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Van Buyten : « Wilmots pense que je peux apporter quelque chose à la Fédé

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Big Dan s’ouvre sur son nouveau job, les critiques, les tensions au Standard, … « On n’avait plus rien gagné ici depuis combien de temps ? »

Daniel Van Buyten est rentré de Munich depuis quelques heures quand il passe à table pour une longue confession sur sa vie pas si simple. La discussion commence logiquement sur le thème du gros week-end qu’il a savouré en Bavière. Le Bayern y a fêté son 26e titre, Big Dan a participé à la fiesta en acteur privilégié. Il nous montre, sur son smartphone, une photo où il est hilare en compagnie de Pep Guardiola et Luca Toni.

« C’était le top du top, cette fête. Grandiose. A l’image du Bayern. Ils avaient invité plein d’anciens joueurs, au moins un par titre de champion. Pour chaque saison qui s’est terminée par un titre, ils avaient désigné un porte-drapeau. J’étais celui de 2013, l’année la plus prestigieuse de l’histoire du Bayern. On avait tout gagné, dont la Ligue des Champions et la Coupe du Monde des clubs. »

C’est comme ça qu’il a passé deux jours en compagnie de Franz Beckenbauer, Uli Hoeness, Karl-Heinz Rummenigge, Michael Ballack, Roy Makaay, Giovane Elber, Luca Toni et d’autres. « On est tous montés sur la pelouse, il y avait des gens de l’Oktoberfest avec leur costume traditionnel et des canons incroyables. Le speaker annonçait le titre de telle année, présentait un joueur symbole de la saison en question, puis un coup de canon était tiré. »

Il y a clairement de la nostalgie dans le discours. « Guardiola n’a pas réussi à faire gagner la Ligue des Champions au Bayern mais il a été champion trois fois, et le titre de cette année est le quatrième d’affilée. Dans un speech, le président a insisté là-dessus : -Quatre titres consécutifs, ce n’était jamais arrivé dans l’histoire de la Bundesliga. Quatre titres en quatre ans, ce n’est… pas normal. Il faut que les gens s’en rendent compte. »

Il a discuté de sa nouvelle vie de dirigeant avec Hoeness, Rummenigge, Guardiola et le responsable du recrutement. « Je leur ai posé pas mal de questions, je voulais des conseils. J’ai demandé à Hoeness comment il s’y était pris quand il s’est lancé dans ce métier. Sa réponse a été tranchante : -Tu dois bosser et bien t’entourer. L’entourage, c’est primordial. »

« LE FOOT DE HAUT NIVEAU N’EST PAS FAIT POUR LE CORPS HUMAIN »

Depuis sa retraite, il y a deux ans, le Bayern a régulièrement rencontré des soucis d’axe défensif. Et on ne parle pas, chez les Diables, des multiples indisponibilités et/ou périodes de méforme de Vincent Kompany, Thomas Vermaelen ou Nicolas Lombaerts. L’EURO en France, Van Buyten aurait peut-être pu y être. Ou pas ?

DANIEL VAN BUYTEN : Tu me demandes maintenant si j’ai envie de jouer ? Je réponds oui direct ! Je suis allé voir un entraînement du Bayern, j’avais des fourmis dans les jambes. J’en ai parlé avec Guardiola, il m’a dit : -Moi, ça ne me dit plus rien du tout. Idem pour Mark van Bommel. C’est drôle, c’est difficile à expliquer, mais je n’arrive pas à dire que je ne suis plus joueur de foot professionnel. C’est une phrase que je n’arrive pas à prononcer. Il y a un blocage psychologique. Dans ma tête, c’est toujours mon métier. Il faudra encore du temps pour que je bascule de l’autre côté. Mais je sais que j’ai pris la bonne décision. Je pourrais citer plusieurs exemples de footballeurs qui ont trop tiré sur la corde, trop longtemps, qui sont allés au bout des possibilités de leur corps et ne s’en remettront jamais. Tu dois savoir, à un moment donné, que tu as encore une vie après le foot. Pour commencer, le foot de haut niveau, ce n’est pas fait pour le corps humain ! J’en connais qui ne sont plus capables de courir. On m’a dit que Gabriel Batistuta ne savait plus faire dix mètres. Ses genoux, c’est la cata. J’en ai discuté plus d’une fois avec Marc Wilmots, il a aussi méchamment trinqué, et il y a eu toutes ses opérations. Parfois, j’ai mal aux chevilles. Quand je me lève, c’est parfois un peu rouillé. Le dos… rien à faire. Je fais près de deux mètres et cent kilos. Quand un petit de soixante-cinq kilos stoppait net puis partait dans une autre direction, quand je devais le suivre, ça m’usait plus qu’un défenseur de petit gabarit. Oui, j’aurais sans doute pu continuer, encore une ou deux saisons. S’il n’y a pas de crash, c’est bien, nickel. Mais qui pouvait me garantir que ça allait bien se passer si je prolongeais ? Est-ce que ma vie aurait changé si j’avais gagné un peu plus d’argent ? Si j’avais continué et si je m’étais fait les croisés, il se serait passé quoi, derrière ? Je pense parfois à tout ça et je me dis que j’ai pris la meilleure décision.

