Franky goes to… nulle part

Fin des années 90, je joue à La Gantoise. Début de saison, on affronte l’Ajax. Duel avec Frank de Boer. Rentrée en touche. Pour moi, elle est pour nous. Pour l’arbitre, pour eux. J’ai le ballon en main, je le jette vers De Boer. Trop haut, vers son visage. Pas bien. Et pas de bol, la scène passe en gros plan à la TV. Je passe pour un con. Bien fait pour moi. J’étais nouveau au club. Conditionné. J’avais l’envie de plaire à mon entraîneur de l’époque qui aimait ce genre d’attitude. Il s’appelait René Vandereycken.

Pourquoi je vous parle de ça ? Parce que Frank de Boer, je l’ai revu sur le banc de Crystal Palace et il m’a fait de la peine. Ce siège baquet sur lequel il est assis semble tellement grand pour lui. On a l’impression qu’il s’est trompé d’endroit et qu’il va se faire  » baquer  » très vite. Ce n’est qu’une attitude et mon ressenti mais pour moi ça veut dire beaucoup. Cette fameuse attitude, aussi essentielle que superficielle. Mais le langage du corps, lui, ne peut pas tricher longtemps.

De Boer donc à Crystal Palace. Je pourrais vous faire quelques bêtes feintes comme :  » Palace est aussi fragile que du cristal « . Ou  » Frank le paysan n’est pas à l’aise à Palace « . Ou encore  » Le Palace perd ses étoiles, ça devient un camping « . Mais non je ne le ferai pas. On va rire avec les faits. De Boer faisait partie des … 37 coaches possibles. Steve Parish, le président du club, qui en est à sept entraîneurs en sept ans dit que De Boer est le mieux placé pour  » apaiser les fans « . Faut dire que Frank a pas mal d’ambassadeurs en Premier League.

Quand il était responsable du centre de formation de l’Ajax, des joueurs tels que Christian Eriksen, Daley Blind ou encore Toby Alderweireld y ont appris leur réussite actuelle en Premier League. Tout comme Jan Vertonghen quand Frank devint coach de l’équipe pro. Ceci avec la bénédiction d’un certain Johan Cruijff. Référence de choix. Mais passer de l’Ajax qui a pour terrain de jeu l’Eredivisie à Crystal Palace qui a pour terrain miné la Premier League, ça se complique. C’est un autre monde. Surtout que les 13 matches de Franky à la tête de l’Inter ont prouvé, un peu plus, que le contexte d’expression met les certitudes sous pression. Et les habitudes aussi. De Boer est le premier manager non british à diriger l’équipe. Courage Franky !

Ce nouveau monde, on s’imaginait qu’il allait l’attaquer avec l’ADN qu’il a dans le sang et les studs depuis 40 ans. Avec le fameux 4-3-3 chère à l’école ajacide. Mais il a fait encore plus fort. Il joue avec une défense à trois. La nouvelle mode. Mais penser que l’on va transformer, en 8 semaines de préparation, des cerveaux musclés par le  » foot british  » depuis trop longtemps… L’éducation, la formation prend du temps. Un jeune de l’Ajax, comme De Boer l’a été, découvre, étudie et applique le jeu de l’Ajax dès l’âge de six ans. Quand il arrive en équipe première, il fait partie de lui. Quand De Boer veut l’appliquer à Palace, il ne fait même pas partie de l’imaginaire.

Passer de  » on dégage vers Christian Benteke, il gagne son duel, se replace dans le rectangle et marque  » à  » on fait 72 passes avant d’envisager de mettre le feu au rectangle adverse… ».Y a comme une différence. D’ailleurs, son équipe n’a pas encore inscrit le moindre but en Premier League. Et si De Boer commettait la même erreur que Guardiola l’an dernier ?

Penser que l’on va mettre l’Angleterre du foot à genou et en pâmoison avec ses principes. Non, non, le foot anglais, c’est la tradition. Certes exaltée de création depuis Arsène Wenger et les coaches étrangers qui ont profité de son sillon. Pep s’est planté la saison dernière. Pas grave, son crédit est tel que l’évidence peut être occultée par la providence promise. Mais Crystal Palace n’est pas Man City. De Boer n’est pas Guardiola. Les idées sont les mêmes. Les moyens mis à disposition pour les développer pas. Ça pue pour Frank car plus que jamais l’enjeu prend le pas sur le jeu.

PAR Frédéric Waseige

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