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 » JE SAIS QU’ON NE PEUT PAS PLAIRE À TOUT LE MONDE « 

Par la magie du mercato, le remplaçant d’Anderlecht est devenu la star de Charleroi. Mis en valeur par son nouveau Sporting, Hamdi Harbaoui est dans son élément. Le Tunisien raconte ses buts retrouvés, et ses six mois perdus entre Udine et Neerpede. Rencontre entre erreurs de défenseurs et erreurs de casting.

Une bague tape-à-l’oeil au doigt, une montre massive au poignet, et des cheveux qui brillent d’être si impeccablement coiffés. Dans la vie, Hamdi Harbaoui est comme sur le terrain : impossible de faire comme s’il n’était pas là, la personnalité est trop envahissante pour ça. L’homme déborde de cette confiance en lui qui anime ceux qui règnent sur les rectangles.

Débarqué depuis un mois à Charleroi, le Tunisien est devenu la nouvelle arme des Zèbres dans la course aux play-offs 1. Un mariage de raison qui commence à saisir les coeurs carolos, puisque l’inévitable Hamdi a déjà planté deux fois en quatre matches. On est un buteur ou on ne l’est pas.

Tu as débarqué ici avec un statut particulier, et évidemment avec la pression qui l’accompagne. Ce n’est pas difficile à gérer ?

HAMDI HARBAOUI : J’ai toujours vécu avec ça. Quand on est un attaquant, et qu’on a cette étiquette de buteur, il faut savoir l’assumer. Bien sûr, la pression est présente, mais elle ne doit pas t’amener à changer ta façon de travailler, ou ta vision des choses. Maintenant, j’ai l’habitude, en fait. Je dirais même que ça m’aide beaucoup, parce que j’essaie de montrer que je suis toujours en forme, toujours capable de marquer.

Ça te plaît de générer autant d’attentes ?

HARBAOUI : Je sais que souvent, j’énerve l’adversaire. Je suis attendu par les défenseurs, et ils m’obligent à ne pas arriver sur le terrain en étant nonchalant, ou en me disant que je suis le plus fort. Avec l’expérience, tu te rends vite compte que si tu n’es pas à 100 %, les autres vont t’avoir. Il faut se mettre dans la tête que les gens se préparent toujours pour toi. Qu’ils seront méchants avec toi. Donc, il faut toujours être attentif, être présent.

Marquer des buts, ça a toujours été naturel ?

HARBAOUI : Je suis toujours attiré par le but. Et pour continuer à marquer, j’essaie toujours de ne pas faire les mêmes gestes que la semaine précédente. Souvent, je regarde les actions où j’aurais pu marquer, et je me dis qu’il ne faut plus que je tente de la même manière. Parce que comme je l’ai dit, les gens se préparent, donc tu dois être capable de varier.

On dit que les buteurs sont des joueurs plus instinctifs que réfléchis, pourtant.

HARBAOUI : J’essaie toujours de réfléchir en jouant. Je regarde l’adversaire, je me positionne en fonction de lui, et j’imagine des choses. Parfois, j’imagine des erreurs de sa part. J’essaie de trouver la faille, je tente toujours d’être créatif. Il y a des jours où le ballon tombe devant toi, et tu n’as qu’à le pousser au fond. Mais des fois, cette chance n’est pas là et si tu veux marquer quand même, tu dois un peu plus te casser la tête.

En fait, tu fais sans arrêt des paris sur le terrain. Tu dois imaginer les choses avant qu’elles n’arrivent pour devancer ton défenseur.

HARBAOUI : Avant tout, il faut connaître ses coéquipiers. Tu dois lire dans leurs pensées, imaginer où ils vont mettre la balle. Là, les automatismes sont importants, parce qu’à force de jouer avec certains joueurs, tu sais comment ils centrent. Et puis, quand il y a une action qui part sur un côté, tu dois toujours faire l’effort, même si le ballon n’a peut-être que 50 % de chances d’arriver. Il y a une part de chance, évidemment, mais il faut aussi de la volonté. Tu as besoin des deux.

 » JE NE SUIS PAS UN PARESSEUX  »

Par rapport au Harbaoui qu’on a connu à Lokeren, tu as un rôle plus important dans le jeu ici ?

HARBAOUI : J’essaie toujours de m’adapter au schéma tactique de l’équipe. C’est sûr qu’à Lokeren, toute l’équipe jouait pour moi. Elle faisait le travail, et je n’avais qu’à finir les actions. Au début, Peter Maes me demandait de défendre beaucoup plus, mais par après il a compris que j’avais plus d’importance devant s’il me laissait économiser de l’énergie pour marquer. Dans ma carrière, j’ai souvent joué en pointe, et on m’a rarement demandé de revenir défendre, ou de descendre sur un côté. Mais là, dans le 3-5-2 de Charleroi, il faut un peu plus de mouvements et de mobilité.

