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Saelemaekers ne connaît pas la pression

Bombardé en Première suite aux blessures d’Andy Najar et de Dennis Appiah, la saison passée, Alexis Saelemaekers (19 ans) joue les prolongations en ce début de campagne et tout porte à croire qu’il sera difficile à déloger du flanc droit. Portrait avec la complicité de deux anciens coachs, un ex-équipier, son manager et ses parents.

Comme dans les belles histoires, c’est un fait du hasard qui a dirigé Alexis Saelemaekers, la nouvelle pépite anderlechtoise, vers le football, comme le relate son père Luc : « J’ai moi-même fait de la gymnastique pendant de longues années et, de façon assez logique, Alexis m’a suivi.

Un jour, son frère Jesse, qui a dix ans de plus, est rentré à la maison en disant qu’il allait s’inscrire avec des amis dans un club d’ABSSA à Ittre. Alexis était à côté de moi et m’a dit que, dans ce cas, lui aussi avait le droit de jouer au football. J’ai accepté mais à condition qu’il aille jouer dans un club proche de chez nous où il puisse apprendre le néerlandais. Il voulait aller à La Rhodienne… »

Et c’est ainsi que celui qui a grandi à Alsemberg aboutit à… Beersel-Drogenbos. Ivo Heyndrickx, qui officie désormais en tant que président du club, se souvient bien du garçon : « J’ai été son premier entraîneur en U12. Il avait un an de moins que ses équipiers mais c’était un phénomène. Il n’a pas fallu longtemps pour comprendre qu’il avait quelque chose de plus que les autres.

Alexis faisait deux têtes de moins que ses adversaires mais c’était un hargneux et je devais parfois le calmer parce qu’il courait partout. À cette époque-là, il jouait comme ailier et il faisait régulièrement la différence en marquant des buts ou en faisant des passes décisives. Mais il n’était pas rare de le voir revenir en défense pour tacler puis repartir dans l’autre sens. Il était phénoménal. »

Les bons mots de Roger Lemerre

Très vite, Alexis Saelemaekers fait évidemment parler de lui. Il est d’abord repris en sélection du Brabant et ses prestations attirent l’attention de nombreux clubs plus huppés. Le FC Brussels est le premier à se manifester, quelques mois avant qu’il ne dépose le bilan. Deuxième signe du destin, voilà que le jeune homme croise la route de Roger Lemerre, ancien sélectionneur de l’équipe de France.

« Au Lycée Français, où mon mari et moi travaillons et où Alexis a suivi toute sa scolarité, une activité parascolaire de foot se mettait en place après les cours », se souvient Joëlle, sa maman. « La direction avait sollicité Roger Lemerre pour qu’il en soit le parrain puisque ses enfants fréquentaient également l’école. De notre côté, alors que les entraînements étaient destinés aux enfants de secondaire, nous avions demandé s’il était possible qu’Alexis, alors âgé de 11 ans, y participe également. Dès les premiers cours, Roger Lemerre a été séduit par son potentiel et nous a dit qu’il avait du talent et qu’il fallait faire quelque chose. »

En quelques coups de fil, celui qui permit aux Bleus de remporter l’EURO 2000 ouvre les portes de La Gaillette, le célèbre centre de formation du Racing Club de Lens, au jeune Alexis. « Il s’y est entraîné et le test était probant », précise le papa. « Mais il existe une loi sur la protection des mineurs étrangers qui empêchait le transfert. Ce sont les dirigeants lensois eux-mêmes qui nous ont incités à aller toquer à la porte d’Anderlecht ou d’un autre grand club, affirmant qu’Alexis devait aller dans un bon centre de formation. »

Ivo Heyndrickx entre alors en jeu : « Alexis était tellement impressionnant que j’avais fait quelques vidéos de lui. J’avais quelques entrées à Anderlecht puisque je suis arbitre pour les matchs de jeunes à Neerpede et un jour, en croisant Jean Kindermans, je lui ai dit que j’avais une pépite et qu’il fallait absolument qu’il envoie quelqu’un. »

Les jambes mais aussi la tête

Les visionneurs se bousculent mais le choix d’Alexis se porte sur le Sporting d’Anderlecht. Le voilà donc qui rejoint les Mauves alors qu’il n’a que 18 mois de football dans les jambes. Son rythme de vie change du jour au lendemain puisqu’il passe de deux à quatre ou cinq entraînements par semaine plus les matchs.

