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ALEX KIDD

Du haut de ses 21 printemps, Alexis de Sart s’est imposé en patron dans le milieu trudonnaire. Il revient pour la première fois sur une saison riche en émotions, un départ  » forcé  » du Standard et une identité hesbignonne (presque) assumée. Moment détente.

La terrasse du Grand Café offre une vue imprenable. Elle jouxte le terrain synthétique du Stayen, situé à quelques centimètres des ombrelles et des lunches, distribués à la pelle en ce vendredi midi. Le vent souffle, mais le soleil tape quand même sur Alexis de Sart, qui commande un penne au poulet, tranquille. Le milieu canari de 21 ans vient de terminer une session d’entraînement et est en train de clôturer sa première  » vraie  » saison chez les pros.

Formé devant la défense, il a appris à monter d’un cran, à jouer les régisseurs du STVV. Et il le fait bien, au point de figurer parmi les révélations du cru 2017-2018.  » Fils de  » et  » frère de  » à la fois, il parle sans problème de tout, de rien, de foot et surtout  » d’autre chose  » : des incompréhensions suscitées par le VAR à ses envies de voyages.

 » Avec les Espoirs, on a été à Istanbul, ça a l’air magnifique… Mais tout ce qu’on a vu, c’est l’hôtel et le car. C’est frustrant « , souffle-t-il.  » Quand on a été à Molde, en Norvège, avec le Standard, il y avait des super paysages. Il faut aussi se dire que sans le foot, je n’y aurais jamais mis les pieds.  »

Il y a un an, il part en amoureux visiter l’Islande, Reykjavik et ses alentours. Cet hiver, il se rend à Phuket, en Thaïlande, pour une cure de vitamine D. Il s’explique :  » On ne peut jamais partir très longtemps, mais voyager me permet de me changer complètement les idées.  » Normal, à Saint-Trond, il est comme à la maison.

 » La P4, c’est le vrai foot : celui du plaisir  »

Tu habites toujours chez tes parents, à Crisnée, qui n’est qu’à une vingtaine de minutes du Stayen. Ici, tu es un peu le régional de l’étape…

Alexis de Sart : Je suis le seul Hesbignon de l’effectif ( il sourit).

Tu le revendiques ?

de Sart : Non. ( Rires) C’est compliqué à expliquer, mais la Hesbaye, c’est connu pour l’agriculture, le travail dans les champs. Du côté de mon papa, il y a beaucoup d’agriculteurs, qui vivent encore dans des fermes, qui ont des bêtes… Mes cousins ont leur travail et quand ils ont du temps libre le dimanche, ils vont aider leur oncle dans les champs.

C’est ce qui explique que vous avez ce côté terre-à-terre dans la famille ?

de Sart : Non, ça vient plutôt de notre éducation. On est très famille, on voit souvent les cousins, les oncles, etc. Et on a aucun problème à aller voir des matches de P4. C’est le vrai football ( grand sourire).

Qu’est-ce que tu entends par  » vrai  » football ?

de Sart : C’est le  » football plaisir « . Les joueurs ne sont pas forcément là pour gagner, mais plutôt pour s’amuser. L’interaction avec les gens n’est pas la même. Ici, c’est difficile d’avoir une relation avec les supporters en étant sur le terrain. Là, en P4, le gars sur le côté fait son commentaire, tu lui réponds et ça fait rire tout le monde. C’est cette ambiance que j’apprécie.

Tu te vois évoluer à un tel niveau à la fin de ta carrière ?

de Sart : ( Il hésite) Je ne sais pas… La vie de footballeur est instable. Tout dépendra de Mathilde, ma copine, et de l’évolution de nos vies. Elle étudie le management hôtelier, à Londres. Quand j’aurai 35 ans, ma carrière sera terminée et vu qu’elle se sera sacrifiée pour moi, ça sera à mon tour de faire des sacrifices pour elle.

 » Je n’étais pas prêt à jouer en D1  »

Mais, à 35 ans, tu te vois fermer le chapitre football et passer à autre chose ?

de Sart : Il ne sera jamais totalement fermé. Si la vie fait que je dois le mettre de côté, que je dois aller vivre je ne sais où, je le ferai. J’ai déjà pas mal d’autres centres d’intérêts et je ne veux pas me limiter à ça. Le football, peu importe ce que je suis, peu importe ce que je fais, il pourra toujours avoir une petite place. Mais je n’aurais aucun problème à avoir une vie loin du football.

Tu termines ta première saison complète, en termes de temps de jeu. C’est pourtant ta troisième dans un noyau pro. Quel bilan en tires-tu ?

de Sart : L’important, c’était de jouer un maximum de matches. J’avais bien terminé la saison passée en jouant pas mal lors des play-offs 2, où on atteint la finale. Cette saison, j’ai joué une trentaine de matches en championnat, plusieurs en coupe et avec l’équipe nationale. Je suis presque à quarante matches,donc on peut dire que l’objectif est réussi. Et je pense avoir plutôt bien répondu à l’attente, je suis plutôt satisfait.

