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Yatabaré : « J’aurais préféré rester au Standard »

Exilé en Allemagne, au Werder Brême, l’ex-Rouche Sambou Yatabaré refoule les prés belges depuis cet été, à l’Antwerp. Entretien.

Il entre dans la salle de presse du Bosuil, le sourire timide, un peu embêté.  » Désolé pour le retard « , s’excuse Sambou Yatabaré, qui a dû aller chercher quelques potes à la gare d’Anvers. On lui pardonne. Pendant près d’une heure, il se découvre lentement, pudique. Dans la vie de tous les jours, l’international malien de 29 ans n’a rien à voir avec le milieu-harceleur qu’il est sur le terrain.  » Disons que je laisse ma gentillesse aux vestiaires « , glisse-t-il, complice.

Sa passion le dépasse, parfois. À Bastia, il se prend le chou avec Julian Palmieri. En sélection, avec l’ancien coach, Patrice Carteron, ce qui l’éloigne un temps des Aigles du Mali. Même Super Zèbre, mascotte du Sporting de Charleroi, s’en est plaint, lors de son passage avec le Standard. Il l’apprend :  » Je lui ai juste mis une petit tape, en passant. C’était pour rigoler, vraiment…  » Parce que derrière la grande gueule, il y a un coeur gros comme ça.

On t’a connu six mois au Standard, jusqu’en janvier 2016, et te revoilà. Comment s’est fait ton retour en Belgique ?

SAMBOU YATABARE : Il y avait des intérêts de plusieurs clubs, notamment de l’Antwerp, mais aussi de Metz et Angers, en Ligue 1. J’avais dit à mon agent ( Moussa Sissoko, qui s’occupe notamment d’Ousmane Dembélé, ndlr) que je ne voulais pas revenir en France. J’ai parlé avec le coach ( László Bölöni, ndlr) et Luciano D’Onofrio. Tout s’est fait par téléphone. Ils étaient prêts à me laisser du temps pour que je me remette à niveau. On n’était pas dans l’urgence et c’est ce qu’il me fallait.

Tu peux être mon meilleur ami, sur le terrain, s’il faut s’insulter, on va s’insulter. Pour moi, ça fait partie du jeu.  » – Sambou Yatabaré

Tu ne voyais pas ça comme un pas en arrière ?

YATABARE : Non. Depuis que j’ai commencé le foot, l’objectif a toujours été de faire le plus de matches possibles. Aller dans un grand championnat, c’est un kif. Je l’ai fait, j’ai kiffé, mais je kiffe autant jouer ici. C’est le plus important. Ici, le jeu me correspond. C’est direct et ça court beaucoup, donc ça me parle. Et puis, c’est à l’étranger que je vis mes meilleurs moments.

Qu’est-ce qui te plaît ici, plus qu’en France ?

YATABARE : Qu’est-ce qui ne me plaît pas en France, surtout… ( il rit) Quand je sors du foot, j’aime bien parler d’autre chose. Quand tu es en France, tout ton entourage ne te parle que de ça. Ici, on évoque que ma famille et mes proches. J’aime bien rentrer chez moi pour parler des choses du quotidien, de la vie normale, en fait. Alors que quand je suis en France à plein temps, je n’arrive pas à avoir cette coupure que j’ai eu à l’étranger, que ce soit en Allemagne, en Grèce ou en Belgique. Et peut-être, aussi, que j’ai besoin d’être loin de chez moi pour performer.

 » Je n’aime pas la routine  »

C’est une question de mentalité ou d’entourage ?

YATABARE : De mentalité. J’ai peut-être besoin d’un environnement différent de celui dans lequel j’ai grandi. Dès que je me sens étranger, je me sens bien. J’aime bien découvrir de nouvelles choses. J’ai joué pendant très longtemps en France. Je sais comment les gens pensent et réfléchissent. Je sais ce qu’ils veulent. Je n’aime juste pas m’installer dans une routine.

Angers et Metz te voulaient aussi. Tu as définitivement tiré une croix sur l’Hexagone ?

YATABARE : Non, mais ma situation a fait mon choix. J’avais besoin de revenir progressivement. Au Werder, je n’ai pas joué pendant plus de huit mois. J’avais dit à mon agent que je préférais être dans un endroit où les gens ne me connaissaient pas trop. En France, tout le monde me connaît et les attentes n’auraient pas été les mêmes. Ils auraient voulu que je sois prêt de suite. En plus, Metz et Angers étaient déjà en difficulté. L’Antwerp, c’était un club qui venait de monter, où chacun, au club, avait quelque chose à prouver, mais sans pression. L’attente n’était clairement pas la même.

