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 » Je n’ai jamais douté « 

Il a effectué ses débuts à Genk à seize ans mais a ensuite emprunté des chemins de traverse jusqu’au sommet. Qui sait, il sera peut-être bientôt international après avoir d’ores et déjà rempilé au Club.

« Combien de temps l’interview va-t-elle durer ?  » Anthony Limbombe n’aime pas les entretiens mais il s’est ouvert au fil des minutes. L’ailier de 23 ans du Club Bruges préfère s’exprimer avec ses pieds. Avec maestria, au point d’avoir attiré l’attention de Roberto Martínez. Qui sait ? Il sera peut-être repris pour le stage qui suit la finale de la Coupe. Il était donc temps d’interroger l’Arjen Robben de Bruges.

Tu as toujours été bon en attaque mais tu as surtout progressé sur le plan défensif, cette saison.

ANTHONY LIMBOMBE : Oui. Je suis bon homme-contre-homme mais mon jeu de position est perfectible. Nous évoluons en 3-5-2, ce qui m’oblige à jouer plus bas et à penser aussi en termes défensifs, surtout en déplacement. J’ai beaucoup progressé mais je n’ai jamais douté : je savais que ma percée n’était qu’une question de temps, qu’il fallait attendre le bon moment.

Et réaliser que tu n’étais pas dispensé du travail défensif. Au NEC, tu n’en étais pas convaincu.

LIMBOMBE : Aux Pays-Bas, on joue différemment. Les attaquants conservent leur énergie alors qu’ici, c’est un mix d’attaque et de défense et notre système implique donc de penser défensivement avant d’attaquer.

La défense avant tout ?

LIMBOMBE : Oui. Je suis parmi les cinq joueurs défensifs. Je dois donc courir, au moins dix kilomètres par match. Je peux faire mieux car je travaille beaucoup ma condition. Il faut être solide. Les jambes sont importantes mais il faut aussi muscler le reste du corps. Les joueurs maigres n’aiment pas trop les duels.

Quels ont été les moments-clés de ta saison ?

LIMBOMBE : Je pense avoir disputé beaucoup de bons matches, durant lesquels j’ai marqué ou délivré des assists. Mais il y en a eu d’autres. En principe, les déplacements à Liège et à Anderlecht ne me conviennent pas. Ils sont tactiques. À domicile, je peux me livrer plus offensivement. Obtenir un résultat à l’extérieur est important pour l’équipe et là, je dois me concentrer sur mes tâches. Après tout, je suis pro depuis sept ans, même si je n’ai que 23 ans.

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 » Je préfère jouer à gauche  »

Peux-tu encore te dire jeune ?

LIMBOMBE : On est adulte à 23 ans mais je suis un des plus jeunes de l’équipe. Cette saison, j’ai dû m’adapter à un nouveau poste, travailler physiquement, défendre. Malgré tout, je présente de bonnes statistiques. Je me demande ce que ça serait si je pouvais me consacrer à l’attaque. Mais bon, ça étend mon registre.

Tu copies certains footballeurs ?

LIMBOMBE : Disons que j’en admire certains. Ronaldo, Neymar, Messi. Mahrez, Sané, Salah… Quand je peux faire une action à gauche, je me demande ce que tel autre a fait à ma place : un ciseau, un une-deux, revenir vers l’axe…

Tu peux jouer à droite ?

LIMBOMBE : Sur tout le flanc ou en pointe ? Je possède le bagage technique et la condition requis mais je préfère jouer à gauche, pour tirer du pied droit, mon pied dominant, comme Izquierdo.

Tu es son successeur. Tu vois des parallèles entre vous ?

LIMBOMBE : Comme il évoluait en 4-3-3, il avait de meilleures statistiques mais nous sommes plutôt similaires. Nous combinons bien avec Hans Vanaken, nous convergeons vers l’axe avant de tirer. J’essaye de varier davantage mon jeu.

Tu t’entends bien avec Dennis et Nakamba.

LIMBOMBE : On peut rigoler ensemble. Le rire n’est toutefois pas une détente, pour ça, je joue à la PlayStation. Mais c’est important pour se sentir bien dans sa peau. On sait quand rire et quand être sérieux.

 » Je ne suis encore jamais allé au Congo  »

Tu es encore africain ?

LIMBOMBE : J’écoute de la musique africaine, je suis croyant mais je suis né à Malines. Vous parlez à un Belge, certes d’origine congolaise, avec une grande famille. Des footballeurs. Mes frères jouent aussi et ce n’est pas facile pour mes parents d’assister à tous nos matches : Bryan est en U17 à Genk, Stallone à l’Antwerp, moi à Bruges. Mon père a joué au Congo mais pas au plus haut niveau. Je n’y suis encore jamais allé.

Tu as eu quelques soucis physiques la saison passée. Tu as vécu des moments difficiles ?

LIMBOMBE : Très. Apparemment, j’avais déjà cette blessure aux Pays-Bas mais au début, elle n’était pas grave. Toutefois, comme les séances sont plus dures à Bruges, elle est devenue intenable. En décembre, j’ai dû arrêter et me faire opérer. En Israël, par le médecin de Lior Refaelov.

