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Le Real post-CR7 dans le doute

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Et soudain, le Real Madrid est redevenu un club comme les autres. Après trois années passées sur un nuage, la Casa Blanca est en pleine saison des pluies.

La théorie fait son chemin. Et si Zinédine Zidane, voyant son Real Madrid foncer droit dans le mur au bout d’une saison certes couronnée d’une nouvelle Ligue des Champions, mais surtout irrégulière, avait appuyé sur le bouton de son siège éjectable avant de vivre le crash à la première personne ? Les derniers mois sous le règne du Français, rythmés par une campagne européenne aux airs miraculeux entre un penalty de dernière minute pour éviter un retour de la Juventus au Bernabeú et une demi-finale rocambolesque contre le Bayern, avaient laissé presque autant de questions que de trophées.

Pour l’instant, il ne semble manquer qu’une chose à Vinicius. Mais c’est précisément celle dont Madrid a le plus besoin : les buts.

Au soir d’une victoire face à Liverpool dont il avait été un acteur mineur, Cristiano Ronaldo ajoutait un peu de flou à l’avenir du football madrilène, en évoquant des envies d’ailleurs matérialisées par un départ à la Juventus annoncé en plein Mondial. Si certains dans l’entourage du club se plaisaient à souligner son déclin, le Portugais restait une garantie de buts hors normes, et un compétiteur qui avait fait passer la Casa Blanca de huitième de finaliste régulier de la C1 à membre abonné aux demi-finales, avec quatre trophées européens en guise de cerise sur le gâteau.

Rassuré par le doublé décisif de Gareth Bale face aux Reds de Jürgen Klopp, le président Florentino Pérez n’a pas voulu faire sauter la banque pour attirer une nouvelle star mondiale à Madrid, persuadé qu’il en avait déjà une au sein de son noyau. Quelques mois plus tard, le Gallois n’a marqué que dix buts toutes compétitions confondues, dont trois lors d’une Coupe du monde des clubs à l’adversité modeste. En Liga, Bale n’a trouvé le chemin des filets qu’à quatre reprises. Karim Benzema et ses sept buts font à peine mieux alors que Marco Asensio, à qui l’absence de recrutement d’envergure devait laisser une opportunité de briller, compte un seul petit but à son actif.

Pour la première fois depuis de longues années, le Real ne compte aucun joueur dans le top 10 du classement des buteurs.  » On doit comprendre pourquoi on ne marque pas de buts « , pestait Luka Modric devant la presse madrilène suite à la défaite récente face à la Real Sociedad.

En quête de jeu et de buts

 » L’équipe joue bien, mais il nous manque de l’efficacité devant « , affirme Sergio Ramos, prenant le relais du Ballon d’or pour évoquer la sécheresse offensive des triples champions d’Europe en titre. Le jeu, pourtant, est loin d’être au rendez-vous. Tout comme la saison dernière, exception faite qu’au printemps, le règne sans partage de Ramos et de Ronaldo dans les deux surfaces a permis au Real de gagner les matches européens majeurs et d’éclipser soigneusement une Liga conclue à 17 points du Barça.

Le jeu s’était alors déjà détérioré, après avoir atteint son climax lors de la deuxième saison de l’ère Zidane, quand les Madrilènes pouvaient compter sur un noyau exceptionnel au sein duquel James Rodriguez, Mateo Kovacic ou Raphaël Varane n’étaient que des réservistes de grand luxe. Depuis, la qualité du groupe a faibli et celle du jeu n’a jamais décollé.

Zidane a plus souvent brillé par sa gestion humaine que par son génie tactique, et l’arrivée de Julen Lopetegui et de son jeu plus schématisé n’a pas conquis un groupe sorti fatigué et repu d’une saison allongée par la Coupe du monde. Varane et Modric, qui ont compté parmi les hommes les plus brillants de l’été russe, ont démarré la saison sur les rotules, et la tête de l’ancien sélectionneur de la Roja a fini par tomber.

Santiago Solari a débarqué, laissant les rênes de l’équipe B pour s’installer sur le banc du Bernabeu, et les premiers jours ont ressemblé à une résurrection. Le discours inaugural de l’Argentin penche du côté de la testiculina, qui a pris le pas sur le football léché dans les discussions footballistiques de Buenos Aires au sein d’un jeu albicéleste en déliquescence.

 » L’idée, c’est de jouer avec deux énormes couilles « , affirme ainsi le coach avant sa première rencontre, en Copa del Rey. Le projet est minimaliste, mais suffit à enchaîner quelques succès favorisés par un calendrier abordable. Et puis, le football rattrape le Real. Parce que comme l’a un jour déclaré Esteban Cambiasso, ancien pensionnaire de la Maison Blanche :  » Dans les tribunes, tout le monde réclame qu’on pose nos couilles sur la pelouse. Mais il faut aussi du jeu. Parce qu’à un moment, des couilles, on en a tous.  »

Un espoir nommé Vinicius Junior

Le Real semble avoir besoin d’un nouveau souffle, comme si les joueurs devaient à nouveau croire en leur grandeur. Un gros coup au coeur de l’hiver pourrait arranger les choses, mais le mercato de janvier est rarement celui qui anime les plus grands talents de la planète. La première recrue du Real en 2019 s’appelle donc Brahim Diaz. Un jeune joueur venu de Manchester City, qui cadre avec le plan de recrutement de Florentino Pérez, désireux depuis plusieurs saisons de préparer le Real d’après-demain, après avoir construit avec succès l’un des plus grands noyaux de l’histoire du jeu, aujourd’hui sur le déclin.

En attendant l’arrivée du prochain leader footballistique du projet madrilène, le Bernabeu s’est trouvé un nouvel espoir. Arrivé du Brésil, préparé au football européen par quelques passages en Segunda B, avec la deuxième équipe du Real, Vinicius Junior commence à se révéler aux yeux de la capitale. Son jeu, fait de dribbles fantasques et de débordements en puissance, dote le Real d’une capacité d’accélération qu’il avait perdue depuis la transformation de Cristiano Ronaldo en attaquant de pointe.

Pour l’instant, il ne semble manquer qu’une chose à Vinicius. Et c’est précisément celle dont Madrid a le plus besoin : les buts.  » Il fait partie de ces talents dont les dribbles peuvent briser une défense « , dit de lui son entraîneur Santiago Solari.  » L’autre type de talent offensif, c’est le sens du but.  » Un registre qui a disparu des radars madrilènes.

Sans les buts de Ronaldo, il faudra sans doute passer par le jeu pour construire une nouvelle ère de domination au sein de la Maison Blanche. Un paradoxe, pour le club qui s’est toujours vanté de ne pas avoir de style de jeu déterminé, contrairement à son grand rival catalan.

 » Le style du Real, c’est la victoire « , aiment répéter les fans madrilènes. Ils oublient parfois que si on ne sait pas comment on gagne, il est difficile de comprendre pourquoi on perd…

Par Guillaume Gautier

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