Tu es l’une des révélations de la saison.

de Sart : Je suis content. Mais j’aurais pu ajouter des lignes de stats, mettre deux ou trois buts en plus. Il y a eu aussi l’apprentissage d’un nouveau poste. J’ai quasiment toujours été formé devant la défense et là, j’ai appris à jouer plus haut, numéro dix, voire pratiquement neuf et demi. Au début, je n’étais pas spécialement convaincu, mais je me suis adapté, petit à petit.

Ton éclosion ne s’est faite que l’année passée, en PO2, alors que tu es arrivé en janvier 2016. Tu joues directement, contre Westerlo, puis tu passes sur le banc et même en réserve. Tu étais encore trop timoré ?

de Sart : Je n’étais peut-être pas encore prêt à jouer un match en D1. Ensuite, j’ai rencontré Ivan Leko avant le début de la nouvelle saison. On s’est bien entendu, mais les choses ont fait qu’ils ont transféré d’autres milieux de terrain. À un entraînement, je me suis retrouvé défenseur central… Je sentais que ça allait être compliqué. Je n’étais pas repris pour les premiers matches et c’était difficile à vivre. Puis, je me suis dit :  » Tant pis, il faut que je travaille « .

 » Je n’ai aucun regret d’avoir quitté le Standard  »

Pourtant, on savait que tu étais là depuis un petit moment. Tu signes ton premier contrat pro au Standard, en juin 2015, à dix-huit ans.

de Sart : On attend parfois un peu trop des jeunes joueurs. On veut qu’ils soient performants tout de suite. Après trois mois, Slavo Muslin ( en août, ndlr) s’est fait virer et Yannick Ferrera est arrivé. Il fallait mettre tous les jeunes en réserve. J’avais dix-neuf ans quand j’ai dû partir, de manière un peu forcée. Finalement, ma mise à l’écart était peut-être un mal pour un bien.

Tu passes pro, tu joues ton premier match contre Sarajevo en Europa League, puis tu es mis au placard. Un vrai ascenseur émotionnel. Comment tu l’as vécu ?

de Sart : Un jour après l’arrivée de Ferrera, je me suis présenté à l’entraînement et il m’a dit :  » Qu’est-ce que tu fais là ? Tu peux rentrer chez toi.  » Ça m’a vraiment coupé les jambes. Il y a eu une ou deux semaines où j’étais là sans être là. ( Patrick Van Kets, adjoint au Standard à l’époque, aujourd’hui au STVV, passe derrière lui et glisse :  » T’es encore là toi ! ? « ) Patrick peut en témoigner, je n’étais vraiment pas bien. Le Standard, c’est toute ma jeunesse, j’y suis arrivé à dix ans. Mon rêve était un peu brisé.

En janvier 2016, tu rencontres la direction et vous évoquez la possibilité d’un prêt. Finalement, tu signes à Saint-Trond dans le cadre du transfert de Jean-Luc Dompé. Comment on se sent quand on est une simple monnaie d’échange ?

de Sart : D’un côté, j’étais content de partir. Mais, dans ma tête, je voulais être prêté pour mieux rebondir au Standard par après. Avec le recul, je n’ai aucun regret. Le milieu du foot est comme ça. J’y suis préparé. Et les échanges de joueurs sont des choses qui arrivent. Ça ne me choque pas.

Jonas De Roeck ne sera plus l’entraîneur de Saint-Trond la saison prochaine. Si on regarde les chiffres, c’est celui qui t’a donné le plus de temps de jeu.

de Sart : ( Il coupe) Ce n’était pas une énorme surprise non plus. On le sentait. Notamment par rapport à ce qui se passe avec les nouveaux investisseurs japonais, qui sont en train de tout changer. Sinon, j’avais déjà eu pas mal de confiance de la part de Leko, même si je ne jouais pas beaucoup. Finalement, les deux entraîneurs qui m’ont le plus marqué sont quasiment ceux que j’ai le moins côtoyés. Il y a d’abord Muslin, qui m’a intégré pour la première fois dans un noyau pro et qui m’a donné mes premières minutes chez les seniors. Ensuite, il y a eu Bartolomé Marquez ( licencié en août 2017, après deux journées, ndlr), qui m’a vraiment fait confiance. C’est aussi lui qui m’a fait monter d’un cran sur le terrain.

