Archive du futur

Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Armé d’un Unplugged acoustique et provisoirement privé de son impeccable chanteur, Archive revient en concert défendre son mix intrigant de mélancolie et de rock noisy

CD Unplugged, chez Warner. En concert le 25 novembre à l’Ancienne Belgique, à Bruxelles. Tél. : 02 548 24 24.

Archive, cela ressemble à quoi ? A un groupe intéressant, qui fuit les catégories comme la peste sonore, même si son mélange de néo-psychédélisme bruitiste porté sur les atmosphères oppressantes possède un chouia de Pink Floyd dans les saignées mélancoliques. Tout dans Archive semble d’ailleurs un peu insaisissable, à commencer par le parcours musical. A la sortie du premier disque, Londinium, en 1996, la formation anglaise reçoit des critiques bienveillantes sur le Continent mais, à domicile, se fait allumer comme singeant le style trip-hop qu’elle pratique avec le rapper Rosko John et la chanteuse Roya Arab. Pourtant, ce disque inspiré était prêt dès avant la sortie du Dummy de Portishead qui allait façonner le genre. Il faut attendre 2002 et le troisième CD, You Look All the Same to Me, pour que l’inventivité galopante des fondateurs du groupe, Darius Keeler et Danny Griffiths, soit reconnue par le grand public. Disque cintré, expérimental mais formaté en chansons, il laisse le champ libre à des envolées épiques secouées de spasmes, calant dans ses interstices des ambiances bizarres et mortifères. Surtout, on y découvre un nouveau chanteur, Craig Walker, dont la voix fissurée à la Thom Yorke débite des trésors de spleen, particulièrement dans les morceaux lents qui ne manquent pas de venir pondérer la machine de guerre Archive.

En guerre contre les stéréotypes, Darius et Danny, la trentaine, ont tous deux un parcours atypique de gosses de la banlieue sud de Londres, ayant grandi entre les cultures rock et dance. Ainsi Darius, qui pourrait être une sorte de Roger Waters aimable, a joué dans des orchestres de jeunes, apprenant la batterie et la guitare du côté de Streatham.  » Je me suis d’abord branché sur les Beatles, le Floyd ou les Who avant de m’intéresser à la house qui a représenté un moment important de la culture jeune en Angleterre : les virées au Spectrum et les premières pilules ont réellement changé ma perception de l’espace musical.  » C’est en rencontrant Danny, nourri à la house-hardcore et à la collection de disques de sa mère û de Nana Mouskouri à Bob Marley û qu’Archive va naître.

Coup de gueule

Une décennie plus tard, la formation a le vent en poupe : la BO du faiblard Michel Vaillant parue en 2003 était incisive et inspirée, tout comme le dernier opus en studio, Noise (2004), entreprise d’une offensive chimique qui culmine sur le morceau Fuck. L’auteur, Danny, explique son coup de gueule :  » C’est une chanson politique qui s’adresse aux Bush-Blair, ces menteurs délibérés. L’idée était de combiner une belle chanson et un texte agressif fustigeant le batifolage de la Grande-Bretagne avec l’Amérique conservatrice.  »

Darius enchaîne :  » C’est assez déprimant de penser que l’Angleterre est ce pays qui a enfanté Shakespeare ou Orwell, cette littérature brillante, et qui, maintenant, semble se complaire dans une certaine médiocrité. C’est pour cela que nous aimons la France.  » D’autant que l’Hexagone place Archive assez haut dans son c£ur, bien plus que le pays natal qui continue de l’ignorer :  » Nos disques n’y sortent même pas ! On a traversé une phase de frustration de ne pas être reconnu dans notre propre ville, mais je trouve que l’Angleterre cultive beaucoup le hype et assez peu le contenu : c’est effarant de voir le vide de certains groupes et la quantité astronomique d’articles qui leur est consacrée !  » Mais ni Darius ni Danny n’ont de temps pour la complainte. Ils préparent une tournée sans Craig :  » Il doit absolument régler des problèmes personnels, vitaux pour lui. Sans cela, il pourrait bien ne jamais revenir dans Archive.  »

Dommage, parce que la nouvelle livraison du groupe, un Unplugged de dix titres acoustiques enregistrés devant un public de fans en décembre dernier à Paris, montre combien Craig est un vocaliste épatant. Pour les prochains concerts, il sera remplacé par un trio de chanteurs/ choristes qui, aux côtés de six musiciens, monteront au front d’une des musiques les plus originales et les plus singulièrement émotives du moment.

Philippe Cornet

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