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Rednic : C4 en 4 actes

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Le licenciement de Mircea Rednic vous a scotché ? Lisez cette ligne du temps, le bug de la semaine dernière vous scotchera déjà un peu / beaucoup moins. Le coup de canon au Canonnier était en préparation depuis un bon moment.

Acte 1 :  » Je veux des renforts  »

A la mi-décembre, juste après la victoire contre Ostende qui suit une douloureuse série de 4 points sur 30, on tape la causette dans un recoin du Canonnier avec Mircea Rednic. Il est chaud et nous lâche quelques phrases fortes. Sur le mercato à venir, notamment.  » Je vais réclamer des joueurs en janvier, c’est indispensable.  » Le Roumain veut se débarrasser de quelques joueurs qui ont peu de temps de jeu et les remplacer par  » des gars qui vont mettre une nouvelle concurrence.  »

Il tacle aussi la direction sur quelques thèmes. Il signale qu’il n’est pas responsable de l’accumulation de blessures, que c’est dû aux innombrables arrivées en dernière minute pendant l’été. Il insiste sur le fait que les nouveaux joueurs étaient surtout des réservistes dans leur ancien club, il rappelle que c’étaient des joueurs gratuits. Il nous lance :  » Je veux que tout le monde accepte de voir les choses en face.  »

Rednic poursuit cet entretien improvisé en disant qu’il ne sait pas toujours ce que la direction pense. Il regrette un manque de communication.  » J’espère qu’ils ont le réalisme et la lucidité pour bien juger cette période pendant laquelle on n’a plus gagné.  » Et il nous annonce qu’il a refusé deux offres de clubs de D1 mieux classés depuis l’été – on a appris entre-temps que Marc Coucke l’aurait voulu à Ostende pour remplacer Yves Vanderhaeghe -. Pour faire court, on comprend que le torchon a commencé à brûler. La direction ne réagit pas officiellement. Mais le discours n’a pas plu.

La relation entre le coach et le directeur technique allemand, Jürgen Röber, est compliquée. Rednic se limite à nous dire :  » Il donne son avis, je donne le mien, on discute.  » Aujourd’hui, Paul Allaerts, le directeur général, nous donne son éclairage sur le binôme :  » Ce sont deux personnalités fortes, avec une grande expérience. Ils n’avaient peut-être pas toujours la même vision sur la qualité du noyau. Par exemple, Röber disait à Rednic que, selon lui, il y avait assez de bons joueurs dans le groupe. On l’a vu en début de championnat quand on a notamment battu Bruges. Mais à aucun moment, Röber ne s’est mêlé du travail au quotidien de Rednic. Il n’est jamais intervenu à l’entraînement. On ne peut pas parler d’un conflit de personnes.  »

Acte 2 :  » Ce n’est pas suffisant  »

Pendant le stage de janvier en Espagne, Rednic continue à taper sur le clou.  » Mouscron est la seule équipe belge qui n’a pas encore bougé. Si tout le monde est là, je suis content avec mon noyau, mais ce n’est pas suffisant si on veut continuer à croire aux play-offs 1. J’ai dit ce que j’avais à dire, je sais que ça a dérangé.  »

On entend ici et là que Mircea Rednic voudrait faire venir des joueurs via sa fille Luana, qui doit être une des plus jolies agentes du monde du foot. Un agent qui a du matériel-joueurs à Mouscron n’y croit pas trop :  » C’est justement un club ouvert à tous les agents, je ne pense pas qu’il y ait des exclusives là-bas. Selon moi, si Luana Rednic avait proposé un bon renfort et s’il avait été question de transférer, la direction aurait accepté d’y réfléchir.  » Paul Allaerts tient un peu le même discours :  » Il n’y avait pas de problème Luana Rednic ici.  » Le directeur reconnaît que ce mois de janvier a commencé à déclencher la procédure de divorce :  » On n’avait pas les mêmes vues sur la politique sportive et le recrutement. Nous n’avions pas l’intention de transférer massivement.  »