Heureusement pour lui, son niveau scolaire n’en pâtit pas. Il jongle avec ses cours comme avec un ballon et s’en sort brillamment sur les deux plans. À cette époque, jeune adolescent, il ne peut pas encore imaginer une seconde que le football professionnel lui ouvrira les bras et il se voit devenir vétérinaire pour être au quotidien en contact avec les animaux. Plus tard, il songe également à la kinésithérapie sportive. Finalement, il n’en sera rien parce qu’il va franchir les étapes au sein du centre de formation anderlechtois quatre à quatre.

« Pour moi, Anderlecht était un club comme un autre » souligne le paternel. « Je ne connaissais strictement rien du football. Je suis allé à Neerpede quelques fois pour voir comment cela se passait avant d’y envoyer Alexis. Il a toujours eu des facilités dans la vie, et c’est tant mieux. Quand ses camarades mettaient trente minutes pour faire un exercice à l’école, il avait fini en dix. Il ne devait pas beaucoup étudier non plus pour connaître ses leçons. Il absorbait en classe et c’était bon. » « C’est une chance dans la vie », ajoute sa maman.

Dès son arrivée à Anderlecht, Stéphane Stassin l’a eu sous ses ordres et a suivi son évolution au fil des ans puisqu’à l’addition, il l’aura coaché trois ans, jusqu’en U19. « C’est un gamin qui avait un retard physique sur le plan de la croissance mais qui avait un potentiel énorme et un coeur gros comme ça. En extrapolant un peu, je dirais qu’il faisait 1m20 et 30 kilos tout mouillé mais qu’il ne se laissait démonter par personne.

Du flanc gauche au flanc droit

« Il court et se bat sans arrêt. C’est ce que les gens aiment voir. » – Jean-Marc Schellens, son manager

Ce qui était frappant aussi, c’est que pour un gamin venant d’un club de provinciale, il n’accusait pas le moindre retard. Souvent, nous avons des jeunes qui sont brillants dans leur petit club mais qui se prennent un mur en débarquant à Neerpede, parce qu’il y a un fossé avec les joueurs qui sont ici depuis plusieurs années.

Alexis a commencé au poste qu’il occupait à Beersel-Drogenbos, c’est-à-dire sur le flanc gauche offensif, mais par la suite, je l’ai fait reculer dans le jeu parce qu’il n’était pas suffisamment décisif. »

Une décision que le jeune homme n’apprécie pas tout de suite à sa juste valeur mais qui va évidemment s’avérer payante sur la longueur puisque c’est en tant que flanc droit qu’il va recevoir une chance chez les pros. Un signe qu’en plus d’être un gars joyeux et discret, c’est aussi un sacré caractère qu’il a sous le capot. Jean-Marc Schellens, son agent depuis un an maintenant, peut en témoigner également.

« Je crois que l’un de ses grands atouts, c’est de ne pas connaître la pression. Alexis est toujours très tranquille et serein. Je me souviens de ce déplacement à Saint-Trond, lors duquel il avait été sélectionné dans le noyau pro pour la première fois. Nous étions en tribune avec Luc et Jesse, son frère, et quand nous avons vu Alexis se lever pour aller s’échauffer, on y croyait à peine.

On était vraiment un peu surexcités alors que lui avait l’air d’un calme royal. Finalement, il a joué dix minutes et cela s’est bien passé. J’étais convaincu qu’il venait de montrer ce qu’il avait dans le ventre et que sa chance viendrait rapidement. La suite m’a donné raison. »

Un footeux qui s’est fait tout seul

Alexis Saelemaekers écoute son manager et ses parents en sirotant une boisson gazeuse. Il sourit. La terrasse du  » ‘t Misverstand  » à Uccle est baignée par le soleil en ce début de mois d’août et le Sporting reste sur une superbe entame de saison après son succès à Courtrai. Tout va bien pour les Mauves. Mais pour Luc et Joëlle, tout est allé vite. Presque trop vite.

« Disons qu’il y a six mois, personne ne parlait de notre fils et que l’univers du foot professionnel nous était encore assez étranger. Nous avons effectivement fait beaucoup de sacrifices pour qu’il puisse en arriver là mais quand les gens nous disent que nous avons notre part de réussite là-dedans, nous ne sommes pas vraiment d’accord. Le seul qu’il faut féliciter, c’est lui », disent en choeur ses parents.

« Certes, nous étions occupés presque tous les soirs et tous les week-ends et nos amis ont dû accepter de moins nous voir mais cela n’a jamais été une corvée . Nous ne savions pas trop à quoi nous attendre quand Alexis a fait le grand saut vers Anderlecht mais au fil des ans, nous nous sommes créé un environnement agréable avec d’autres parents et, sur le plan humain, nous avons rencontré des gens merveilleux.

