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 » J’aime les hommes qui ne demandent qu’à jouer « 

Hier, il a disputé le quart de finale de coupe contre Courtrai, son ancien employeur. Il va ensuite affronter le Standard, Charleroi et l’Anderlecht de Hein Vanhaezebrouck. Yves Vanderhaeghe, le nouvel entraîneur des Buffalos, se veut combatif.  » On est trop gentil.  »

Il nous sert du café tout en précisant qu’il n’aime toujours pas les longs entretiens. Yves Vanderhaeghe (47 ans) précise :  » Il faut surveiller ses propos. On peut accorder 99 bonnes interviews mais la moindre déclaration qui détone vous poursuit. Je suis donc devenu plus prudent. Avec les années, j’ai perdu de mon ouverture. Je parle à tout le monde, je suis sociable mais je n’ai pas envie de voir ma tête dans les journaux tous les jours. Les analystes sont payés pour donner leur avis, pas moi. Ce boulot m’absorbe. Je suis souvent ici de 8 à 19 heures, voire jusqu’à 22 heures si je suis les Espoirs. Je me détends en faisant du sport : course à pied, tennis, padel.  »

Quand c’est fini, c’est fini, point. Que peut-on dire quand on est viré ?  » Yves Vanderhaeghe

Quelle expérience d’Ostende peut-elle te servir à Gand ?

YVES VANDERHAEGHE : La modestie. Je suis arrivé à force de travail. Je n’aime donc pas parler de moi. Qu’on me laisse faire mon boulot. J’assume ma part de responsabilités dans ce qui s’est passé à Ostende mais les autres doivent le faire aussi. Dès que je suis devenu entraîneur, j’ai su qu’un jour je serais limogé. Ça fait partie du métier. Je suis arrivé à Gand avec la conviction de pouvoir réussir quelque chose. Ça marche, même si on doit encore acquérir des automatismes offensifs. Mais je ne toucherai pas au 4-3-3.

Comment as-tu appris ton limogeage ?

VANDERHAEGHE : Le président m’a téléphoné mais des journalistes me l’avaient déjà dit. Il a expliqué qu’il ne le sentait plus et qu’on pouvait en discuter. J’ai refusé. Quand c’est fini, c’est fini, point.

Que peux-tu dire quand tu as été viré ?

Ne vaut-il pas mieux prendre congé en beauté ?

VANDERHAEGHE : Non, même si je n’éprouve aucune rancune. Je serrerai gentiment la main de Coucke, Devroe ou Custovic quand je les reverrai. Le football ne laisse pas place aux émotions, hormis celles qui suivent la victoire. Celle-ci est la récompense des efforts consentis. Je vois les choses en noir et blanc, maintenant. Il faut prester, signer des résultats. Je suis d’un naturel doux et sympa mais sur le terrain, j’enfile mon armure et je prends mon sabre.

 » L’entraîneur est toujours le dindon de la farce  »

Adnan Custovic, le T2 que tu as amené de Courtrai à la Côte, t’a succédé. Il espère que vous resterez amis.

VANDERHAEGHE : Il a apparemment des doutes, malgré trois années fantastiques. C’est éloquent.

Quand il a prolongé son contrat cet été, il a, dit-on, obtenu la garantie de recevoir sa chance comme T1 après toi.

VANDERHAEGHE : On me l’a dit. Il valait sans doute mieux que je ne l’apprenne pas plutôt sinon j’aurais demandé un autre assistant.

Il a dit qu’il avait aussi une famille à entretenir.

VANDERHAEGHE : Le malheur des uns fait le bonheur des autres, hein.

Le milieu est-il si dur ?

VANDERHAEGHE : Oui. Combien d’entraîneurs ont déjà été renvoyés ? Ça ne fait qu’empirer. L’entraîneur est toujours le dindon de la farce alors que parfois, il s’est passé plein de choses avant la saison. Ostende le sait.

Dans quelle mesure es-tu satisfait de Gand ?

VANDERHAEGHE : Pour le moment, ce sont les points qui comptent. Mon groupe a énormément de qualités, qui nous permettent de diriger le jeu mais sans encore développer un football frivole, avec de belles actions et combinaisons. Je suis surtout satisfait des bases : la solidité défensive, la transition opérée par les médians, Simon sur le flanc, qui revient bien en perte de balle. Ils se battent tous pour le résultat et quand ils perdent le ballon, ils sont immédiatement cinq ou six à se replier.

