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 » VAN BUYTEN ET MOI, ON SE REVERRA, MAIS LÀ C’EST TROP TÔT « 

Pour bien cerner le discours du directeur sportif du Standard, ça peut servir si on connaît la légende de Roméo et Juliette, l’inefficacité des pistolets à eau et le mode de vie des chèvres.

« Le plus frustrant, c’est de terminer à la neuvième place, à dix points des play-offs 1, avec plein de joueurs que des bons clubs aimeraient avoir. Des joueurs pour lesquels il y a des offres. Et pas des offres à 100.000 euros, hein !  »

La pilule ne passe pas. Pourtant, ces infâmes play-offs 2, il va falloir les jouer. Et y montrer quelque chose, de préférence. Olivier Renard nous accueille pour un entretien grande taille et tout en franchise. Pour sûr, les joueurs du Standard auront beaucoup à perdre dans ces matches. Parce que le directeur sportif et son président referont le point dans quelques semaines. Tout le monde sera concerné, c’est clair. Des têtes pourraient à nouveau rouler.

Terminer en tête de la poule, ça veut dire allonger la saison. Les joueurs ont envie de ça ?

OLIVIER RENARD : Leurs vacances ne seront pas plus courtes s’ils vont jusqu’au bout. J’ai connu la même situation à Malines, on était allés jusqu’à la finale des PO2, et là-bas, il y avait un deal : si on arrivait en finale, on recevait plus de jours de congé. Mais de toute façon, c’est un faux problème. Les joueurs du Standard n’ont pas le droit de commencer à faire des calculs pareils. Ici, on ne parle plus de vacances, on ne parle plus d’argent, on ne parle à la limite même plus de foot, on parle de fierté, d’orgueil. Après trois mois bâclés, c’est bien la moindre des choses de montrer à nouveau qu’on est fier de porter ce maillot.

Tu n’as quand même pas attendu les derniers matches pour comprendre qu’il y avait un problème profond…

RENARD : Ma plus grande frustration, c’est de devoir reconnaître qu’on n’a pas fait un seul bon match depuis la trêve. Même pas une bonne mi-temps. On peut parler de l’engagement dans le match à Anderlecht, OK, mais cet engagement-là, on aurait voulu le voir chaque semaine. C’est la chose la plus facile. Je ne leur demande pas de faire trois petits ponts ou une transversale du gauche à 60 mètres. On aurait seulement voulu qu’ils mettent du tempo dans les matches. Le ballon sort, s’il est pour toi, tu vas le chercher sans traîner. Ici, on voyait des gars qui y allaient en trottinant. L’arbitre siffle contre toi, ça ne sert à rien de discuter, rends le ballon et replace-toi. Montre des intentions au stade ! Joue ! Arrête d’être mou ! Ce n’est même pas une question de qualités. Tout le monde peut faire un mauvais match. Mais montre des intentions positives. Le public du Standard n’en demande pas beaucoup plus. Si tu montres ça, le reste va venir, l’adversaire va le sentir, le douzième homme sera à nouveau derrière l’équipe. Pour le moment, c’est tout le contraire. Quand je prends notre équipe, joueur par joueur, je me dis qu’on a une bonne équipe. Mais quand je regarde le Standard jouer, je ne vois pas d’équipe. Le pire, c’est que les joueurs s’entendent bien…

 » UNE PETITE CLAQUE DE TEMPS EN TEMPS, JE SUIS POUR  »

C’est un bon vestiaire, avec beaucoup de gars gentils, non ?

RENARD : Il nous manque quelques profils, oui. Il manque de la révolte. Mais c’est de plus en plus compliqué avec la nouvelle génération, pas seulement chez nous. Tu colles une amende financière ou sportive à un footballeur, il te regarde et te dit : -OK, pas de problème. C’est devenu difficile de les toucher. Quelle est la bonne méthode avec des gars dont tu ne sais pas comment tu peux leur faire mal ? Quand j’étais en Italie, si j’arrivais deux fois de suite en retard, je n’osais pas entrer. Ce n’était pas la question de devoir payer une amende, c’était la gêne. Aujourd’hui, les joueurs disent : -Ben quoi, c’est quand même pas très grave, dix minutes de retard ? Ils sont dans ce raisonnement. Je ne dis pas que je veux des bagarres tous les jours dans le vestiaire, je ne veux pas un groupe de boxeurs, mais si je vois un jour que ça s’échauffe, je ferme la porte et je m’en vais. Je les laisse se débrouiller entre eux. J’ai connu ça à Charleroi. Avec Alex Teklak, Marco Casto, Roch Gérard, Eric Van Meir, il y avait une petite claque qui partait de temps en temps. Je répète que je ne suis pas demandeur, mais si ça doit se faire, que ça se fasse ! Ici aussi, à la période Sergio Conceiçao, des choses se sont passées… Je ne trouve pas ça très grave. Ce sont les règles d’un vestiaire, c’est la loi d’un vestiaire. Les anciens doivent se faire respecter par les jeunes. Il n’y a plus ça au Standard. Et pas qu’au Standard. Un jeune joue cinq bons matches, il dit directement qu’il mérite un meilleur contrat parce que des clubs anglais le suivent. Ça ne va pas.

Quand tu es passé récemment en télé, tu as abordé la mentalité française…

RENARD : J’ai connu pas mal de Français à Charleroi, je m’étais déjà fait la réflexion. Souvent, ils montrent des qualités pendant leurs six premiers mois en Belgique, puis quand ils ont acquis un peu de notoriété, ils s’asseyent dessus. Mais il ne faut pas non plus tous les mettre dans le même sac, hein ! Si tu prends un Damien Marcq, c’est un gars qui a une mentalité exemplaire.

Tu n’étais pas fan de la mentalité d’Adrien Trebel. Mais avec Trebel dans l’équipe après la trêve, le résultat est peut-être différent ?

RENARD : C’était un joueur plus qu’intéressant pour nous, un chaînon important. Quelques jours avant son départ, je lui ai dit que je le considérais comme un des meilleurs 8 du championnat. D’ailleurs, son départ a créé beaucoup de vagues. Sur le terrain, à l’intérieur du club, à l’extérieur.

 » ON PRÉFÉRAIT VOIR TREBEL À ANDERLECHT PLUTÔT QU’À GAND  »

Mais sa mentalité…

RENARD : Il n’y a pas que moi qui n’étais pas fan. C’était le club entier, le groupe. Je suis très proche du vestiaire, j’avais des retours. Maintenant, ce qui est bizarre, c’est que tu fais ton mercato avec l’objectif de réinstaller une bonne mentalité, et après ça, c’est encore pire au niveau de la cohésion !

Avec le recul, tu ne dis pas que vous avez fait une erreur en le laissant partir ?

RENARD : Mais on n’avait pas le choix ! Je sais qu’on a donné un mauvais signal en le laissant partir après son boycott du stage, je ne suis pas fou. Mais on n’est pas Manchester City. Trebel avait une certaine valeur financière, on ne pouvait pas se permettre de l’écarter. Parce qu’alors, on perdait tout. À City, tu le mets deux mois en U21, et ça, c’est un très bon signal que tu envoies au noyau. Et puis, en stage, le groupe m’a fait comprendre qu’il ne voulait pas que Trebel revienne. Maintenant, je suis persuadé que la situation sportive l’a influencé dans sa décision d’aller au clash. Si on est dans le top 6 fin décembre, je pense qu’il ne fait pas ça. Enfin bon, à partir du moment où il avait décidé de s’en aller, on préférait qu’il aille à Anderlecht plutôt qu’à Gand…

Les supporters n’ont pas le même raisonnement !

RENARD : Attention, on ne l’a pas influencé dans son choix. C’est lui seul qui a décidé au dernier moment d’aller à droite alors qu’on l’attendait à gauche pour la signature. Je comprends que pour un supporter du Standard, c’est toujours une catastrophe de voir un bon joueur filer à Anderlecht. Notre capitaine, en plus. Mais imagine qu’il soit allé à Gand. On était en lutte avec eux. Ils viennent chez nous pour un des derniers matches et Trebel marque le but de la victoire. Les supporters disent quoi ? Qu’est-ce qu’on se prend encore comme critiques ? Et ça, c’est un de mes problèmes.