Tu as atteint le niveau que tu voulais ?

LIMBOMBE : Quand je regarde autour de moi, je me dis que je suis en bonne voie. J’ai été engagé pour l’avenir mais j’ai déjà beaucoup joué, parce que j’ai fait mes preuves à l’entraînement. C’était une question de temps. J’ai toujours eu le sentiment que mon heure viendrait. C’est aussi une question de bol et de timing. Je ne jouais pas à Genk et le NEC était un bon choix : il venait d’être relégué en D2 et voulait remonter. J’ai tout joué, j’ai obtenu de bonnes stats et le niveau était suffisant pour ma progression. La saison suivante, je me suis montré en Eredivisie et j’ai attiré l’attention du Club.

Conclusion : les jeunes doivent jouer, à quelque niveau que ce soit.

LIMBOMBE : C’est mon sentiment. C’est bien d’être dans un grand club mais comment progresser si on n’est que réserve ? Je jouais quelques minutes à Genk alors que le NEC me titularisait. Du coup, je ne suis plus stressé quand je dois entamer un match. J’ai gagné en assurance et en indépendance car j’ai dû me débrouiller dans la vie.

 » J’aimerais représenter le Club chez les Diables  »

L’équipe nationale est-elle une suite logique ?

LIMBOMBE : J’aimerais en faire partie et y représenter le Club. Ça voudrait dire que nous sommes bons. Mais il y a beaucoup de concurrence à mon poste, des gars qui évoluent dans de grands championnats. Je comprends qu’ils soient prioritaires et je suis déjà heureux que le sélectionneur suive mes matches. On verra bien.

Tu as été repris jusqu’en U19.

LIMBOMBE : C’est parce que j’ai moins joué à Genk puis que je me suis produit pour le petit NEC. J’étais bon mais les autres évoluaient dans le championnat belge, qui est meilleur, plus dur.

Tu connais déjà plusieurs Diables Rouges. Tu as fréquenté Kevin De Bruyne, Koen Casteels, Divock Origi et Thibaut Courtois à l’école de sport de haut niveau de Genk…

LIMBOMBE : Surtout Divock, qui n’habitait pas loin de chez moi. Nous étions souvent avec Yannick Carrasco aussi. À l’école, à Genk… On jouait à la PlayStation.

Tu as perdu contact ?

LIMBOMBE : Je n’ai plus le numéro de Yannick mais je lui ai envoyé un message par Snapchat quand il est parti en Chine. On n’a plus de contact direct mais si on se croise à Bruxelles, ce sera comme avant. De même qu’avec Divock, Dennis Praet, Jordan Lukaku… On a tellement rigolé ensemble…

 » Stallone est plus joyeux que moi  »

Tu as tout joué cette saison, sauf contre l’Antwerp, l’équipe de ton frère. Tu étais alors suspendu. C’était bête de retirer ton maillot à Ostende et de prendre une seconde carte jaune ?

LIMBOMBE : Le but nous a offert les trois points et ils seront peut-être cruciaux. En plus, j’ai marqué à la dernière minute. J’ai éprouvé le besoin de le faire.

Ton frère a aussi progressé.

LIMBOMBE : J’en suis d’autant plus heureux qu’il reste sur une période difficile. Quand l’Antwerp est monté, on doutait de son niveau. Maintenant, ses passes et ses buts ont un impact sur le jeu de l’Antwerp.

Il était victime de son image de joyeux luron ?

LIMBOMBE : Non. Il a un style bien à lui mais il signe de bonnes prestations. Il est plus joyeux que moi. Ce n’est pas interdit. Ça dépend évidemment de l’humeur de l’entraîneur.

Vous êtes proches ?

LIMBOMBE : On se téléphone toutes les semaines. J’essaye de suivre ses matches. On se conseille mutuellement mais on ne parle pas que de football. On se voit peu : on a chacun notre vie. Bruges est la ville idéale pour se concentrer. Il n’y a pas trop de tentations, c’est calme.

Sauf le jour des matches. Les cris du public et les jets de bières ont placé Bruges dans l’oeil du cyclone. Tu as perçu cette agitation ?

LIMBOMBE : Pas vraiment. Je pense qu’on a exagéré les choses. OK, on a jeté de la bière durant le match contre Charleroi mais je n’ai pas entendu de cris de singe. S’il y en a eu, je préfère que ça ne se répète pas. Dennis, Nakamba, Denswil, Wesley et moi, nous sommes noirs. Mais je ne crois pas que ce soit vrai.

Tu as déjà été confronté au racisme en société ?

LIMBOMBE : Oui mais… ça ne me fait rien. On me regarde parfois bizarrement quand je sors d’une boutique ou que je conduis une belle bagnole mais j’ai travaillé dur pour ça. Ça ne me touche pas. Le racisme direct, c’est une autre paire de manches.

Ça te révolte.

LIMBOMBE : On m’a parfois jugé très vite mais je n’y attache pas d’importance. Le racisme existe, je l’ai rencontré, personnellement comme pour d’autres mais de là à y réfléchir…

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