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 » J’ai été l’homme du changement « 

Après trois ans à l’Union, il a choisi de s’en aller pour relever un nouveau défi

Marc Grosjean vient de boucler une de ses plus belles aventures à l’Union Saint-Gilloise au terme de 36 mois. Il a plaqué la vieille dame jaune et bleue mais avec l’élégance qu’on lui connaît, le repreneur anglais, Tony Bloom, déjà président de Brighton and Hove Albion, ayant une vision qui ne correspond pas à la sienne.

Comment décririez-vous votre aventure avec l’Union ?

MARC GROSJEAN : Enrichissante, inoubliable mais aussi fastidieuse. Je me souviens qu’à chaque fois que j’étais venu au Stade Mariën en tant qu’adversaire, je me disais que ça devait être quelque chose de fort d’entraîner un club pareil. Je suis heureux et fier de l’avoir vécu mais je me devais de rester fidèle à mes principes et à mes convictions, et je ne pouvais plus continuer. Il faut avoir l’honnêteté intellectuelle de faire des choix, et choisir c’est renoncer. J’ai donc rencontré le président Jurgen Baatzsch et je lui ai fait savoir ma décision.

Le club est désormais sur les bons rails pour s’installer dans la durée en D1B.  » – Marc Grosjean

Quels sont les éléments qui vous ont poussé à prendre cette décision ?

GROSJEAN : J’ai rencontré les repreneurs mais leur projet ne correspondait pas à ma personnalité. J’ai senti trop peu de respect par rapport au football belge, aux gens qui étaient en place, au travail qui a été effectué pendant trois ans, aux joueurs qui composaient l’effectif et ceux que je présentais pour renforcer le groupe. Le président voulait que je poursuive mais de mon point de vue, ce n’était pas possible.

Ce n’est pourtant pas la première fois de votre carrière que vous aviez affaire à un club qui allait être repris ou qui appartenait à des investisseurs étrangers.

GROSJEAN : Oui, cela a déjà été le cas à l’Antwerp, qui avait une collaboration avec Man Utd ; à Mons, il y avait un accord avec le PSG ; à Eupen, il y a eu des Italiens puis des Allemands, et à Visé des Indonésiens… J’ai donc toujours eu l’habitude de travailler dans des clubs en pleine mouvance. Pour que cela fonctionne, il faut que les deux parties se respectent et se connaissent mutuellement. Dans le cas de l’Union, il est important qu’elle ne perde pas ses attaches locales mais je ne peux présumer de rien. Quitter ce club ne m’a jamais traversé l’esprit avant cela. C’est bien simple, quand j’ai prolongé mon contrat de trois ans l’été dernier, j’avais mis une clause stipulant que quand Guy Brison prendrait sa retraite, je pourrais devenir directeur sportif. C’est la preuve que je me voyais rester pour un bon bout de temps. Mais je ne pouvais pas imaginer ce qui allait se passer.

Résultats banalisés

N’avez-vous pas le sentiment que vos excellents résultats avec ce club ont été banalisés ?

GROSJEAN : Si, bien sûr. Je rappelle que quand je suis arrivé, l’Union revenait de nulle part. Le club était monté en D2 en profitant du fait que plusieurs clubs n’avaient pas eu de licence et l’équipe n’avait donc pas été championne. Cela n’enlève rien aux mérites des joueurs qui ont réussi de grandes performances par la suite mais ce que je veux que les gens comprennent, c’est que le club n’était pas forcément prêt à accéder à la D2. Jusqu’à l’année dernière, nous nous entraînions comme des amateurs une fois par jour à 16 heures et des joueurs combinaient le foot avec autre chose alors que nous devions concurrencer des clubs qui étaient des machines. Au cours de la première saison en D2, il a été décidé que seuls les huit meilleurs clubs sur dix-huit se maintiendraient et nous avons réussi cette prouesse. Depuis quelques mois, j’avais exigé que tous les joueurs soient professionnels, c’était une continuité logique. Je sais que beaucoup de joueurs importants sont partis il y a quelques mois, de nombreux Bruxellois notamment, et que des supporters ont considéré cet exode comme forcé, mais ce ne fut pas le cas. Nous devions poursuivre notre croissance sous peine de ne plus nous maintenir.