Acte 3 :  » Si ça ne change pas, je pars  »

Quelques heures avant le match à Sclessin, Mircea Rednic passe un palier. Il menace publiquement de s’en aller si rien ne change en vue de la saison prochaine.  » Le Standard a investi, a attiré un élément comme Mehdi Carcela et possède 90 % d’internationaux dans son noyau. Si tu compares le budget liégeois et notre budget… qui n’en est pas un… tout est dit.  » Bam ! Et encore ceci :  » C’est la dernière année que je travaille dans des conditions pareilles. Les dirigeants de Mouscron doivent arrêter de se contenter du maintien.  » Juste après le match, on l’apostrophe pour parler de son avenir. Il nous répond par un  » Je n’ai rien à dire  » qui veut dire beaucoup.

Le maintien est assuré mais pour Rednic, ça ne suffit pas. Il veut faire de Mouscron un club qui se battra pour les six premières places. Très vite. Et c’est là que ça coince.  » La direction n’a pas du tout apprécié ses déclarations et elles nous ont d’ailleurs fort surpris « , dit Paul Allaerts.  » Un discours pareil, tu le tiens d’abord en interne. Rednic nous reprochait publiquement un manque d’ambition, ça ne se fait pas. Ça a été un nouvel élément déclencheur. En disant que ton club manque d’ambitions et de perspectives, tu envoies un mauvais signal aux joueurs, aux sponsors, etc…

Nous avons une philosophie différente de la sienne, plus construite sur le long terme. Nous avons un projet sur plusieurs années, à mener sagement. Etape par étape. Quand la préparation a commencé, l’été dernier, Mouscron n’avait pas dix joueurs sur la pelouse. Parce qu’on travaillait surtout avec des contrats de courte durée. Ça a évolué, on a mis en place des contrats de deux, trois, quatre ans. Nous avons déjà près de 20 joueurs pour la saison prochaine. Rednic voulait que tout aille trop vite. Tout le monde, en D1, voudrait avoir un plus gros budget. Mais il faut rester raisonnable.  »

Acte 4 :  » Je confirme que je vais partir  »

Après le match au Standard, il y a une discussion entre l’entraîneur et ses patrons. Rednic leur confirme, les yeux dans les yeux, qu’il s’en ira si la politique ne devient pas plus ambitieuse. Il signe définitivement son arrêt de mort.  » On avait prévu de le rencontrer après la phase classique pour évoquer l’avenir mais là, il a pris les devants « , poursuit le directeur.  » Ce n’était pas la peine d’attendre la fin de saison pour le licencier, à partir du moment où on savait qu’on ne pouvait pas continuer avec lui. Autant changer d’entraîneur dès maintenant et commencer à préparer déjà la saison prochaine. C’est comme ça dans n’importe quelle entreprise : si quelqu’un ne se sent plus bien, il vaut mieux qu’il parte rapidement.  »

Quand tout allait bien, en début de championnat, Paul Allaerts nous avait dit que Mircea Rednic avait  » l’ADN de Mouscron.  » Il ne l’aurait donc plus ?  » Je confirme qu’il a l’ADN pour ce club. Il plaît aux supporters, il a remis le feu dans l’équipe et dans tout le club. Pendant un long moment, il a réussi à faire jouer l’équipe à 110 % de son potentiel. Et les joueurs étaient toujours derrière lui, ça s’est bien vu dans notre match au Standard. Il n’avait pas que des amis dans le vestiaire, évidemment. Il peut être cynique, lancer des petites piques que certains n’acceptent pas. Il m’a dit un jour qu’il s’inspirait de Robert Waseige, qu’il a eu comme coach au Standard, pour manier cet humour particulier. Mais à côté de ça, il y a eu la longue période pendant laquelle les joueurs n’étaient plus qu’à 90 ou 95 %, ça explique notre passage à vide.  »

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