Quel noyau as-tu découvert le 4 octobre ?

VANDERHAEGHE : Il était en proie au doute, ce qui était normal.

Comme Ostende, quand tu as été renvoyé, le 19 septembre ?

VANDERHAEGHE : Je trouve que les Gantois étaient plus abattus. À Ostende, tout le monde continuait à rigoler alors qu’ici, on avait réalisé le sérieux de la situation. Il fallait du changement.

 » On peut déjà être fier de notre parcours  »

Comment ?

VANDERHAEGHE : Avant mon arrivée, Gand perdait souvent parce qu’il encaissait trop facilement. Une défense à quatre a ramené plus de stabilité et de sûreté. Il y a aussi le fait que les deux joueurs qui personnifiaient le 3-4-3, Foket et Saief, n’étaient pas encore en pleine forme. Devant la défense, j’ai opté pour Dejaegere et Esiti, des garçons qui ont une bonne mentalité. Ça me faisait un bon bloc et ça m’a permis d’octroyer plus de liberté offensive aux autres. Mais, par moments, on est encore beaucoup trop gentil. Quand tu débutes avec 6 points sur 24, à l’avant-dernière place, tu sursautes chaque fois que tu vois le classement. Maintenant, on peut redresser la tête. On peut être fier de notre parcours, même si on n’est pas encore au bout du compte.

 » Ce travail m’absorbe. Je suis souvent ici de 8 à 19 heures, voire 22 heures si je suis les espoirs. « © KOEN BAUTERS

À Ostende aussi, tu trouvais souvent tes joueurs trop gentils et pas assez costauds dans les duels. Tu n’avais pas assez à dire dans les transferts ?

VANDERHAEGHE : Je ne le veux pas. J’ai demandé à Ostende des joueurs solides d’au moins 1m85, même s’ils n’étaient pas de fins techniciens. Mais je ne les ai pas obtenus. On n’avait pas de joueur un peu solide entre les lignes.

Tu as perdu deux costauds, Marusic et Dimata, en plus.

VANDERHAEGHE : En effet, deux ours, mais parlons plutôt de Gand. Cette solidité est importante à tous les niveaux, de nos jours. On ne trouve pas partout des talents d’exception comme Dries Mertens. Des footballeurs comme lui résistent même entre deux solides défenseurs centraux. Ce n’est pas évident, surtout face à des équipes bien organisées. Il faut parvenir à se créer une occasion à partir d’un duel et on n’a pas ce genre de joueur à Gand non plus.

Tu as davantage à dire à Gand ?

VANDERHAEGHE : On y travaille. Il est normal que le club connaisse la vision de son entraîneur.

Quelle est ta vision ?

VANDERHAEGHE : Il faut réduire le noyau. On a 32 joueurs, c’est trop. J’aimerais en conserver 25 plus les gardiens. Heureusement, on dispose d’assez d’espace et d’un staff étoffé, capable de manager ce grand groupe. On essaye d’être aussi correct que possible, de ne négliger personne. Entretenir le moral des blessés et des déçus est un travail quotidien. Je suis entraîneur principal depuis trois-quatre ans mais je pense être en bons termes avec tous mes joueurs.

 » Aujourd’hui, il faut motiver les joueurs plus souvent  »

Comment expliques-tu ça ?

VANDERHAEGHE : Ça fait partie de mes qualités, je crois. Je suis honnête, je cherche à leur apporter toute la clarté nécessaire, je parle à tous les joueurs. Les explications ne nous mènent pas loin, évidemment. Les joueurs doivent parfois tout simplement essayer de faire leurs preuves.

Tu remarques une différence de mentalité par rapport à ton époque ?

VANDERHAEGHE : Oui. Les gars du Mondial 2002 étaient des hommes d’action, qui voulaient se montrer sur le terrain. On prenait les choses en main et on continuait à travailler après une défaite. On n’avait pas le choix. Quand ça allait moins bien, on le reconnaissait ouvertement. Ce n’est plus aussi évident maintenant. De nos jours, il faut que les jeunes aiment ce qu’ils font. C’est du travail sur mesure. De mon temps, c’était comme ça et pas autrement. On pouvait aller au front avec des gars comme Eric Van Meir, Gert Verheyen, Bart Goor, Didier Dheedene, Jacky Peeters, Bernd Thijs… Cette mentalité, cette rage de vaincre, cette combativité étaient en eux.

Tout le monde continuait à rigoler à Ostende. Ici, les gens ont réalisé le sérieux de la situation.  » Yves Vanderhaeghe

Ce n’est plus le cas ?

VANDERHAEGHE : Il faut motiver les gens plus souvent. Dans certains exercices, je veux voir plus d’attention, la vitesse d’exécution requise en match. S’entraîner à un rythme moins élevé n’apporte rien. Il faut donc essayer de relever la barre. J’ai toujours eu cette motivation. Mais attention : plusieurs joueurs possèdent cette qualité ici.

Comme ?

VANDERHAEGHE : Brecht Dejaegere. Il se donne toujours à fond. Je remarque aussi que le noyau est très motivé, qu’il veut à tout prix être dans le top six. D’autres attendent impatiemment leur chance, comme Birger Verstraete. Ça me tranquillise car j’aime les hommes qui trépignent et qui ne demandent qu’à jouer.

Est-ce le noyau le plus talentueux avec lequel tu as travaillé ?

VANDERHAEGHE : La meilleure équipe est celle qui gagne le plus de points sur l’ensemble de la saison.

 » À Gand, je n’ai qu’à penser au football  »

Qu’est-ce qui te manque encore ici ?

VANDERHAEGHE : On cherche avant tout un buteur. On veut réduire un peu le noyau afin d’effectuer un ou deux transferts bien ciblés.

Tu as trouvé à Gand ce que tu en attendais ? En matière de structure, la différence avec Ostende est considérable. Tu es passé d’un conteneur à un complexe d’entraînement flambant neuf.

VANDERHAEGHE : C’est incomparable. J’ai débarqué dans un club possédant une structure. Les gens m’ont accueilli chaleureusement et m’ont tout expliqué, sans rien laisser au hasard. Tout avait été parfaitement préparé. Le lendemain de mon embauche, je recevais un e-mail des différents départements du club, avec, en titre :  » Bienvenue, Yves !  » Le service de billetterie, le département commercial, l’équipe de cuisine, les responsables du matériel, tout le monde m’a souhaité la bienvenue. Ici, tout est réglé, chacun connaît sa tâche. Je n’ai qu’à penser au football. Mais je n’ai encore jamais fait autant d’heures car on attend beaucoup plus de moi. Ainsi, une fois par mois, le mercredi, mon staff et moi entraînons les jeunes, les Blue White Talents et les Buffalo Talents. On a beaucoup plus de réunions. Et une fois par semaine, je vais manger avec le président et le manager général.

C’est nouveau pour toi ?

VANDERHAEGHE : Oui mais je trouve que c’est positif car ça offre une grande clarté. Au début, ces entretiens portaient sur la nécessité de gagner. Je ressentais constamment cette pression.

Tu es sur la même longueur d’ondes que la direction ?

VANDERHAEGHE : En matière de football, l’entraîneur n’est pas toujours obligé d’être d’accord avec la direction. Ivan De Witte et Michel Louwagie ont l’habitude des réunions quotidiennes, des négociations, des décisions. On essaye d’être constructif.

Tu as dû convaincre De Witte et Louwagie lors de ton premier entretien ?

VANDERHAEGHE : Oui. Ils craignaient peut-être que mon limogeage m’ait frustré ou m’ait abattu mentalement mais ce n’était pas le cas. Je dormais toujours très bien. Vous pouvez demander confirmation à mon amie.

 » Un coach doit être attentif aux besoins du club  »

Tu avais amené tout ton staff de Courtrai à Ostende. Ici, tu es venu seul. Pourquoi ?

VANDERHAEGHE : Il faut aussi être attentif aux besoins d’un club. Ici, il y avait un staff technique qui avait fait ses preuves avec mon prédécesseur. Tous ces gens étaient encore sous contrat. Je les ai assurés tout de suite de ma confiance et de ma volonté de travailler avec eux.

Tu n’avais encore jamais travaillé avec un staff aussi large. C’est nécessaire dans un grand club ?

VANDERHAEGHE : Oui, surtout compte tenu de la séparation des effectifs deux jours avant un match. Certains footballeurs doivent exercer leur force. Une dizaine de joueurs ne sont pas repris. On suit également les matches des espoirs et on fait des analyses tous ensemble.

Cinq membres du staff technique qui vont ensemble voir un match des Espoirs, c’est rare dans les autres clubs.

VANDERHAEGHE : Ça montre notre implication. En principe, l’entraîneur principal doit être présent à chaque match à domicile des espoirs, selon moi, pour stimuler ces jeunes. C’est la moindre des choses.

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