Jacques Sys

Le flux d’argent du Mondial

Jacques Sys Jacques Sys, rédacteur en chef de Sport/Foot Magazine.

Uli Hoeness, l’ancien président du Bayern, est emprisonné à Landsberg, en Bavière, depuis le 2 juin. Il a été condamné à une peine de prison de trois ans et demi pour fraude fiscale mais en fait, jusqu’à présent, Hoeness n’a pas été souvent dans sa cellule de dix mètres carrés et il n’a pas été soumis au régime quotidien, qui impose de se lever à l’aube, à 5h50, et de se coucher à 19h30. Hoeness est à l’infirmerie et il détermine le rythme de ses journées. Il a quand même perdu dix kilos depuis son incarcération.

Il y a deux semaines, Hoeness a été admis dans une clinique privée sise au bord du lac de Starnberg, à cause d’arythmie cardiaque. C’est un endroit résidentiel, réservé à l’élite de la société. Hoeness y a subi une légère intervention chirurgicale avant de réintégrer, très vite, la prison. Ses avocats ont demandé une diminution de peine et il n’est pas exclu qu’à partir de septembre, Hoeness ait la permission de passer la journée en dehors de la prison pour travailler. Nul n’a encore pris possession de son bureau au quartier général du Bayern.

Depuis des années, Uli Hoeness se tracasse au sujet de l’écart financier croissant entre les clubs. Hoeness, qui aurait détourné 27 millions au fisc, a toujours plaidé le réalisme. En 1999, il a décrété qu’il fallait mettre un terme définitif à l’explosion des salaires. Sa mise en garde paraît bien naïve maintenant.

Juste après le Mondial, qu’Hoeness a suivi de sa chambre sur un écran plat, un flux d’argent sans précédent s’est libéré. Barcelone a claqué 90 millions pour enrôler Luis Suarez, bien qu’il soit suspendu quatre mois. Chelsea a dépensé 38 millions pour débaucher Diego Costa de l’Atletico Madrid et le Real a versé plus de 100 millions pour les services de James Rodriguez et Toni Kroos. Le tenant de la Ligue des Champions aurait dépensé quelque 480 millions pour les seize joueurs de son noyau. C’est plus du double du budget des seize clubs de Division Un belge (environ 235 millions).

Le football n’a jamais été un marché aussi intéressant. Sa croissance dans maints domaines est infreinable. Le Bayern a ouvert un bureau de marketing à New York pour se placer encore mieux sur la carte mondiale. Barcelone et le Real vont moderniser leurs temples du football et les commercialiser. Puma paie 36 millions d’euros pour s’associer à Arsenal et Adidas a signé avec Manchester United un contrat qui vaudrait près de 100 millions d’euros par an. Evonik, le sponsor du Borussia Dortmund, a prolongé son contrat avec le club jusqu’en… 2025 et a en sus déboursé 25 millions pour devenir actionnaire du club. Des vedettes telles que Lionel Messi, Cristiano Ronaldo et Neymar gagnent plus de 50 millions par an. La Coupe du Monde a repoussé beaucoup de limites financières. Elle s’est placée en vitrine alors qu’initialement, on redoutait une organisation chaotique et moult manifestations.

C’est dans ce contexte que le championnat de Belgique a repris ses droits le week-end dernier. Avec beaucoup de nervosité, un RC Genk faible, un Gand qui se cherche, un Westerlo surprenant et des grands clubs qui se mettent fébrilement en quête de renforts accessibles, compte tenu de leurs limites financières. En attendant, ils semblent continuer à découvrir leur patrimoine. Vendredi soir, contre le Sporting Charleroi, le Standard a titularisé une jeune équipe. Le Club Bruges a donné sa chance à Nikola Storm et il veut laisser mûrir le talentueux Tuur Dierckx. Anderlecht avait déjà entamé sa cure de rajeunissement la saison passée et dimanche, il a aligné cinq joueurs de moins de 21 ans contre Mouscron-Péruwelz. C’est bien beau et ça ouvre des perspectives mais ce n’est qu’un instantané. Pour aider les jeunes talents à s’épanouir et à poursuivre leur progression, il faut des footballeurs chevronnés, des leaders. Surtout pour ne pas sombrer sur la scène européenne.

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