Alexis de Sart :
Alexis de Sart :  » Les deux entraîneurs qui m’ont le plus marqué sont quasi ceux que j’ai le moins côtoyés : Slavo Muslin et Bartolomé Marquez. « © BELGAIMAGE

 » Mon avenir est un peu flou  »

L’année passée, les PO2 étaient un bon moyen pour toi de gratter du temps de jeu. Maintenant que tu es indiscutable, tu arrives à les aborder avec la même motivation ?

de Sart : Totalement. Ça reste des matches de D1. Je ne ressens aucun complexe d’infériorité à jouer des matches de play-offs 2. C’est sûr qu’il y a moins de spectateurs, moins d’engouement, que la télé et les journalistes s’y intéressent moins, mais pour moi, c’est la même chose. J’ai la même attitude dans le vestiaire. En fait, c’est presque mieux. Moi, je prends le match au sérieux. Si l’équipe d’en face ne le fait pas, tant pis pour elle, tant mieux pour moi. L’an dernier, les PO2 ont permis à Stef Peeters et Pieter Gerkens de partir ( respectivement à Caen et Anderlecht, ndlr). Ce n’est pas à prendre à la légère.

Justement, ton nom est cité à Bruges, où tu pourrais retrouver Leko, et à Anderlecht. Et quand des nouveaux repreneurs débarquent, comme c’est le cas avec les Japonais, l’avenir de tout le monde est toujours un peu flou…

de Sart : Ça fait plaisir de voir son nom associé à deux des plus grands clubs de Belgique ( il fait une pause et se sert un verre d’eau). C’est bien pour moi, ça me fait un petit de pub. C’est tout bénef ( il sourit). Mon futur est un peu flou, c’est vrai. Autant par rapport au club que vis-à-vis de ma situation personnelle ( il lui reste un an de contrat, plus un autre en option, ndlr). On attend de voir ce que le club prévoit de faire la saison prochaine. Je laisse mes conseillers s’occuper du reste.

Quand tu as appris l’intérêt d’Anderlecht, où ton père a évolué de 1991 à 1993, comment tu as réagis, en tant que Liégeois et ex-Rouche ?

de Sart : Je ne vais pas dire que ma relation avec le Standard est cassée, mais disons que la façon dont ça s’est terminé, ça a un peu amoindri mes sentiments. Je n’ai pas vraiment eu de lien avec les supporters là-bas, je n’ai jamais fait de déclarations en disant que  » Sclessin, c’est ma vie « . Pour moi, il n’y aurait pas de problème à signer à Anderlecht, même en tant que Liégeois. Je ne serais pas le premier et je ne serais pas le dernier ( il sourit).

 » J’AI LES MÊMES AMIS DEPUIS L’ÉCOLE  »

Le 5 novembre dernier, tu mets un doublé contre Eupen (4-4). Ce sont tes deux premiers buts en pro. Tu les célèbres en mimant un cinq, qui est aussi ton numéro. Tu peux expliquer pourquoi ?

Alexis de Sart : Tout le monde pensait que c’était pour papa, parce qu’il portait ce numéro, mais non ( il sourit). J’ai un ami qui est décédé, il y a presque trois ans. On a joué au Standard et on a fait toutes nos humanités ensemble. Il est parti en vacances avec son père faire de l’alpinisme et il a fait une chute mortelle. Je suis toujours en contact avec ses parents et son frère. Je me suis toujours dit que le premier but que je marquerais, ça serait pour lui. En plus, ce jour-là, ses parents étaient présents… Son rêve était aussi de jouer en D1. Il jouait aux États-Unis, avec le numéro 5. Je le porte pour lui rendre hommage.

Tu as beaucoup de potes dans le milieu du foot ?

de Sart : Pas tant que ça. J’ai gardé les mêmes amis depuis l’école. Il y en a deux qui jouent au foot, mais à un niveau amateur, à Walhain (Grégoire Martin) et à Meux (Gauthier Baudoin). Je sais que quoi qu’il arrive, ils seront toujours là. Je m’entends bien avec tout le monde, mais je n’ai pas vraiment d’amis dans le foot. C’est un monde un peu spécial. Tout le monde peut bouger tous les six mois et donc s’attacher à des gens dans ce milieu, c’est très compliqué.

C’est simplement le fait de ne pas pouvoir s’attacher ou c’est que tu as d’autres centres d’intérêts que tes coéquipiers ?

de Sart : Il y a aussi un peu de ça. Dans un vestiaire, on parle souvent des mêmes choses. Ça me fait du bien de voir des gens qui n’ont rien à voir avec ce milieu et pouvoir parler d’autres sujets.

Comment tu occupes ton temps libre avec ces  » gens  » ?

de Sart : S’il fait beau, on va se balader en ville, à Liège, ou on va boire un verre en terrasse. On se fait aussi des restos. L’important, c’est surtout de parler d’autre chose. Sinon, je n’entends parler que de foot. Pour le moment, on a un délire : les escape games. On vient d’en faire deux ou trois d’affilée. On en a fait un qui se déroulait au Moyen-Âge, où un de nos potes était prisonnier, et un autre où il fallait récupérer un diamant. La première fois, on ne voulait pas prendre le jeu au sérieux. Mais quand on est arrivés dans la pièce, on s’est transformés. On voulait absolument en sortir, le plus vite possible ( il rit).

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