« WILMOTS PENSE QUE JE PEUX APPORTER QUELQUE CHOSE À LA FÉDÉ »

L’engouement qu’il y a aujourd’hui, ce qu’on attend des Diables à l’EURO, le fait qu’il y a clairement une place à prendre en défense centrale, ça ne te fait même pas changer d’avis ?

VAN BUYTEN : Si on te dit que tu peux gagner le gros lot à l’Euromillions dans deux ans, mais que pendant toute cette période-là, tu dois jouer mille euros par semaine, tu vas le faire ? Tu vas prendre le risque ? C’est facile de parler après, quand on sait comment ça s’est fini. Maintenant, c’est clair que je me dis que ça aurait été chouette de terminer sur cet EURO.

Marc Wilmots t’a proposé de travailler pour lui… donc tu aurais pu y être dans un autre rôle !

VAN BUYTEN : Peut-être que j’y serai. J’en ai envie. C’est tout près d’ici, je connais bien le pays, je prévois que si ça se termine vite pour l’équipe de France, leur public pourrait se mettre à supporter les Belges. J’ai reçu pas mal de propositions pour travailler avec un média, il y a notamment la ZDF et beIN Sports. Je réfléchis.

Je reviens à cette offre de Marc Wilmots… Il n’en a jamais parlé publiquement, toi non plus…

VAN BUYTEN : Pour tout t’avouer, l’offre tient toujours ! Il m’a dit : -C’est quand tu veux, tiens-moi au courant si tu es intéressé. Il sait quel genre de mec je suis, il pense que je peux apporter quelque chose à la Fédération.

Il t’a d’abord proposé d’entraîner une sélection de jeunes, c’est bien ça ?

VAN BUYTEN : Il m’a proposé d’entraîner les Espoirs. J’étais son premier choix. Je me vois bien dans le métier d’entraîneur, mais pas maintenant. Je ne suis pas encore prêt.

« LA CRITIQUE, JE CONNAIS, JE SUIS RODÉ »

On a un peu tapé sur Enzo Scifo quand il a repris les U21, mais en général, c’est un boulot très tranquille par rapport à ce que tu vis au Standard…

VAN BUYTEN : Je suis dans un autre projet, c’est un choix…

Ces derniers temps, tu en prends plein la gueule !

VAN BUYTEN : Exact ! (Il grimace). La critique, je l’ai déjà connue, et bien connue, quand j’étais joueur. Pendant quinze ans. Je suis rodé. Ça ne me dérange pas trop de l’avoir maintenant comme dirigeant. Mais, aujourd’hui comme hier, ça me dérange très fort quand les attaques ne sont pas justifiées. Quand elles sont juste destinées à faire mal.

Pendant plusieurs mois, tu as refusé toutes les demandes d’interview. Tu ne crois pas que ça s’est retourné contre toi ? Erreur de communication ?

VAN BUYTEN : Je ne sais pas. Les gens ont envie d’avoir des infos. Moi, je suis resté en retrait et ça m’a notamment permis de voir qui leur en donnait ! Je vais pouvoir réagir par rapport à ça. Je ne pense pas que j’aurais dû m’exprimer beaucoup plus pendant la saison. Je ne suis pas le directeur sportif du Standard. Je ne suis pas l’entraîneur du Standard. Je suis un membre du conseil d’administration. Bruno Venanzi m’a fait venir pour une seule raison : je dois le conseiller. Je lui ai fait le topo de ce que je voyais dans le club, j’ai pointé des choses qui allaient bien et des choses qui n’allaient pas. Je sais qu’il est à fond derrière moi. On a tracé une ligne. Une seule, pas trente-six. Ceux qui ne voudront pas la suivre… on verra la suite. Tu ne peux pas toujours être d’accord avec tout le monde et il y a des moments où tu dois faire des choix.

Ton salaire a fait jaser. Un demi-million par an pour un conseiller, c’est énorme. On est dans le championnat de Belgique, pas en Bundesliga.

VAN BUYTEN : Déjà, le chiffre n’est pas le bon. Je ne sais pas qui l’a donné à la presse. Ce n’est pas très classe.

