqu’un que je respecte beaucoup.  »

Junior Djomand dit  » Rambo «  (au milieu en face de Junior) :  » Ça, c’est mon pur petit ! On se connaît depuis l’école à l’IPES de Seraing. C’est un vrai comédien. On vit ensemble, on est tout le temps ensemble, c’est le sang. Où j’irai, il sera là avec moi. Beaucoup de bons joueurs n’ont pas réussi car ils n’avaient pas des gars de confiance autour d’eux. Moi j’en ai plusieurs. « 

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