Tu restes quand même attaché à ton pays. Enfin, surtout à ton quartier, à Beauvais, dans la région parisienne, où tu tiens un bar à chicha…

YATABARE : Ce n’est plus une chicha, on a changé ( il sourit). Maintenant, c’est un restaurant, un peu  » pub  » dans le délire. Je tiens ça avec mon petit frère, Hussein. Il s’occupe de tout. Au départ, on cherchait surtout un truc à faire, un peu à la mode, pour les jeunes. C’était la période où la chicha était bien en vogue, il y a cinq ans. Il y a un an et demi, on a changé le concept pour devenir un lunch-restaurant.

Sambou Yatabaré :
Sambou Yatabaré :  » Au moment de l’offre du Werder, je me suis dit que le Standard allait en faire une à son tour, pour que je reste. Je n’ai rien eu. Ça m’a un peu vexé… « © BELGAIMAGE

Tenir une chicha quand on est footballeur pro, c’est assez contradictoire. C’était quoi le concept ?

YATABARE : Une chicha classique. C’était surtout pour avoir un endroit où retrouver ses potes et regarder des matches de foot. Moi, je n’y étais pas souvent. On organisait aussi des soirées le week-end mais ce n’était pas non plus la folie, ça fermait à deux heures. Ça s’appelait Le Diamant noir.

Quand tu débarques à l’Antwerp, on te dit qu’en raison du nombre de blessés, tu vas jouer en défense, arrière droit. Ce n’était pas la première fois que tu vivais ça…

YATABARE : J’ai connu ça en arrivant à Caen ( en 2007, ndlr). On m’a dit que j’avais un profil pour jouer derrière. Pour le premier match amical de la préparation, je suis titulaire en défense centrale. Sauf que, très vite, l’entraîneur me dit :  » Monte un peu plus haut, mets-toi en 6 « . À la mi-temps, il me dit :  » Bon, monte encore un peu, tu vas jouer en 10 « . Finalement, je montais tellement que j’ai terminé le match attaquant. J’ai tout fait ( rires). Du coup, quand j’ai signé pro, j’étais attaquant. J’ai dû faire trois ans comme ça.

Si je pouvais faire ce que Zidane fait, je le ferais. Mais bon, je sais plutôt courir, alors je cours…  » – Sambou Yatabaré

 » À l’Antwerp, je me bats pour faire partie d’un projet  »

L’Antwerp et le Standard, deux clubs historiques, se ressemblent sur pas mal d’aspects. Avec ton vécu, c’est quoi la différence entre les deux ?

YATABARE : Personnellement, la grosse différence, c’est qu’au Standard, j’étais prêté et je savais qu’il n’y avait pas d’option. Ici, il y en a une et je me bats pour faire partie du projet. Tu le vis forcément différemment, tu vois un peu plus loin. Au Standard, je me disais que je n’avais qu’un laps de temps assez court pour réaliser pas mal d’objectifs.

Tu n’es resté que six mois et pourtant, tu as pas mal marqué les Rouches. C’est comme si tu étais le visage d’un Standard qui faisait encore peur, à l’époque.

YATABARE : Quand je suis arrivé au Standard ( le 31 août 2015, ndlr), on était censés jouer le haut du tableau mais le club était dernier. C’était difficile pour tout le monde. Les supporters n’étaient pas contents, les joueurs étaient abattus. Ce qui était bien, c’est que j’arrivais en même temps que Yannick Ferrera. Quand un coach arrive, tout le monde est un petit peu nouveau. Et puis, ce qui m’a le plus marqué, c’est l’état d’esprit qu’on a eu pour aller chercher des points rapidement.

Pourquoi partir au bout de six mois ?

YATABARE : Je n’appartenais pas au Standard. Et je ne voulais plus retourner à l’Olympiacos. Au moment de l’offre du Werder, je me suis dit que le Standard allait peut-être en faire une à son tour, pour me faire rester. J’ai été mis au courant de l’intérêt du Werder début janvier. Avec mon agent, on s’est dit qu’on allait prendre un mois pour réfléchir et surtout, attendre la proposition du Standard. On ne l’a jamais eue.

Tu ne t’es pas senti désiré ?

YATABARE : C’est ça. Sur le coup, ça m’a même un peu vexé. Tout se passait bien, il ne manquait plus que je signe. Alors autant aller jouer pour un club qui me voulait vraiment. C’est comme si tu te fixais des objectifs et que tu ne pouvais pas les atteindre. Je n’en veux pas spécialement au club, mais c’était frustrant. J’aurais préféré rester au Standard plutôt que d’aller au Werder. Au final, tu te dis que tu ne contrôles pas grand-chose. Maintenant, c’est terminé, c’est de l’histoire ancienne.

Ce qui plaisait à Sclessin, c’était ton style de jeu plutôt  » dur sur l’homme « …

YATABARE : Les étiquettes, ce n’est pas pour moi. Si je pouvais faire ce que Zidane fait, je le ferais. Mais bon, je sais plutôt courir, alors je cours ( il sourit).

