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Trebel : un mec qui a du chien

Douze mois après son arrivée dans la capitale, Adrien Trebel est devenu un incontournable du onze anderlechtois. Du pitbull de Weiler à l’aboyeur de Vanhaezebrouck, retour sur une année passée à montrer les dents.

Souviens-toi l’hiver dernier. Orphelin de Sven Kums, son maître à jouer parti en Italie, Hein Vanhaezebrouck fait le forcing pour attirer Adrien Trebel à la Ghelamco Arena. Séduit par le jeu long du Français, atout indéniable pour briller dans son jeu où le changement d’aile est une religion, le coach des Buffalos doit déchanter. Le rouquin le plus célèbre de la Pro League pose finalement ses crampons à Anderlecht. Le discours de René Weiler a frappé en plein coeur de la cible.  » Weiler m’avait dit qu’il n’avait personne dans mon profil, quelqu’un qui sait ratisser « , explique Trebel à l’heure de raconter son choix pour la maison mauve.

Un pitbull trouve parfois un Poulain sur sa route.
Un pitbull trouve parfois un Poulain sur sa route.© BELGAIMAGE

Du côté de Saint-Guidon, son arrivée est surtout présentée comme une solution à moyen terme. Le milieu de terrain, composé par Youri Tielemans et Leander Dendoncker, domine alors le championnat, et les joyaux de Neerpede sont accompagnés, au choix, des pieds millionnaires de Nicolae Stanciu ou de la fantaisie de Sofiane Hanni. Difficile d’imaginer une place pour Trebel sur la route qui doit mener le Sporting vers le titre.

Pourtant, René Weiler a un plan. Le Suisse n’a toujours pas digéré le départ, inattendu, de Steven Defour à la fin du mercato estival.  » Je sais que depuis le départ de Defour, le coach recherchait plus ou moins un joueur dans ce profil-là « , confie d’ailleurs Hanni à Sudpresse. Dendoncker confirme la ressemblance après l’une des premières rencontres bruxelloises de Trebel :  » Adrien me fait un peu penser à Defour avec ses bonnes passes, sa vision et son implication à la récupération. C’est plaisant de jouer à trois dans le milieu avec lui. En perte de balle, c’est un pitbull.  »

La comparaison canine ne déplaît pas à l’ancien Nantais, qui l’avance même spontanément lorsqu’il dresse le parallèle avec son prédécesseur :  » Je viens du Standard comme lui. Et dans le jeu, je suis un petit pitbull, comme lui.  »

Trebel sous Weiler

Adepte d’un football qui mord les chevilles adverses, surtout loin de ses bases, Weiler fait de Trebel une arme incontournable quand le Sporting s’éloigne de la capitale. En déplacement, le Français sera toujours titulaire, pour la fin de la phase classique ou lors des play-offs.

La seule exception sera ce déplacement à Bruges, qui aurait pu être décisif pour le titre, et lors duquel Trebel était suspendu. Installé dans l’axe gauche du 4-1-4-1 anderlechtois, associé à Tielemans et Dendoncker, il fait surtout parler sa complémentarité avec Sofiane Hanni, vieille connaissance de la Jonelière, lieu d’élevage des Canaris du football à la nantaise.

En France, Trebel a longtemps été considéré comme un joueur de flanc. Alors, quand Sofiane Hanni, exilé un peu à contrecoeur sur l’aile gauche, quitte son couloir pour rentrer dans le jeu, c’est souvent le rouquin du Sporting qui s’écarte. Le duo se complète bien, car les passes d’Hanni trouvent un prolongement presque naturel dans les courses de Trebel, jamais avare en efforts.

Très à l’aise dans le football de reconversions de René Weiler, où Anderlecht ne temporise jamais avec le ballon, l’enfant de Dreux est omniprésent. Il culmine à 2,2 frappes par match lors des play-offs, et pose un pied dans plus de quatre occasions mauves lors de chacune des rencontres qui mènent les Bruxellois au titre.  » Dès que j’ai réussi ma première touche de balle, j’essaie de gagner un maximum de terrain « , affirme-t-il au moment de définir son jeu, fait d’initiatives audacieuses à un tempo époumonant.

L’association avec Tielemans est une réussite, contrairement à celle entre Youri et Defour, qui aurait dû permettre au milieu anderlechtois de régner sur le championnat sous la direction de Besnik Hasi. Là où aucune hiérarchie claire ne se dégageait dans l’association entre les deux Diables rouges, chacun semblant rechigner à se mettre au service de l’autre, Trebel accepte volontiers le travail de l’ombre, et permet à Tielemans de jouer les patrons incontestés.

Le rouquin est un valet discipliné, qui abreuve Youri et Sofiane Hanni de ballons sans excès d’audace offensive. Malgré ses bons chiffres en play-offs, il n’est que le cinquième anderlechtois au nombre d’occasions produites derrière Lukasz Teodorczyk, Hanni, Tielemans et Alexandru Chipciu.

Adri sans Youri

Le départ du golden boy de Neerpede pour Monaco, remplacé par le football mécanique et moins décisif de Sven Kums, obligent Trebel à tenter de prendre une nouvelle dimension. Pour ses six premiers mois en mauve, le Français n’a pas marqué le moindre but, et la perte de Tielemans (13 buts et 13 passes décisives en championnat la saison dernière) conjuguée à la disparition du sens du but de Teodorczyk ont haussé le niveau d’exigence.