C’était difficile à faire accepter à tes équipiers, ce droit de défendre moins que les autres ? Ça n’a pas créé de tensions dans le vestiaire à Lokeren ?

HARBAOUI : Franchement, je n’ai jamais eu de problème à ce niveau-là. Mes équipiers savent comment je suis, ils me voient sur le terrain. Je suis un combattant qui ne lâche rien, je peux mourir pour chaque balle. Peut-être que je ne défendais pas beaucoup dans le jeu, mais j’étais toujours là sur les phases arrêtées. Je ne suis pas un paresseux, j’applique seulement les consignes du coach.

Quand on te considère comme un attaquant à l’ancienne, qui  » campe  » un peu devant, tu trouves ça injuste ?

HARBAOUI : Je n’ai pas le profil de Vossen ou de Perbet. Peut-être parce que je suis plus grand, plus fort physiquement. Je vais plus au duel qu’eux, et ils courent un peu plus que moi. Je ne vais pas me comparer à Zlatan Ibrahimovic, parce que c’est un très grand joueur, mais on ne le voit pas souvent descendre très bas. C’est quelqu’un qui garde la balle, qui utilise sa force dans la surface. Il ne va pas commencer à aller faire des efforts sur les côtés alors qu’on sait que sa qualité, c’est la puissance devant.

Zlatan, c’est le genre d’attaquant qui a un grand pouvoir psychologique sur les défenseurs qu’il affronte. Tu sens parfois cette crainte chez ton adversaire, en match ?

HARBAOUI : Oui, je le sens. Et il faut en profiter, parce que quelqu’un qui te craint va chercher des fautes, être perturbé dans ses décisions. Il faut jouer là-dessus.

L’année passée, quand tu es venu ici avec Lokeren, Charleroi te craignait…

HARBAOUI : (Il se marre) On m’en a encore parlé il y a quelques jours, de ce match. Ils m’ont expliqué que juste avant le match, ils se disaient qu’il ne fallait pas me laisser d’espace. Et là, je mets deux goals en trois minutes.

C’est le genre de match où, finalement, tu rentres sur le terrain en te préparant à une soirée difficile, mais ça devient plus facile que prévu ?

HARBAOUI : Il y a des matches comme ça où, quand Dieu te donne la chance de marquer dès le départ, tu te dis que ce serait malheureux d’en rester là. Quand tu te sens en super forme et que l’équipe va avec, il faut battre le fer tant qu’il est chaud. Parce que tu sais très bien que si tu arrives à marquer deux ou trois buts, ça compensera les matches où tu ne marques pas. Quand c’est le bon jour, il faut en profiter.

Surtout qu’une semaine après un doublé ou un triplé, tu es généralement bien reçu.

HARBAOUI : Il faut toujours redescendre de ton nuage après un match pareil. Quand je marque, et après une victoire, je savoure le soir même, mais dès le lendemain la page est déjà tournée. Comme je te l’ai dit, les gens se préparent pour toi. Ne rentre pas sur le terrain avec la confiance, parce qu’ils vont te casser la gueule (il rit).

 » À ANDERLECHT, JE SUIS RESTÉ PROFESSIONNEL JUSQU’AU DERNIER JOUR  »

Tu as 32 ans, tu as été meilleur buteur du championnat…

HARBAOUI : (Il coupe) J’ai gagné deux Coupes de Belgique.

Qu’est-ce qui t’anime encore? Tu as l’impression d’avoir encore quelque chose à prouver ? Tu es un peu revanchard, après les expériences d’Udine et d’Anderlecht ?

HARBAOUI : J’ai la chance d’avoir toujours un objectif, toujours une revanche à prendre. Parce qu’avancer sans objectif, c’est tellement plus difficile… J’ai cette envie de montrer que je suis toujours là. Finalement, cette saison m’a donné de nouveaux objectifs par accident, donc c’est très bien.

Tu es encore frustré par ton début de saison ?

HARBAOUI : Non, parce que j’ai toujours assumé mes choix. À l’Udinese, après deux mois, j’ai vu que l’entraîneur ne comptait pas sur moi. Si j’avais eu 20 ou 25 ans, j’aurais encore attendu, parce que j’ai parlé avec des joueurs qui étaient là avant moi et qui m’ont expliqué qu’en Italie, il fallait beaucoup de patience. Parce que les joueurs qui arrivent d’autres championnats sont toujours négligés, jusqu’à ce qu’ils prouvent qu’ils ont leur place. Ça, c’est le Calcio. Mais moi, j’avais 31 ans, ce n’était pas possible pour moi de patienter, ça allait être la fin de ma carrière.

Et donc, tu choisis d’aller à Anderlecht.

HARBAOUI : Là, ça ne s’est pas passé comme je l’aurais souhaité. Mais ce n’est pas grave, ça arrive dans le foot. Ce n’étaient que six mois de perdus, ce n’est pas trop. Là, j’essaie de rattraper ce temps perdu, de continuer à jouer et à marquer, parce que c’est ça qui me fait durer dans le football. Moi, je ne me satisfais jamais d’avoir un contrat et de rester sur le banc, ou dans les tribunes.

Tu as l’impression que Charleroi t’a redonné les cartes en mains ?

HARBAOUI : Mais oui ! Ici, on m’a fait confiance directement. On connaît mes qualités, ma valeur, et ce que je peux apporter à l’équipe. Ailleurs, les clubs ont fait des choix… Des choix que je respecte, mais je pense aussi à ma carrière.

Le traitement qu’on t’a réservé à Anderlecht, ça t’a touché ?

HARBAOUI : Quand je suis sorti à la mi-temps contre Westerlo, j’avais compris. Cette semaine-là, j’avais marqué deux buts : je rentre vingt minutes contre Genk et je marque, puis je joue en Coupe contre Louvain et je suis le seul à marquer. Après, il y avait une pression des médias sur l’entraîneur pour qu’il joue avec Harbaoui et Teodorczyk. On commence contre Westerlo à deux devant, on ne marque pas, et il me fait sortir. J’étais le seul à être sorti, parce qu’il a estimé qu’on ne courait pas. Moi, je n’étais pas d’accord avec lui, ce n’était pas ça le problème. S’il avait été un peu patient, je pense qu’on aurait marqué parce que tous les deux, on pesait quand même sur la défense adverse. J’ai toujours senti que je n’ai jamais vraiment eu cette confiance de l’entraîneur. Lui, il ne voulait absolument pas changer son équipe. J’étais de plus en plus étonné du peu de temps de jeu qu’il m’offrait.

Tu veux dire que pour toi, c’est plus la presse que Weiler qui te met sur le terrain contre Westerlo ?

HARBAOUI : Mais oui, c’est sûr. C’était plus fort que lui, il avait la pression de tout le monde. Il a essayé, mais il n’a pas été patient. Moi, j’estimais qu’Anderlecht était une équipe très offensive, qui doit toujours jouer vers l’avant. C’était son choix, et je l’ai accepté. Je n’étais pas frustré, au contraire, j’étais peut-être même trop relax. J’étais surtout étonné après le match d’Ostende parce qu’il reste peu de temps quand je rentre, on est mené 0-1 à domicile et en cinq minutes, je ramène un penalty de nulle part. Je pars en équipe nationale, je reviens, puis je ne joue plus. Je me retrouve même dans les tribunes contre le Standard.

Et c’est Deschacht qui finit le match en pointe.

HARBAOUI : Il y a des entraîneurs qui ont des couilles, qui ont du caractère, et d’autres qui n’en ont pas. Et voilà, c’est tout. Weiler, par rapport à moi, il n’avait pas de couilles, ça je le dis. Je n’ai pas apprécié sa manière d’être, parce que moi j’ai toujours été un homme avec les gens. J’ai toujours été correct. Je n’ai pas parlé sur lui comme il l’a fait dans la presse. C’est sa façon d’être, et moi j’en ai une autre. Mais bon, j’ai respecté ses choix, j’ai continué à m’entraîner, j’ai aidé l’équipe réserve à gagner des matches… Je suis resté professionnel jusqu’au dernier jour, ça tout Anderlecht peut vous le dire. Et je n’ai aucune rancune. Je sais qu’on ne peut pas plaire à tout le monde.

Tu préfères que le coach te dise les choses en face, même si ce n’est pas toujours agréable ?

HARBAOUI : Oui ! Ici, Felice Mazzù m’explique, il me parle ! Quand je suis arrivé, dès mon deuxième jour, il m’a dit : Tu as ton statut, ton CV, mais si je vois que tu ne te donnes pas assez, tu ne joueras pas. J’ai apprécié ça ! C’est ce que je veux d’un entraîneur, comme Mazzù ou comme Peter Maes. Des gens qui sont cash, qui n’ont pas peur de te dire si tu ne vas pas jouer. Mazzù m’a impressionné par sa franchise. Il va droit au but, et j’aime ça.

PAR GUILLAUME GAUTIER – PHOTOS BELGAIMAGE – CHRISTOPHE KETELS

 » Il y a des entraîneurs qui ont des couilles, et d’autres qui n’en ont pas. Weiler, par rapport à moi, il n’avait pas de couilles.  » – HAMDI HARBAOUI

 » Je sais que souvent, j’énerve l’adversaire.  » – HAMDI HARBAOUI

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