L’autre jour, nous sommes allés au Fan Day d’Anderlecht et je dois dire que c’est assez étonnant de voir des gens qui portent un maillot floqué du nom de notre fils. Depuis peu, il a quitté le domicile familial pour s’installer avec son frère, plus près du stade. Je suis heureux que nos deux fils vivent ensemble. Ils sont importants l’un pour l’autre. »

Après le départ de Youri Tielemans pour Monaco il y a quelques mois, la fin de contrat d’Olivier Deschacht et l’incertitude qui pèse autour de l’avenir de Leander Dendoncker, Alexis Saelemaekers pourrait bien vite devenir le nouveau chouchou des supporters mauves, qui aiment évidemment les success-stories telle que la sienne.

Les pieds bien sur terre

« Je suis récemment passé à la boutique et on m’a dit que son maillot était l’un des plus vendus en ce début d’année », reprend Jean-Marc Schellens. « Je trouve ça magnifique pour lui. Cela prouve que les gens l’apprécient et qu’il leur donne ce qu’ils demandent. Alexis a une abnégation hors normes et une condition physique largement au-dessus de la moyenne. Il court et se bat sans arrêt. C’est ce que les gens aiment voir. »

« Luc Devroe lui a proposé de changer de numéro cet été mais il a refusé. Il a commencé avec le 56 et ça lui plaît », dit sa maman. Et l’avenir, comment s’annonce-t-il pour ce jeune homme qui est déjà international U19 et titulaire à Anderlecht ? Radieux sans aucun doute. Mais là où de nombreux jeunes joueurs sombreraient bêtement dans le bling-bling et la prétention, Alexis Saelemaekers reste les pieds sur terre.

« Ses parents et son frère sont vraiment des gens très bien. Gentils, respectueux, simples : ils ne toléreront jamais qu’Alexis soit hautain ou dédaigneux », narre Ivo Heyndrickx. « Voilà plusieurs années que leur fils a quitté mon club mais nous nous voyons encore de temps. Ils n’ont pas changé. Je pense que dans la réussite d’un joueur au plus haut niveau, l’entourage joue un rôle essentiel et à ce niveau-là, la famille Saelemaekers est vraiment top. Joëlle et Luc ont inculqué beaucoup de valeurs à leurs deux fils. »

« Je crois beaucoup en lui. Il y a quelques mois, quand j’ai vu la qualité de ses prestations avec les U19 belges sous les ordres de Gert Verheyen, face à l’Espagne et la France, cela m’a encore renforcé dans la conviction qu’il avait tout ce qu’il fallait pour réussir. J’attends néanmoins de lui qu’il prenne moins de cartons jaunes pour rouspétances… », conclut son agent en guise de boutade.

Le mot de la fin est pour ses parents : « Pouvoir vivre de sa passion est un luxe. Notre fils est heureux, c’est le plus important. Et nous sommes fiers de lui. »

Par David Dupont

« On lui donnait le ballon et il faisait le reste »

A Beersel-Drogenbos, Alexis Saelemaekers, accroupi, dominait les autres de la tête et des épaules.
A Beersel-Drogenbos, Alexis Saelemaekers, accroupi, dominait les autres de la tête et des épaules.© PHOTONEWS

À Beersel-Drogenbos, Alexis Saelemaekers est vite devenu le joueur-clé de son équipe. Michael Debecker (20 ans), qui a quitté le club durant cet été pour rallier Ternat, parle de son ami en additionnant les qualificatifs. « C’était le plus jeune de l’équipe mais aussi le meilleur et de loin. Quand on ne savait pas quoi faire, on lui donnait le ballon et tout allait mieux. Il allait planter un goal ou avait le geste adéquat. À cette époque, il jouait sur le flanc gauche et moi en tant que numéro 10. Mais il est arrivé que nous jouions à deux devant et c’était plutôt cool. Je pense qu’il marquait en général deux ou trois goals par match. Physiquement, c’était une bête. Un genre de pitbull même s’il était plus petit que les autres. Il courait, se battait et était triste quand nous perdions.

Moi aussi j’ai été triste quand il a quitté le club… mais uniquement parce que je savais que nous n’allions plus gagner autant de matchs sans lui ! Par contre, j’étais heureux pour Alexis parce que nous savions tous qu’il avait un potentiel hors normes. Après son départ pour Anderlecht, je suis allé le voir jouer quelques fois à Neerpede et il est encore arrivé qu’on aille taper le ballon dans son jardin. Sa maturité m’impressionne beaucoup parce qu’il n’a jamais que 19 ans mais quand il est titulaire à Anderlecht, on ne peut pas imaginer une seconde qu’il n’a que vingt matchs professionnels dans les jambes… C’est fou ! Je suis très content pour lui et j’espère qu’il fera une grande carrière mais en fait… je n’en doute pas vraiment. »

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