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Pourquoi Luzon a été viré

L’entraîneur israélien n’a pas su redonner de l’élan à un noyau du Standard encore marqué par la perte du titre et amputé de plusieurs cadres. Voici les raisons de son éviction.

Tout a commencé juste avant les play-offs. En prolongeant son entraîneur, Guy Luzon, déjà en perte de vitesse, Roland Duchâtelet avait voulu renforcer l’autorité de son entraîneur sur le groupe, et éloigner la pression médiatique de plus en plus lourde afin d’aborder la dernière ligne droite et les play-offs en toute sérénité. Mais, en agissant de la sorte, le président du Standard prenait également un risque, se privant du dernier garde-fou (un contrat expirant en juin) en cas d’échec éventuel. Le Standard était alors en tête de la D1 mais montrait quelques signes de fléchissement.

Quelques semaines plus tard, la donne avait complètement changé en bord de Meuse. Le Standard avait loupé ses play-offs et la tactique trop prévisible de Luzon, tout comme sa gestion du dossier Michy Batshuayi (qu’il défendait trop) étaient clairement pointés du doigt. Le président Duchâtelet avait publiquement émis quelques doutes sur les capacités de Luzon mais se retrouvait coincé par cette prolongation de contrat. Un licenciement lui aurait coûté trop cher. RD a certes pensé refourguer Luzon à Charlton mais a finalement abandonné l’idée, avant de finalement maintenir l’entraîneur israélien dans ses fonctions.

Luzon commençait la campagne actuelle en étant en quelque sorte déjà discuté, lui qui restait pourtant sur un titre de vice-champion, le meilleur résultat de l’ère Duchâtelet. Vous ajoutez un mercato bouclé bien trop tard (et peut-être bâclé au vu de la prestation de certains joueurs), et le départ massif des cadres des deux dernières saisons (Batshuayi, William Vainqueur, Imoh Ezekiel, Kanu, Daniel Opare, voire même Yoni Buyens qui rendait de précieux services quand il était utilisé) et vous obtenez les explications d’un début de saison complètement raté.

Mais cela oblitère-t-il pour autant totalement Guy Luzon ? Non. Même si les événements peuvent lui servir de circonstances atténuantes, elles ne suffisent pas à décharger Luzon de toute responsabilité. S’il avait reçu ses transferts en juin ou au début juillet, on lui aurait demandé d’être prêt en début de championnat, soit un mois plus tard. Luzon a reçu ses transferts fin août et le 19 octobre, il n’était toujours pas en mesure de proposer le moindre football. Sans doute tétanisés par une ambiance délétère, les joueurs du Standard n’ont absolument rien montré face au dernier du championnat, Zulte Waregem, se créant leur première occasion à la 38e minute ! A domicile !

Choix critiqués et tactique trop prévisible

Après les lourdes défaites à Ostende et le partage face au Lierse (2-2), vécu comme une défaite puisque les Rouches menaient 2-0, Luzon avait privilégié une plus grosse organisation défensive en resserrant les lignes à Feyenoord et à Bruges. Avec au bout du compte, deux défaites, certes, mais deux défaites méritoires. Mais contre Zulte Waregem, les brèches défensives et l’apathie offensive ont réapparu.

Mais que reproche-t-on exactement à Luzon ? D’abord des choix bizarres. Celui de mettre Astrit Ajdarevic à droite contre Mouscron ou de faire trop souvent confiance à Samy Mmaee, dont même les entraîneurs de jeunes disent de lui qu’il n’est pas encore prêt pour le haut niveau. Le fait que Mmaee bénéficie des conseils du même agent que Luzon (Dudu Dahan) n’a fait que renforcer la colère du noyau. Après le match contre Mouscron, certains joueurs se sont plaints auprès du coach israélien en lui disant « qu’il jouait avec leurs primes ».

Certains défenseurs se demandent également pourquoi il maintient aussi longtemps dans les buts Eiji Kawashima, en totale perte de confiance, alors que Yohann Thuram, acheté en août 2013 pour devenir numéro un, trépigne d’impatience sur le banc. Le choix d’Adrien Trebel, médian défensif, pour occuper le flanc droit à Bruges – passé inaperçu puisque Trebel a été replacé très vite suite à l’exclusion d’Ejong Enoh – a également été très peu compris.

Autre reproche : sa tactique. Adepte du 4-4-2, sa philosophie de jeu rapide et vertical, cherchant la profondeur, avait fait merveille début de campagne 2013-2014, grâce à la vivacité des deux flèches, Batshuayi et Ezekiel. Mais une fois ce schéma intégré puis contré par les adversaires, le Standard semblait incapable de développer un plan B. L’année passée, on a vu des équipes comme OHL ou Charleroi contrer le Standard.

Bruges l’a fait à deux reprises en phase classique. Cela aurait dû alerter Luzon. Or, celui-ci ne s’est jamais départi de sa philosophie. Résultat : lors des play-offs, là où la bataille tactique devient décisive, le Standard s’est écroulé.

Sa tactique fut de nouveau remise en question cette saison. Malgré le départ de Batshuayi et Ezekiel, Luzon a maintenu un 4-4-2, et n’a pas su utiliser les qualités de ses avants. Combien de centres avons-nous pu constater afin de chercher la tête d’Igor de Camargo ? Peu. Beaucoup trop peu. Ce n’est que face à Zulte Waregem que Luzon a modifié ses batteries, passant en 4-5-1 (mais sans De Camargo !).

La plupart des joueurs se rendaient compte que le fonds de jeu n’était pas terrible et auraient aimé travailler davantage le schéma offensif (au lieu de privilégier l’organisation défensive).

Le groupe a toujours soutenu Luzon

Est-ce pour autant que le groupe avait lâché Luzon ? Non. Alors que le maintien de Luzon à la tête du Standard ne tenait qu’à un fil depuis plus d’un mois, le groupe ne l’a jamais saboté, aimant trop la liberté qu’il leur laissait en dehors du terrain. Car Luzon n’est ni un coach autoritaire, ni un adepte d’une discipline de fer. Il n’a pas l’habitude non plus de surcharger son programme d’entraînement.

Cela lui avait plutôt bien réussi la saison passée : il a un groupe réceptif à ses méthodes et qui a toujours eu du répondant sur le plan physique. En 2013-14, l’écroulement de fin de saison était plus mental que physique, même si l’équipe avait dû chercher son second souffle juste avant les play-offs.

Enfin, même s’il avait compris qu’il s’agissait de son talon d’Achille et qu’il s’en défendait de plus en plus, il était clair qu’il n’offrait pas à ses joueurs assez de background concernant l’adversaire. Contrairement à Mircea Rednic qui détaillait abondamment forces et faiblesses de chaque joueur adverse, Luzon ne passait que cinq à dix minutes à évoquer l’adversaire. En commençant le match, certains défenseurs latéraux ne savaient même pas si leur adversaire direct était droitier ou gaucher !

Cependant, le comportement de ses troupes face à Zulte Waregem montrait qu’il n’arrivait plus à donner envie à ses joueurs. Or, il s’agissait de sa marque de fabrique lorsqu’il est arrivé à Sclessin. Peu habitué à voir un coach aussi volcanique en bord de touche, les joueurs affirmaient être galvanisés par ce comportement. A l’époque, ils avouaient « qu’ils ne pouvaient pas se cacher sur un terrain alors que le coach mouillait autant le maillot ».

Aujourd’hui, l’attitude corporelle de Luzon prêtait à sourire et laissait pantois le noyau. Certains joueurs nous avaient affirmé ne pas comprendre les consignes, noyées par toutes ces gesticulations.

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