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Nicolas Raskin, 1er joueur belge né après l’an 2000 à faire ses débuts parmi l’élite

Un jeune anonyme parachuté dans le foot pro, c’est le nouveau quotidien de Nicolas Raskin, premier joueur né après l’an 2000 à avoir fait ses débuts en Jupiler Pro League. Analyse d’un phénomène centennal.

N’avoir entendu parler des attentats du 11 septembre 2001 qu’à travers des commémorations annuelles, n’avoir aucun souvenir précis de la demi-lune en forme de coupe de cheveux de Ronaldo le Brésilien lors du Mondial asiatique de 2002 et être encore un peu trop jeune que pour s’insurger du coup de boule de Zinédine Zidane en finale du Mondial 2006. En résumé : être né après le 1er janvier 2000.

Dans la bouche de Nicolas Raskin, premier joueur belge né au XXIe siècle à avoir eu droit à son baptême du feu en Pro League, cela ne signifie en fait pas grand-chose. Normal, pour un adolescent de son temps qui résume avant tout le XXe siècle à des  » souvenirs de ma famille, à la musique des années 80 ( sic) ou à la carrière des grands joueurs de foot « .

Le teenager ne s’attendait sans doute pas à ce qu’une simple date de naissance le projette ainsi de plein fouet dans l’arène médiatique le 10 février dernier, suite à ses sept minutes de jeu disputées avec Gand contre Saint-Trond.

D’autant que c’est avec un peu de retard, comme souvent, que la Pro League a pris le train en marche. Deux ans et demi après le championnat islandais qui découvrait, en octobre 2015, le jeune Saevar Atli Magnusson, né le 16 juin 2000 et premier joueur de la planète football né au XXIe siècle à faire ses débuts dans un championnat d’élite, la Belgique passait à son tour un sacré cap. Anodin dans le fond, fascinant sur la forme.

Si un parachutage à 16 ans et 352 jours (l’âge exact du petit Nicolas à ses débuts) dans l’élite de son football national n’est pas un gage de réussite, il offre déjà certaines garanties. Demandez à Youri Tielemans (16 ans et 2 mois), Romelu Lukaku (16 ans et 3 mois), Mousa Dembélé (16 ans et 9 mois) ou Thibaut Courtois (16 ans et 11 mois) pour ne citer que les exemples les plus récents d’insolentes réussites.

Honnêtement, quand son nom m’est revenu pour la première fois, je n’aurais jamais imaginé une pareille évolution  » – Manu Ferrera

D’autres, bien plus majoritaires, se sont évidemment égarés sur la route du succès mais tous avaient en commun ce que les spécialistes aiment appeler une  » puberté avancée « .

Maturité physique

Né le 23 février 2001, Nicolas Raskin appartient lui aussi à ces jeunes adultes qui ont décidé de grandir plus vite que les autres. Il symbolise aussi partiellement la faillite actuelle d’une génération 2000 supplantée par ses cadets. Car s’il est une chose surprenante et propre à une forme de surréalisme à la belge, c’est que le premier joueur du XXIe siècle à avoir intégré l’élite de notre football national ne soit pas un enfant de l’an 2000 mais bien un produit de la génération 2001, réputée plus talentueuse.

 » Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de grands talents chez les 2000 « , calme d’entrée Bob Browaeys, actuel entraîneur des U16 à la Fédération belge.  » Cela signifie juste qu’à l’heure actuelle, il n’y en a pas encore un qui sort du lot.  »

Sortir du lot, comprendre, avoir un corps d’adulte, déjà formé, à moins de 17 ans. Un don de dame nature qui permet à certains footballeurs d’éclore très jeune au plus haut niveau avant de, bien souvent, peiner à confirmer. Beaucoup de formateurs réputés s’accordent à le dire, les qualités techniques et/ou tactiques occultent rarement les aptitudes physiques à la sortie de l’adolescence.

 » Il suffit de comparer le cas de ces jeunes hommes précoces à des joueurs  » late mature « , comme Dries Mertens ou Yannick Carrasco « , synthétise Browaeys.  » Ils étaient déjà très doués à 17 ans mais ils baignaient dans un corps d’enfant. Certains clubs sont parfois pris de panique et ne prennent pas le temps de laisser grandir ces jeunes talents.  »

Sauf quand ceux-ci font l’unanimité, comme un Eden Hazard à l’époque, encensé dès le plus jeune âge, malgré un physique encore imparfait. Des cas exceptionnels qui ne peuvent servir de point de repère. Avec son 1,74 m et ses 72,5 kg, Nicolas Raskin appartient plus certainement à la première catégorie. Une maturité physique avancée, couplée à des résultats scolaires prometteurs qui suffisent à cerner la singularité du personnage.

Surclassé partout

 » Je suis en 6e humanité à l’école ( il devrait être en 5e, ndlr) mais je n’ai jamais sauté de classe « , tente de tempérer le principal intéressé.  » On ne peut donc pas vraiment dire que je sois un surdoué, juste quelqu’un qui a commencé l’école plus tôt et pour qui ça a toujours bien fonctionné.  »

Élève surclassé, footballeur en avance, les tentations de voir là un adolescent pas comme les autres sont pourtant nombreuses. De là à en faire le footballeur du futur et le prochain porte-drapeau de la génération 2000, il y a peut-être encore un pas de trop. Néanmoins, la trajectoire interroge aux quatre coins du Royaume.

