© BELGA

Tielemans, la créature de Neerpede

Thomas Bricmont

Voici comment Anderlecht s’y est pris pour former un joueur de niveau européen en un temps-record.

C’est dans le plus grand silence que, pendant dix ans, à la rue de Neerpede et à la Drève Olympique, Anderlecht a travaillé sur un nouveau concept: former un joueur qui combine l’élégance et l’efficacité, la sobriété et l’audace. Le club a attendu le bon moment pour lancer ce prototype fabriqué de A à Z au laboratoire de Neerpede. En 2013, il décida que le moment était venu: John van den Brom lança Youri Tielemans, 16 ans à peine, dans un match contre Lokeren. Quatre ans plus tard, on s’aperçoit qu’Anderlecht a créé un monstre du calibre de Vincent Kompany, Anthony Vanden Borre et Romelu Lukaku. Un bon gars qui a une belle gueule et les pieds d’un joueur de tango. Un joueur capable de faire peur à tous les grands clubs européens.

Comme ce fut le cas pour Romelu Lukaku, il y a quelques années, le script du Projet Tielemans avait été parfaitement mis au point. « Certains clubs établissent un programme individuel pour amener leurs plus grands talents en équipe première et ce fut le cas pour Tielemans à Anderlecht », dit Landry Dimata, ami personnel de Tielemans. « A Anderlecht, ils ont su très rapidement ce qu’ils allaient faire de lui dès ses 16 ans. »

Il a pourtant fallu attendre que Tielemans arrive vers la quinzaine pour qu’on le prépare à amuser le stade Constant Vanden Stock. Au sein du club, alors qu’il avait déjà signé son premier contrat professionnel à l’âge de 16 ans, plusieurs personnes avaient des doutes au sujet de son véritable potentiel. Son manque d’explosivité inquiétait plusieurs dirigeants. « Charly Musonda Jr et Adnan Januzaj étaient des dribbleurs, des techniciens qui impressionnaient les gens », souligne Mohammed Ouahbi, coach des U21, qui a eu Tielemans sous ses ordres en U8, U11, U14 et U17. « Youri, lui, brillait par sa simplicité, tous ses mouvements étaient ‘fonctionnels’. Il n’avait pas d’agent comme les autres et son entourage ne compilait pas les vidéos de lui sur YouTube. »

Jalousie

Youri Tielemans après le premier de ses deux superbes buts à Ostende.
Youri Tielemans après le premier de ses deux superbes buts à Ostende.© BELGA

En U14, il est toutefois apparu aux yeux des suiveurs de Neeprede que Tielemans avait énormément de talent. Lors de ses deux premiers matches, il avait inscrit six buts. Et tout au long de la saison, qu’il termina avec 30 buts, le déjà capitaine allait lutter avec les attaquants Aaron Leya Iseka et Frank Mikal pour le titre de meilleur buteur. Mais au-delà de ses talents balle au pied, l’ado était déjà un meneur d’hommes. « Je me rappellerai toujours de ce match où il a engueulé son gardien en U15 à Roulers parce qu’il avait encaissé un but à la dernière minute sur une petite erreur de main. Le score était de 1-9. Les gens autour du terrain me regardaient en se demandant: mais c’est qui ton joueur qui s’énerve comme ça? »

Thierry Verjans, aujourd’hui entraîneur-adjoint au Standard, entendait parler pour la première fois de Tielemans lorsqu’il reprenait les U16 d’Anderlecht. Normalement, il aurait dû l’avoir dans son équipe mais, à l’instar de plusieurs autres joueurs, Tielemans avait été promu en U17, une méthode habituellement utilisée pour déceler les limites d’un joueur. « Tout l’art consiste à faire monter les éléments talentueux de catégorie sans les brûler », dit Verjans. « Un club et un entraîneur doivent se poser deux questions: le joueur a-t-il la maturité physique et mentale pour affronter des joueurs plus âgés? Essayez d’expliquer à un papa ou à une maman pourquoi il vaudrait mieux que leur fils reste dans sa catégorie. Les parents sont souvent impatients. Ils pensent qu’en sautant une catégorie, leur fils arrivera plus rapidement en équipe première. Mais ça ne marche pas comme ça. Youri était précoce. A Anderlecht, il n’a fait que sauter les étapes. C’est la preuve qu’il était très doué. »

Tielemans ne se souciait guère de savoir s’il jouait avec des gens de son âge ou pas. Tout ce qu’il voulait, c’était jouer. Mais tout le monde n’appréciait pas qu’on le fasse monter. Certains parents râlaient parce qu’il était capitaine des U17 alors qu’il était le plus jeune. C’était également à lui qu’on demandait de tirer les corners, les coups francs et les penalties. Il était si sûr de lui que personne n’avait le droit de s’approcher du ballon sur une phase arrêtée. « Mais c’est surtout sur le terrain que sa personnalité se manifestait », dit Samuel Bastien (aujourd’hui au Chievo Verone), qui fut son équipier en U17. « Il ne parlait pas beaucoup mais lorsqu’il avait quelque chose à dire, tout le monde l’écoutait. » Et personne n’osait contredire le capitaine. Personne ne savait non plus si c’était l’entraîneur ou la direction qui lui avait confié le brassard. « A l’égard des anciens de l’équipe, ce n’était pas correct », raconte un suiveur régulier des U17. « Il était donc normal qu’il y ait de la jalousie. Mais quand on voit où Tielemans en est aujourd’hui, on se dit qu’on n’a pas fait tout ça pour rien. »

Son ascension rapide vers les sommets du football belge lui a aussi valu quelques lacunes au niveau de la post-formation. Comme il est passé directement des U17 au noyau A, certains aspects ont été négligés. Comme au niveau du travail physique. Le club réfléchit d’ailleurs à mettre en place un programme individuel afin d’augmenter sa capacité sur les longs sprints à forte intensité. Le but étant qu’il soit proche d’égaler les meilleurs, des milieux de terrain capables de courir à 24-25 km/h.

Par Alain Eliasy et Thomas Bricmont

Retrouvez l’intégralité de l’article consacré à Youri Tielemans dans votre Sport/Foot Magazine

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire