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 » J’ai prouvé mon niveau face au Celta Vigo « 

Genk a certes Alejandro Pozuelo mais s’il veut décrocher un billet européen, il aura bien besoin de deux gamechangers. Or, Leandro Trossard est rétabli, après un an de blessures.  » Même quand je ne suis pas dans le match, je peux réaliser une action.  »

Leandro Trossard (23 ans) est un vrai Genkois. Né à Waterschei, il a grandi à Lanklaar et a toujours rêvé d’enfiler le maillot du Racing.  » À huit ans, j’assistais déjà à tous les matches à domicile avec mon grand-père et je voulais monter sur le terrain, un jour « , raconte-t-il durant l’interview, dans les business seats de la Luminus Arena.

Jeune footballeur, il a successivement porté le maillot de Lanklaar, de Neeroeteren, du Patro Maasmechelen et du VV Bocholt.  » Pour franchir des paliers. Je voulais réussir. Rater une séance me rendait malade. C’est à Bocholt que j’ai connu mes deux meilleures saisons en équipes d’âge : je marquais 50 buts par an. J’étais fou de joie quand Genk m’a enrôlé, à quinze ans.  »

Le dribbleur a dû patienter. Mario Been l’a repris dans le noyau A à 17 ans, début 2012, mais il a été loué à Lommel, Westerlo et OHL avant que Peter Maes ne lui offre sa chance, en 2016. Durant cette saison-là, Genk, entre-temps coaché par Albert Stuivenberg, a disputé les quarts de finale d’EL face au Celta Vigo, une joute qui a permis à Trossard de faire ses preuves.

Il a médusé les défenseurs espagnols et quelques mois plus tard, le Celta offrait cinq millions pour l’ailier limbourgeois, imité par le Red Bull Salzbourg et Nice. Mais Trossard est resté à Genk.  » Je venais d’être papa et Genk voulait conserver son équipe. Je croyais en son projet sportif. En plus, j’estime qu’il faut respecter son contrat.  »

 » Je suis un footballeur de rue  »

Vas-tu rester un an de plus ?

LEANDRO TROSSARD : Si je ne reçois aucune offre concrète, je resterai avec plaisir. Je n’ai pas l’intention de partir cet été. Je laisse les choses suivre leur cours.

Ces deux matches contre le Celta ont-ils changé la perception qu’on avait de toi ?

TROSSARD : Oui. J’ai prouvé que j’avais le niveau requis. J’étais dans une période faste. Je suis un footballeur de rue. Donc, quand j’essaie quelque chose, ça semble naturel, quelles que soient les circonstances.

Tu t’es blessé en août, tu es revenu en décembre, tu as joué et marqué contre Waasland Beveren puis tu t’es de nouveau blessé. Ce sont chaque fois des atteintes musculaires. Le chirurgien espagnol Ramon Cugat t’a guéri. Comment ?

TROSSARD : C’est un de ses assistants qui m’a reçu. Cugat a une vision particulière : il prône un long repos et évite une surcharge trop rapide. Tout le monde n’apprécie pas ses méthodes. En général, les clubs veulent récupérer leur joueur le plus vite possible. En tout cas, son staff m’a aidé.

Tu as rapidement retrouvé ton rythme alors que tu as quasi raté une saison avant d’être aligné en PO1.

TROSSARD : Rentrer pour disputer dix affiches est fantastique ! Je peux apporter quelque chose à l’équipe. À Gand, d’après le traceur GPS, j’ai couru 13,5 kilomètres. C’est beaucoup.

 » Je peux décadenasser un match  »

Penses-tu pouvoir renverser le cours d’un match ?

TROSSARD : Ça fait partie de mes atouts. Je peux décadenasser un match d’une passe ou d’une action. Même quand je ne suis pas dans le match, j’ai mes moments.

Tu aimes les changements de rythme mais ne faut-il pas du temps pour retrouver son accélération après une longue indisponibilité ?

TROSSARD : Surmonter ma crainte de tirer a été le plus difficile. Jusqu’au match contre Charleroi, je pensais encore sentir quelque chose, par moments. Je me suis libéré de cette appréhension mais je suis devenu plus prudent. Vous ne me verrez plus tirer sans échauffement. Avant l’entraînement, j’effectue des exercices pour activer les muscles, à commencer par les quadriceps, qui m’ont tant fait souffrir.

Ce qui frappe aussi, pendant ces play-offs, c’est que tu cherches souvent la combinaison avec Pozuelo.

TROSSARD : C’est inconscient mais nous essayons de rester proches. Nous sommes souvent victimes d’une double couverture mais nous pouvons y échapper par de courtes combinaisons. Nous nous entraidons. C’est intuitif. Je faisais déjà ça avec Hans Vanaken à Lommel.

Pozuelo est spécial. On raconte que Ruslan Malinovsky et lui étaient contre Stuivenberg. L’as-tu remarqué ?

TROSSARD : Je ne pense pas que deux joueurs puissent faire renvoyer un entraîneur. J’étais à l’infirmerie, évidemment, mais je n’ai remarqué aucun signe de mauvaise volonté. D’ailleurs, un footballeur qui ne se livre pas à 100 % scie la branche sur laquelle il est assis. Je ne peux pas imaginer qu’un pro fasse ça délibérément.

 » Nous sommes plus compacts qu’avec Stuivenberg  »

Tu as vécu la meilleure période de ta carrière l’an passé avec Stuivenberg. Son départ t’a-t-il déçu ?

TROSSARD : Il m’a lancé l’année dernière après l’hiver et m’a accordé quelques matches pour trouver mon rythme. Sa confiance était très importante. J’ai prouvé qu’elle était justifiée. Mon rôle dans le système de jeu n’était pas très différent de celui que Clément m’assigne : je dois beaucoup courir entre les lignes. Seules certaines trajectoires sont différentes. Nous sommes plus compacts qu’avec Stuivenberg.

Tu as eu un long entretien avec Philippe Clément à son arrivée, en décembre. Qu’en as-tu retenu ?

TROSSARD : Il m’a expliqué quel système de jeu il voulait appliquer et quel rôle il m’assignait. Sa vision colle parfaitement à mes qualités. Cet entretien était important pour moi car ma blessure m’avait plongé dans l’incertitude et m’avait coupé du noyau. Je ne savais pas combien de temps il me faudrait pour revenir et retrouver mon niveau. La confiance de l’entraîneur m’a donc fait grand bien. Je retrouve chez Clément les accents placés par Emilio Ferrera à OHL. Je suppose qu’ils sont tous deux influencés par leur collaboration avec Preud’homme. Ils exercent beaucoup les automatismes entre les joueurs qui reculent et ceux qui vont en profondeur. Un exemple ? Quand le défenseur recule, je converge vers l’axe. Le médian doit alors créer des espaces. Nous ne devons pas suivre une procédure stricte mais il est intéressant de s’appuyer sur ses automatismes quand le jeu est moins fluide. Nous devons maintenant améliorer la conclusion.

Je retrouve chez Clément les accents placés par Emilio Ferrera à OHL.  » Leandro Trossard

Emilio Ferrera entraîne les Espoirs d’Anderlecht et s’attire beaucoup de compliments car il aide les jeunes à percer. Ça ne doit pas te surprendre ?

TROSSARD : Non. C’est sous la direction d’Emilio que je me suis épanoui à OHL. Il m’a beaucoup appris sur le plan tactique, comme les trajectoires à respecter en fonction de la position du ballon. En intelligence footballistique, il est un des meilleurs entraîneurs que je connaisse.

 » Chapeau à PiEter Gerkens  »

Mais… ?

TROSSARD : Il ne communique pas bien. À OHL, il m’octroyait une certaine liberté mais il n’est pas facile avec les réserves ou quand ça ne marche pas comme il le veut.

Tu connais très bien un autre Anderlechtois : Pieter Gerkens, ex-Genk. Son évolution te surprend-elle ?

TROSSARD : Je savais qu’il était intelligent et qu’il jouait bien mais de là à être titulaire à Anderlecht… Je ne m’y attendais pas de la part d’un joueur qui vient du STVV. Il occupe un poste un rien plus offensif, au dix, alors que je le considérais comme un huit. Mais chapeau : il montre à certaines personnes de Genk qu’elles avaient tort.

Tu délivres beaucoup de belles passes. Est-ce grâce à la formation dispensée par Genk et plus précisément par Michel Ribeiro, qui est parti à Kansas City la saison passée ?

TROSSARD : Genk attache beaucoup d’importance au bagage technique des jeunes. Ribeiro a compté pour moi, même si je n’ai travaillé avec lui que quelques années. Il nous montrait les mouvements à effectuer mais quand on n’a pas de talent, on peut s’entraîner autant qu’on veut, on n’y arrivera pas.

As-tu un mouvement de prédilection ?

TROSSARD : Faire comme si j’allais tirer puis passer le ballon sous le pied. Comme lors de l’assist délivré contre le Celta. C’est très difficile à contrer.

Ce genre d’action peut énerver les défenseurs…

TROSSARD : J’ai eu ma part de coups mais ça fait partie du métier. Tout dépend de l’intention avec laquelle on commet une faute. Si c’est pour me blesser, il m’est plus difficile de me maîtriser. Avant, je m’énervais vite mais ça ne sert à rien : on continue à encaisser des coups. Il faut partir du principe que l’arbitre est là pour nous protéger.

 » En D2, j’étais constamment visé  »

La D2 a été une bonne école de ce point de vue ?

TROSSARD : J’y ai reçu plus de coups. Il y a trois ans, ce n’était pas encore la D1B. J’étais donc souvent confronté à des amateurs, des hommes qui travaillaient en journée. Ils considéraient les professionnels comme des poules de luxe et ils acceptaient mal d’être passés. Ils visaient donc mes jambes. C’était plus fréquent contre les moins bonnes équipes : Heist, Alost…

Analystes et entraîneurs affirment qu’on se laisse de plus en plus tomber dans le rectangle depuis l’introduction du VAR. Tu l’as remarqué aussi ?

TROSSARD : On exagère. Comme le penalty que nous avons encaissé contre Charleroi : Malinovsky touche à peine son adversaire, qui était loin du but, sans la moindre chance de marquer. Il faut en tenir compte. Tout le monde sait aussi qu’Edmilson cherche le contact avec les jambes des autres et se laisse tomber. Les joueurs partent du principe que l’arbitre va siffler dès qu’il y a contact. Donc, ils le cherchent. On croit que je vais faire pareil mais ce n’est pas le cas. Si je sais que je peux avoir le ballon, je vais tout mettre en oeuvre pour y parvenir.

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