On est arrivés à un stade, au Standard, où les gens critiquent toutes nos décisions. Tu décides A, tu prends. Tu décides B, tu prends aussi. Trebel est parti dans un club qui était quand même bien devant nous au classement, Anderlecht n’était pas un concurrent direct comme Gand. Je l’ai dit à Trebel : -Si tu vas à Gand, tu les bonifies de 25 %. Ça, c’était dangereux pour nous. Et puis, imagine qu’on batte Bruges à la reprise, qu’on entre dans une spirale positive et qu’on se qualifie pour les play-offs. Qu’est-ce qu’on dit alors à propos Trebel ? Les gens disent qu’on a bien fait de le vendre, que la pomme pourrie est partie. Ce n’était pas une pomme pourrie, mais bon, c’est ce qu’on aurait sans doute entendu. Je te répète que c’est devenu très compliqué de prendre des décisions qui plaisent.

 » FERRERA ET RENARD, CE N’ÉTAIT PAS ROMÉO ET JULIETTE…  »

Tu aurais envoyé un sms de félicitations à Yannick Ferrera s’il avait qualifié Malines pour les play-offs ?

RENARD : Non, parce que ce n’est pas mon style. Maintenant, pour que je passe près de lui sans lui dire bonjour, il faudrait qu’il se soit passé quelque chose de grave. Et il ne s’est rien passé de grave !

Mais entre vous, ça a été conflictuel dès le début…

RENARD : Yannick Ferrera et Olivier Renard, ce n’était pas Roméo et Juliette, ça c’est sûr… Mais il a beau dire ce qu’il veut, j’ai toujours eu du respect pour lui. J’avais le retour du vestiaire, j’aurais été fou de ne rien lui dire, mais tout ce que je lui disais, il le prenait comme des attaques. Il y a une chose qu’il n’a jamais voulu comprendre : je n’étais pas contre lui, j’étais pour le bien du Standard. Je dis aussi à Aleksandar Jankovic ce qui remonte du vestiaire, et lui, il m’écoute. Et moi aussi, je l’écoute. Moi, je ne dois pas être le meilleur ami du coach, je n’ai pas besoin d’aller manger tous les jours avec lui. Et je ne demandais qu’une chose, à partir du moment où Bruno Venanzi avait décidé de continuer avec Yannick Ferrera : qu’on gagne à nouveau la Coupe, qu’on aille aux play-offs.

Le président a assumé sa décision de le conserver, mais pour moi, la saison partait déjà mal. Le jour où il a été licencié, je ne devais pas être présent mais j’ai demandé au président de me laisser venir. Et j’ai souhaité bonne chance à Ferrera. Quand j’entends après ça que c’est Olivier Renard qui a coupé sa tête, je réponds qu’il y avait cinq ou six personnes qui ont pris la décision. Aujourd’hui, je vois qu’il a progressé sur plusieurs points précis à Malines, j’ai encore des contacts fréquents là-bas, on me raconte. Il fait tout ce que je lui demandais de faire quand il était ici, mais pour lui, c’étaient des attaques.

Quoi par exemple ?

RENARD : Je ne veux pas citer de noms mais il y a l’un ou l’autre gars compliqué dans le vestiaire de Malines. Il y en a carrément un à propos de qui je me suis dit : entre Yannick Ferrera et lui, ça ne va jamais marcher. Mais j’apprends que ça se passe bien. Parce que Ferrera a changé. Ça veut dire qu’il m’a écouté. C’est comme à l’école… Il y a un prof que tu détestes, et 25 ans plus tard, tu dis, en pensant à lui : -Celui-là, il a été dur avec moi mais il m’a fait progresser.

 » LE RESPECT QU’ON A L’UN POUR L’AUTRE, VAN BUYTEN ET MOI, A PERMIS QUE ÇA N’EXPLOSE PAS  »

Ça veut dire qu’il a vite fait le switch !

RENARD : Il a une marge pour devenir un bon coach. Peut-être que, plus tard, il sera prêt pour Anderlecht. Ou pour le Standard. Mais quand il était ici, il n’était pas prêt. La façon dont il réagissait quand j’essayais d’avoir une discussion… Et puis il y avait de la tension. Quand les résultats ne sont pas là, au Standard, tu as vite le bateau qui bouge. On a tous fait des erreurs. Mais il faut assumer. Moi, je conserve tout : les sms, les mails, les messages sur WhatsApp. Mon Ipad, c’est une mine d’or… Normalement, je garde ça pour moi, ça ne sert qu’à moi. Mais il y a des moments où je suis obligé de montrer certaines choses. Je prends le problème avec Renaud Emond. Son père vient me trouver. Je vois vite dans son regard que ça va être compliqué. Il me reproche d’avoir pris la décision de mettre son fils dans le noyau B. Il en est sûr, l’info vient de Yannick Ferrera. J’ai beau lui raconter n’importe quoi, lui expliquer que c’est une décision du coach, il ne veut pas me croire, j’ai un mur en face de moi. Pour lui, je suis le gars qui a coupé les jambes de son fils. Là, je ne peux pas perdre la face, je lui prouve que la décision venait du staff. Il se lève, il s’excuse et il part. Quand je dis qu’il faut assumer…