« JE PRÉFÈRE ME PLANTER AVEC MES IDÉES QU’ESSAYER QUELQUE CHOSE AVEC CELLES DES AUTRES »

Pendant toute la saison, on s’est demandé qui faisait quoi au Standard. Il y a tellement de décideurs : Bruno Venanzi, Bob Claes, Olivier Renard, toi, il y avait Axel Lawarée, on citait aussi l’influence de Christophe Henrotay…

VAN BUYTEN : Déjà, dans les grands clubs, il y a encore plus de monde pour décider. Tu me parles de Christophe Henrotay : c’est un ami, c’est un ami du président mais ça ne va pas plus loin, ce n’est sûrement pas le seul agent qui a des joueurs au Standard. Et s’il y en a bien un qui arrive à scinder amitié et boulot, c’est moi !

Ne me dis pas que vous êtes toujours, tous, sur la même longueur d’onde. On sent des tensions, des frictions, des divergences d’opinions sur certains dossiers.

VAN BUYTEN : A chacun ses responsabilités. Le président m’a fait venir pour que je prenne des décisions sportives. Parfois, je ne suis pas d’accord avec d’autres personnes, je fais mes choix et je les assume.

Tu n’es pas toujours du même avis que Bob Claes et le courant ne passait pas avec Axel Lawarée. Deux hommes de la période Roland Duchâtelet : un hasard ?

VAN BUYTEN : C’est difficile de répondre à ça. Je peux juste te dire ceci… Le Standard n’avait plus rien gagné depuis combien d’années ? A un moment, tu dois te dire que le bât blesse quelque part. J’ai signé mon contrat quand l’équipe était tout dans le fond du classement, ce n’était pas top. J’aurais pu aller travailler dans un club plus stable. J’ai préféré un club de coeur, je me suis dit que c’était un vrai challenge. Et j’ai moi-même décidé certaines choses, c’est normal. Je préfère me planter avec mes idées qu’essayer quelque chose avec celles des autres. J’ai pris Olivier Renard parce que je suis convaincu de ses qualités. C’est bien d’avoir son avis en plus de ceux qu’on avait déjà. Il faut être bien conscient que le top de ce club est très jeune avec un président qui débute dans la fonction, même chose pour Lawarée et Claes, idem pour moi, on peut aussi étendre le raisonnement à Yannick Ferrera. Je ne dis pas qu’on est tous des novices, mais quand même…

Je sais que tu vas me répondre le contraire, mais on entend quand même que ta relation avec Olivier Renard n’est plus aussi cordiale qu’au début.

VAN BUYTEN : Alors ça, ça me fait vraiment rire. On s’appelle presque tous les jours. On est hyper proches. Nos familles s’entendent super bien. Dire que Van Buyten a un problème avec Renard, ou l’inverse, c’est n’importe quoi. Je sais ce qu’il vaut, les gens de Malines le savaient aussi, il n’y avait pas une critique sur son boulot. Si les dirigeants se sont battus pour le garder, ça veut tout dire. Tu as vu le nombre de bons transferts qu’il a faits là-bas en un minimum de temps ? Il a un bon oeil ! Des fois, je le charrie : -Putain, t’étais pourtant gardien… J’avais une confiance totale en lui quand je lui ai proposé le poste. Idem avec Thierry Verjans pour s’occuper de l’Académie. Si Anderlecht tenait autant à le conserver, là aussi ça veut dire quelque chose. Avec Renard et Verjans, j’ai deux pièces maîtresses à des postes clés, pour me rendre des comptes et me permettre de prendre des bonnes décisions.

« YANNICK FERRERA A PU AVOIR L’IMPRESSION QUE JE M’ÉLOIGNAIS DE LUI »

Tu as toujours la même confiance en Yannick Ferrera ?

VAN BUYTEN : Il a pu avoir l’impression que je m’éloignais un peu de lui. Je t’explique. Au début, on a passé énormément de temps ensemble. Il y avait urgence, le Standard était dernier, il fallait remonter le plus vite possible. Ça s’est fait progressivement. Puis, en hiver, on m’a dit : -N’oublie pas le problème des désaffiliations qui nous pendent encore au nez, essaie de t’en occuper sans tarder. Donc, vu que l’équipe Première allait mieux, j’ai commencé à passer beaucoup de temps à l’Académie. Je n’avais pas le choix, je devais délaisser un peu le staff pro. Les journées n’ont que 24 heures. Si on compte les nuits… Quand j’ai passé une quinzaine d’heures au club, j’ai envie de rentrer un peu chez moi. J’ai une famille, aussi.

Tu as vraiment envisagé de démissionner ? C’est une autre rumeur récente ?

VAN BUYTEN : Ça m’a aussi bien fait rire. Peut-être que ça vient à nouveau de certaines personnes qui ont envie d’un peu de lumière. J’ai un contrat de deux ans, j’irai au bout. Après ça, on verra si le Standard est content de moi.

Par Pierre Danvoye

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