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Rétro PO1: La (re)trouvaille Kouyaté

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Chaque semaine, Sport Foot Magazine préface une affiche des PO en revenant sur un choc particulier entre les mêmes équipes, aussi en PO.

Besnik Hasi a surpris en postant Kouyaté au milieu défensif. Une dizaine de mots, dans notre Foot Digest du 9 avril 2014, pour commenter l’action du coach mauve – qui a remplacé John van den Brom un mois plus tôt – dans le match à domicile contre Bruges. Dix mots, simplement, mais un tournant de la saison.

Ils nous ont eus au bluff. On s’était préparés au scénario de la bête blessée mais mes joueurs ont suffoqué sous la pression.  » Michel Preud’homme

Rappel. Le Standard de Guy Luzon a écrasé la phase classique, a navigué en tête de la troisième à la trentième journée. Après ces trente matches, les Rouches avaient dix points de plus que les Mauves. Même en divisant par deux, ça reste conséquent.

Première journée des play-offs : le Standard bat Anderlecht et l’écart passe à huit points. A Bruxelles, ça semble vraiment foutu pour le titre, avec cette quatrième place. En plus, c’est un Bruges en toute grande forme qui débarque pour la deuxième journée. Les gars de Michel Preud’homme restent sur une série de 22 points sur 24.

Dans la préparation de ce topper, on se lance l’une ou l’autre pique. Sur le site du Club, on lit que  » 13 joueurs sont venus au centre d’entraînement lors d’un jour de congé.  » Comme pour mieux souligner la motivation. Hasi réplique :  » Et alors ? Ça se fait aussi chez nous, on a aussi des joueurs impliqués, mais on ne communique pas là-dessus parce que ça n’a aucun intérêt.  »

Si Herman Van Holsbeeck semble toujours y croire, quand il déclare dans notre magazine  » On n’a pas dit notre dernier mot  » ou encore  » Anderlecht va encore faire parler de lui, même si on sait qu’on n’a pas l’équipe pour être champion « , Hasi est plus mesuré et lance  » Vous ne m’entendrez jamais parler du titre.  »

Biglia et Cancellara sous les spots

Zaventem, dimanche 6 avril en fin d’après-midi. Lucas Biglia débarque juste à temps pour être au Stade Constant Vanden Stock à l’heure du coup d’envoi et le donner. Tout un symbole. Parce que, depuis son transfert à Rome, il y a un trou qui n’a jamais été comblé dans l’entrejeu bruxellois. Van den Brom puis Hasi ont fait pas mal d’essais au 6 avec, pêle-mêle, Youri Tielemans, Sacha Kljestan, Guillaume Gillet, Chancel Mbemba ou Luka Milivojevic. Mais ça n’a jamais été vraiment concluant.

Abdoulay Diaby, pourchassé par le duo anderlechtois Trebel-Obradovic.
Abdoulay Diaby, pourchassé par le duo anderlechtois Trebel-Obradovic.© BELGAIMAGE

Cette semaine-là, le coach albanais a eu une illumination. Et si la solution s’appelait Cheikhou Kouyaté ? Il l’a interrogé quelques jours avant le match :  » Tu es prêt à quitter la défense pour remonter dans l’entrejeu ?  » Réponse illico du Sénégalais :  » Je n’attends que ça.  » Et c’est une clé du match, avec la titularisation de Gohi Bi Cyriac devant, aux côtés d’ Aleksandar Mitrovic. Cyriac, plus souvent blessé et sifflé que fit et applaudi depuis son arrivée à Anderlecht, marque deux fois, dont un but magnifique. Quand il quitte le jeu après 80 minutes, il reçoit sa première standing ovation bruxelloise.

L’autre clé est donc la titularisation de Kouyaté dans un rôle de médian défensif. A lui (presque tout) seul, il étouffe la ligne médiane brugeoise. Le vieillissant triangle flandrien, avec Timmy Simons, EidurGudjohnsen et Jesper Jörgensen, voit des étoiles. Au final, c’est un 3-0 sans discussion. Un score déjà acquis après 40 minutes.

Preud’homme debriefe :  » Ils nous ont eus au bluff dès les premières minutes en imprimant un tempo très élevé et en étant très agressifs. C’était prévisible, on s’était préparés au scénario de la bête blessée, j’avais prévenu mes joueurs, mais ils ont suffoqué sous la pression.  »

MPH remonte ensuite dans le bus et rentre à son hôtel dans la région de Bruges où il trouve Fabian Cancellara occupé à fêter sa victoire dans le Tour des Flandres du même après-midi.

100.000 vues pour le caviar de Tielemans

Les commentaires sont unanimes : le repositionnement de l’échassier africain a fait basculer le topper. Malgré cette victoire, les Mauves restent scotchés à la quatrième place derrière le Standard, Bruges et Zulte Waregem. Ils sont à cinq points des Rouches. Hasi lâche : « Il y a une semaine, après la défaite au Standard, Anderlecht était mort. Ce soir, on revit un peu. » Le retard va fondre au fil des semaines. Lors de la huitième journée, Anderlecht passera en tête. Et Anderlecht sera champion. Impensable au vu du déroulé de sa saison chaotique.

Une fois installé dans le milieu, Kouyaté n’a plus bougé pendant le reste de ces play-offs. Bram Nuytinck et Chancel Mbemba ont fait le job derrière pendant que Kouyaté s’éclatait un peu plus haut avec Youri Tielemans. Le sale boulot pour le Sénégalais, les arabesques et le jeu vers l’avant pour le ket (alors en cinquième année d’humanités), qui a d’ailleurs profité du fameux match contre Bruges pour marquer son tout premier but en championnat de Belgique.

Rétro PO1: La (re)trouvaille Kouyaté

Et pour alimenter une vidéo qui va être reprise le lendemain sur pas mal de sites étrangers : la vidéo d’une passe hyper précise, à ras du sol, à 66 mètres et à travers la défense brugeoise, pour Andy Najar qui file vers le but. La phase est toujours disponible aujourd’hui sur Youtube et elle totalise plus de 100.000 vues – taper  » Tielemans Club Brugge 2014 « …

Kouyaté en défense ? Du gaspi !

Kouyaté meilleur en défense (où il avait passé trois ans avant ce match) ou dans l’entrejeu ? On en parle avec le coach qui l’a lancé en Belgique, au Brussels : Albert Cartier.  » Il était attaquant quand il est arrivé, j’ai vite vu qu’il n’avait aucun avenir dans ce rôle. Par contre, j’étais persuadé qu’il pouvait faire une grosse carrière dans l’entrejeu. Quand je l’ai vu transformé en défenseur à Anderlecht, je me suis dit que c’était du gaspillage. Si tu le mets derrière, tu le brides. Et quand tu brides un footballeur, il déjoue, il perd le plaisir. Alors, il devient fade, puis moyen, et finalement médiocre. Hasi a pris la seule décision qui s’imposait quand il l’a repositionné en milieu de terrain.  »

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