Dès que tu es arrivé, on a dit : Bruno Venanzi, Daniel Van Buyten et Olivier Renard, ça fait une personne en trop. Ça s’est confirmé. On a l’impression qu’à la fin, Van Buyten et toi, vous n’étiez carrément plus d’accord sur rien.

RENARD : On a dit beaucoup de choses, Daniel Van Buyten s’est lâché dans une interview au moment de son licenciement. Je pourrais répondre au cas par cas. Entre nous deux, ça aurait pu exploser. C’est le respect qu’on a toujours l’un pour l’autre qui a permis que ça n’explose pas. Maintenant, dire qu’il y avait une personne en trop… non, je ne suis pas d’accord. Simplement, il aurait peut-être fallu qu’on délimite mieux les responsabilités de chacun. Tu glisses un peu sur le territoire de l’autre, tu prends de la place, ça devient difficile.

Tu n’as jamais été un ami de Ferrera mais tu étais un ami de Van Buyten. Cette amitié-là, c’est terminé. Ce n’est pas ça, le plus malheureux dans l’histoire ?

RENARD : Je laisse passer le temps. Il est trop tôt pour qu’on se revoie parce que la blessure est encore là des deux côtés. Mais on se reverra, c’est sûr pour moi. On n’était plus d’accord mais je le considère toujours comme quelqu’un de bien, avec beaucoup de valeurs. C’est toujours un ami. On se recroisera, on discutera, je sais qu’il y aura du respect des deux côtés.

 » LA DÉFENSE À TROIS DEVAIT ÊTRE UNE ARME, C’ÉTAIT UN PISTOLET À EAU  »

Il dit, en résumé, qu’il a été engagé comme conseiller mais qu’on ne tenait pas compte de ses conseils.

RENARD : Je ne vais pas lui répondre via une interview. Je le ferai en tête à tête. Il a peut-être oublié certaines choses, c’est peut-être inconscient. Je pourrai lui rafraîchir la mémoire. Il y a les sms, les mails, WhatsApp… Peut-être que ce jour-là, lui aussi va m’ouvrir les yeux sur certains trucs. Il ne faut pas toujours être borné. Il faut parfois prendre un peu de recul. On est comme des GSM, il y a des moments où il faut faire un update, nettoyer le truc…

Tu es vraiment intervenu pour que Jankovic abandonne la défense à trois ?

RENARD : Mais jamais de la vie ! Encore des bruits de couloir… Le Malines de Jankovic jouait comme ça et ça marchait. Il a travaillé ce système pendant le stage de janvier pour avoir une arme en plus, pour pouvoir switcher. Mais bon, il se fait que, là, l’arme, c’était un pistolet à eau.

Si on fait un premier bilan de Jankovic, il n’y a ni les résultats, ni la manière, ni la mentalité. C’est tenable ?

RENARD : Je ne vais quand même pas citer Anderlecht en exemple… mais ils auraient aussi pu prendre une décision radicale avec René Weiler. Entre-temps, il a reçu un nouveau contrat. Et Anderlecht est en tête. On a envie de stabilité. L’équipe a fait des bons matches avant la trêve, pourquoi elle ne les a plus faits à partir de janvier ? Mais pour le moment, on ne raisonne plus à long terme. On voit le court terme, les play-offs. Ça concerne tout le monde, on tirera des conclusions après ça. Et je parle moins des résultats que de la mentalité. Même si, avec tout mon respect pour les adversaires, quand je vois notre noyau, je me dis qu’on doit les gagner, ces play-offs.

PAR THOMAS BRICMONT ET PIERRE DANVOYE – PHOTOS BELGAIMAGE- CHRISTOPHE KETELS

 » Quand je prends notre équipe, joueur par joueur, je me dis qu’on a une bonne équipe. Mais quand je regarde le Standard jouer, je ne vois pas d’équipe.  » – OLIVIER RENARD

 » Je ne demande pas 3 petits ponts et une transversale du gauche à 60 mètres.  » – OLIVIER RENARD

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