L’exil forcé au Stade Roi Baudouin a-t-il été néfaste pour vous ?

GROSJEAN : Bien entendu. Jouer devant 3.000 supporters dans une énorme enceinte qui semble vide ou dans votre stade fétiche, ce n’est pas la même chose. En évoluant à la Butte ces deux dernières années, nous aurions pris dix points de plus par an.

Quelle est votre plus grande fierté ?

GROSJEAN : Celle d’avoir été l’homme du changement. J’ai imposé tant de choses que je suis convaincu que le club est désormais sur les bons rails pour s’installer dans la durée en D1B. Mais rien n’était acquis quand je suis arrivé. Je me souviens d’une de mes premières demandes, qui peut sembler anecdotique mais dans le vestiaire visiteurs, pour l’avoir fréquenté par le passé, il y avait une table de massage et des armoires qui dataient de l’époque de Mathusalem. J’ai demandé que l’on enlève tout. J’avais l’impression d’être dans un musée d’un autre temps. Aucun entraîneur avant moi n’avait fait preuve d’une telle exigence au club. Et sur un plan footballistique, je suis heureux d’avoir su imposer ma griffe sur l’équipe, de lui avoir donné une identité. Nous avons offert un foot dynamique en faisant jeu égal avec tous nos adversaires, avec un budget inférieur.

Votre passage à l’Union est-il comparable à celui à La Louvière ?

GROSJEAN : Au niveau des résultats oui, d’une certaine façon. J’avais repris les Loups alors qu’ils luttaient pour leur survie en D2 et je les ai emmenés en D1 mais hormis cela, c’est fort différent. D’abord parce que je ne suis plus le même homme. J’étais un jeune entraîneur à l’époque alors que je vais avoir 60 ans, je suis grand-père, j’ai beaucoup mûri dans mon coaching, notamment via mon expérience en Arabie saoudite. Et puis l’Union, c’est le club dont on se dit qu’il dégage quelque chose de particulier, d’intemporel et d’alléchant, mais pouvoir y vivre à l’intérieur, au quotidien, c’est encore autre chose. Humainement, c’est ma plus grande aventure et je remercie le staff qui m’a accompagné parce que sans lui, je n’y serais pas parvenu.

Pas peur du futur

Petit bémol mais qui n’est pas neuf : l’Union ne produit aucun jeune de son centre de formation.

GROSJEAN : C’est le prolongement de ce que je vous disais concernant le niveau de professionnalisme du club quand je suis arrivé. L’école des jeunes était politisée et était celle d’un club moyen de D3. L’élite bruxelloise n’est pas à l’Union, ou alors chez les plus jeunes, mais le club n’est pas en mesure de conserver ses meilleurs jeunes et ils s’en vont entre 12 et 15 ans. Je comprends que l’Union ait toujours voulu jouer un rôle social considérable et c’est une excellente chose, mais on ne peut pas s’en contenter quand on veut avoir une équipe première au plus haut niveau. Il faut pouvoir associer cet aspect avec une forme d’élitisme, sinon on en arrive au constat actuel : les jeunes qui restent au club ne sont pas assez bons pour alimenter le noyau pro. On a tenté l’expérience mais sans résultat.

Vous ne craignez pas de ne pas retrouver de l’embauche ?

GROSJEAN : Non. Je ne supporterais pas de rester à la maison. Mais j’ai toujours pensé que le travail porte ses fruits et au cours des dernières semaines, plusieurs clubs m’ont contacté. Je pense que la situation évoluera rapidement. J’ai fait mes preuves et le boulot abattu à l’Union en est une de plus.

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