Capitaine des U16 à Anderlecht la saison dernière, le Waremmien, aussi passé par le Standard, est bien connu des réseaux de recrutement belge depuis plusieurs saisons déjà. Dragué avec insistance par les Buffalos encore sous la férule de Hein Vanhaezebrouck l’été dernier, Nicolas Raskin finit par se laisser séduire par les arguments gantois. Ils lui promettent une incorporation directe au noyau des U21, avec la perspective, à moyen terme, d’intégrer le groupe A.

Dans le même temps, à Anderlecht, René Weiler ne sait même pas qui est ce jeune Raskin dont on dit le plus grand bien partout en Belgique. L’entraîneur suisse ne s’est jamais caché de ne pas trop s’intéresser à ce qui se passait dans les coulisses à Neerpede. Un positionnement stratégique qui aura finalement raison du clan Raskin, drivé par l’inévitable Mogi Bayat.

La préparation estivale convaincante qui suit son arrivée chez les Buffalos finit par persuader HVH de lui laisser sa chance avec le noyau A. Raskin en profite, grappille une présence sur le banc gantois fin août 2017 et se met à rêver d’une première apparition chez les pros avant ses 17 ans.

Petit frère

 » Honnêtement, quand son nom m’est revenu pour la première fois, je n’aurais jamais imaginé une pareille évolution « , raconte Manu Ferrera, directeur de l’école des jeunes à Gand.  » D’abord, parce que je ne pensais pas qu’on arriverait à attirer le capitaine des U16 anderlechtois, ensuite, parce que je ne me rendais pas compte moi-même du potentiel du joueur. À la limite, je comprenais que le club veuille l’attirer pour l’incorporer aux U17, pourquoi pas aux U21 mais jamais avec l’équipe première. Ça, c’était du Hein tout craché. Une idée brillante mais du Hein tout craché !  »

Une idée lumineuse et validée par l’entraîneur qui le connaît le mieux, en la personne de Thierry Siquet, son coach chez les U17 belges, avec qui il évolue depuis deux ans dans les équipes d’âge de la Fédération.  » On ne peut même pas s’étonner qu’un joueur déjà bien armé physiquement et doté d’une intelligence rare dans le milieu ait un peu d’avance sur ses petits camarades « , plaide le Hutois.  » C’est important d’avoir des modèles qui puissent tirer les autres vers le haut dans un groupe et, grâce à ses premières minutes en Pro League, c’est ce que Nicolas est en train de devenir pour nous.  »

Un jeunot qui sait ce qu'il veut.
Un jeunot qui sait ce qu’il veut.© BELGAIMAGE

Un point de repère aux allures de boute-en-train moderne, à en croire ses coéquipiers gantois cette saison. Forcément considéré comme le petit frère de tout le groupe, Nicolas s’est néanmoins rapidement fait une place de choix à la table dite des francophones, aux côtés de Dylan Bronn, Samuel Gigot, Damien Marcq (entre-temps passé à Zulte Waregem) ou Noë Dussenne.

 » C’était impressionnant de le voir débarquer dans le groupe cet été avec cette assurance folle pour un gamin de son âge « , se souvient ce dernier.  » On a tout de suite vu qu’il était très mature, que ce soit dans son jeu ou dans sa manière d’être, de se comporter. À la limite, c’est parfois nous qui devons mettre le holà pour lui dire de se calmer un peu ( rires). Mais lui, ça l’amuse. Il est comme ça, c’est un bosseur invétéré mais qui a cette capacité de donner l’impression de tout faire en s’amusant. S’il rate quelque chose, il recommencera mais toujours avec le sourire.  »

On a tout de suite vu qu’il était très mature, que ce soit dans son jeu ou dans sa manière d’être « . – Noë Dussenne

Plus agressif

Un sourire de circonstance pour un ado en pleine ascension, qui semble profiter de chaque instant.  » Ça m’a surpris de voir la joie immense qu’il a prise à retrouver le groupe des U17 lors de notre récent stage en Espagne à la mi-février, quelques heures seulement après avoir fait ses débuts avec Gand « , confesse Thierry Siquet.

 » C’était marrant de voir cet ado habitué à vivre dans un environnement d’adulte avec Gand prendre tout d’un coup un malin plaisir à retomber en enfance à la moindre occasion. On sentait qu’il profitait de chaque moment. Comme s’il savait que c’était aussi peut-être les derniers…  »

En Espagne, Siquet retrouve un joueur qui plaît à s’infantiliser mais qui a aussi grandement progressé en quelques mois. Plus dynamique, plus agressif aussi dans son jeu, Nicolas Raskin apprend vite, très vite et sait où il va. Fils de Thierry Raskin (ex-Standard et Cercle Bruges), dans le portefeuille de Mogi Bayat, dans les petits papiers de Hein Vanhaezebrouck il y a encore quelques mois, et désormais sous la coupe d’ Yves Vanderhaeghe, le joueur a aujourd’hui toutes les cartes en main pour faire une brillante carrière.

 » Je le souhaite plus que tout. Mais d’abord, il faut que je termine mes humanités pour pouvoir ensuite me consacrer totalement au foot. Si ça ne marche pas comme je veux, il me restera encore la possibilité de poursuivre des études.  »

Le discours est limpide, visiblement bien rodé. Celui d’un garçon de son temps, finalement.  » Ce que représente le XXIe siècle pour moi ? Toute ma vie, mon époque, mes amis de toutes les cultures, nos langages, nos musiques, nos snaps, c’est Liège, Bruxelles et Gand maintenant. Et puis, c’est mon futur aussi.  » Sacré flow, joli programme. On a déjà hâte de voir la suite.

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