 » Le coach insiste sur le fait qu’un 8 doit aussi marquer et donner des assists, j’y travaille « , admettait ainsi Trebel dans les colonnes de Sudpresse en début de saison, fixant ensuite la barre plus précisément :  » Aujourd’hui, les milieux doivent marquer entre six et dix buts par saison.  »

Six mois plus tard, le rouquin n’a trouvé le chemin des filets qu’à une reprise, au bout d’une superbe frappe croisée pour alourdir une victoire déjà acquise face à un Courtrai alors malade.

Ce n’est pourtant pas faute d’essayer. Depuis qu’il a apposé sa signature au bas de son contrat anderlechtois, Adrien Trebel a frappé au but à 54 reprises, en 3.303 minutes disputées sous le maillot mauve (chiffres arrêtés après la rencontre face à Genk, ndlr). Le problème, c’est que seuls 15 de ces tirs ont été cadrés et que dans ce maigre échantillon, 8 ballons ont été captés sans trop de difficulté par le gardien adverse.

Des chiffres qui limitent la menace véritable créée par les tirs de Trebel à sept occasions, soit 13 % de ses tentatives. Le Français frappe au but une fois toutes les 61 minutes, mais n’est vraiment dangereux qu’une fois toutes les 472 minutes. Un pitbull qui aboie beaucoup, mais ne mord presque jamais.

Paradoxalement, c’est depuis qu’il est confronté aux limites de son jeu que Trebel est sur toutes les lèvres. Parce que son style généreux l’incite à jouer la carte de l’omniprésence quand certains préfèrent traverser les périodes délicates avec discrétion. On conseille parfois de jouer simple quand on vient de rater deux ou trois passes, mais le Français est plutôt du genre à tenter une longue transversale de plus après en avoir envoyé deux dans les gradins. Pas toujours efficace, mais assurément télégénique.

Un joueur d’instantanés

Trebel ne passe pas inaperçu. Son football est fait pour envahir les highlights de chaque rencontre où il foule la pelouse. Des tacles glissés aux frappes à distance, en passant par les longs changements d’aile, son registre favori est également celui des caméras et des spectateurs belges, friands de ces actions qu’ils dévorent chaque samedi soir, quand Gary Lineker débarque sur les écrans de la BBC.

Le Français est un joueur d’instantanés. Quand Anderlecht a accueilli le parterre de stars du PSG en Ligue des Champions, il a tapé dans l’oeil de ses compatriotes par ses nombreuses récupérations au pressing dans les pieds d’ Adrien Rabiot. Le rouquin a joué sur la principale qualité de son jeu, à savoir sa capacité à gérer très rapidement le passage d’une action offensive à une action défensive.

Cette maîtrise des transitions en fait un joueur impressionnant en Jupiler Pro League, où les matches tournent parfois très vite à l’aller-retour entre les deux rectangles, mais peut aussi coûter cher sur la scène européenne.

Car au-delà de l’impression visuelle, il y a aussi la vérité des chiffres. Les 40 tacles tentés pendant la phase de poules de la C1, record de l’édition actuelle, ne doivent pas faire oublier que 15 de ces tacles ont été inutiles, faisant par la même occasion de Trebel l’un des joueurs les plus dribblés de la compétition. À côté d’un Kums très cartésien, qui semble penser à chaque seconde à l’endroit où il se trouve sur le terrain, le numéro 25 des Mauves a l’attitude d’un chien fou, parfois incontrôlable, qui donne l’impression d’avoir besoin de courir sans arrêt pour se dégourdir les jambes.

L’homme en vue du dernier mercato hivernal belge ne dispose pas de ce bouton  » pause « , indispensable à tout milieu qui veut briller dans les matches européens. Comme s’il était toujours cet ailier, qui a découvert le football professionnel sous les couleurs de Nantes en bouffant la craie sur le flanc gauche de la Beaujoire. Au pressing, le joueur de flanc peut se découvrir plus librement qu’un élément axial, pour qui une sortie un peu trop impulsive sera immédiatement punie par un espace offert à l’adversaire au coeur du jeu, là où chaque possession compte double.

Trebel défend son milieu de terrain comme un flambeur prêt à jouer son patrimoine sur une table de black jack. S’il réussit son coup, cela rapporte gros, et les projecteurs du casino se tourneront vers lui. Mais en cas d’échec, l’addition peut s’avérer salée.

Plus spectaculaire qu’efficace

Hein Vanhaezebrouck s’inquiète parfois de ce côté plus spectaculaire qu’efficace, chez un joueur qui fait pourtant partie de ses soldats favoris. Il incite surtout son milieu de terrain français à tout faire pour être plus décisif. Et pour cela, il faut commencer par se rapprocher du but. Sur ses 54 tirs bruxellois, Trebel en a expédié 40 depuis l’extérieur du rectangle. 31 %, seulement, dans les seize mètres, là où se marque pourtant la grande majorité des buts.

Depuis la prise de fonction de son nouvel entraîneur, le rouquin n’est même qu’à 25 % de ballons frappés dans la zone de vérité. Un tir dans le rectangle toutes les 236 minutes, soit un total largement insuffisant pour jouer un rôle en vue dans le panel des buteurs anderlechtois.

Trebel a un jour déclaré à SoFoot, alors qu’il était encore joueur du Standard, qu’il devait atteindre la barre des 10 buts en une saison. Mais les milieux qui atteignent ce genre de statistiques sont aussi ceux qui franchissent la ligne du grand rectangle.

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