 » À la base, je suis un joueur de rue  »

Quand tu regardes tes matches aujourd’hui, tu vois le joueur que tu voulais voir quand tu étais gosse ?

YATABARE : ( Il hésite) Pas vraiment… Mon idole, c’était Zidane. De toute façon, quand on est petit, on se voit plutôt comme des dribbleurs ou des buteurs. Je voulais mettre des roulettes, des grosses frappes… J’ai toujours aimé les milieux de terrain, qu’ils soient offensifs ou défensifs : Claude Makelele, Patrick Vieira, Zinédine Zidane ou Mesut Özil, plus récemment. À la base, je suis un joueur de street et c’est en jouant au milieu que je retrouve le plus ce que je faisais dans la rue.

C’est justement dans la rue qu’on t’a repéré. C’est de là que te vient ton trashtalk ? Par exemple, tu avais adressé quelques mots doux à Steven Defour lors d’un Clasico.

YATABARE : C’est possible… ( il sourit) Dans mon quartier, à Beauvais, on faisait beaucoup de matches, génération contre génération. Ça chauffait toujours ( il rit). On parlait plus qu’on jouait. C’est resté. Tu peux être mon meilleur ami, sur le terrain, s’il faut s’insulter, on va s’insulter. Pour moi, ça fait partie du jeu. C’est comme pour les attaquants. S’ils tombent dans la surface, que l’arbitre siffle, qu’ils marquent leur penalty : tant mieux. Moi, si j’arrive à faire sortir mon adversaire de son match, j’ai gagné. Mais ce n’est jamais très méchant. D’ailleurs, on me dit  » dur sur l’homme  » mais je n’ai jamais blessé quelqu’un.

Par Nicolas Taiana

Yatabaré :
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 » J’ÉTAIS CHOQUÉ DE VOIR UNE ARME BRAQUÉE SUR MOI « 

Depuis le 28 juin dernier, tu es cité dans une affaire assez particulière… Tu nous expliques ?

SAMBOU YATABARE : J’allais prendre l’avion pour Nice, avec ma femme et ma fille. En circulant entre les terminaux de l’aéroport, j’ai coupé la route à quelqu’un. Ce monsieur s’excite, se met à côté de ma voiture, me fait des grands gestes et finit par me coller. Moi, je lui fais comprendre que l’histoire est déjà terminée… Mais quand on rentre dans le parking de l’aéroport, je m’arrête parce qu’il est toujours derrière moi. À ce moment-là, il descend vite de sa voiture et me braque avec une arme.

C’était un policier en civil.

YATABARE : Moi, j’étais en panique, je ne disais plus rien. Mais à côté, il y a ma femme qui est en pleurs et qui crie :  » Qu’est-ce que tu fais ? Pose ton arme !  » Elle lui dit que notre fille est derrière, qu’il ne s’est rien passé de grave, qu’on lui a juste coupé la route…

Tu n’as pas réagi tout de suite ?

YATABARE : Non. J’étais choqué de voir cette arme en face de moi. Puis, ma femme est sortie et moi aussi. Lui, il était parti poser son arme. Quand je dis à ma femme de remonter dans la voiture, il revient en courant. Il me dit :  » Alors, tu fais encore le malin ? « , en voulant me mettre un coup. Moi, je vois ma femme, ma fille… ( il souffle) Et je lui mets un coup de poing. Il est tombé. J’ai eu la chance qu’il y ait eu un témoin, quelqu’un qui travaille à l’aéroport et qui a vu la scène.

À aucun moment cet homme ne t’a dit qu’il était de la police ?

YATABARE : Non, jamais. On est parti pour Nice. Mais je n’étais pas tranquille, alors le lendemain, je suis remonté à Paris. On parle quand même de quelqu’un qui a une arme, on ne sait pas ce qui peut arriver. Mes proches m’avaient conseillé d’aller porter plainte. C’est ce que j’ai fait. Deux jours plus tard, la police vient me chercher, chez moi, et me met en garde à vue.

Elle dure 48 heures, tandis que le policier en question subit un arrêt de travail de 21 jours. Comment tu as vécu la garde à vue ?

YATABARE :C’est une garde à vue… Il y a des auditions, et puis, tu attends, beaucoup. Au départ, j’étais serein parce que je me disais que les caméras de surveillance allaient pouvoir me blanchir. Le problème, c’est qu’on m’a dit qu’il y avait deux caméras mais que l’une d’elles ne marchait pas. La seule image qu’ils ont retrouvée, c’est quand je rentre dans le parking, en voiture… Heureusement qu’il y avait un témoin.

Tu n’as pas eu peur, ensuite, de l’impact que cela pouvait avoir sur ton image ?

YATABARE : J’avais surtout peur que ça aille trop loin, sur le moment. Après, l’image que ça véhicule dans les médias, ce n’est vraiment pas très grave. L’important, c’était surtout de protéger ma famille.

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