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« Modifier ton équipe en fonction de l’adversaire, tu ne peux pas faire ça à Anderlecht »

Thomas Bricmont

Philippe Albert et Marc Degryse, deux figures légendaires de la maison mauve, passent à table et portent un regard critique sur l’actualité mouvementée d’une ex qu’ils n’ont jamais véritablement quittée. Extrait.

Est-on trop critique avec Anderlecht ?

ALBERT : C’est logique d’être critique avec Anderlecht. En Angleterre, c’est la même chose avec Manchester United, même chose en Allemagne avec le Bayern.

DEGRYSE : La défense habituelle de Herman (Van Holsbeeck, ndlr), c’est d’avancer son palmarès sur les 13 dernières saisons. Mais si tu ne te défends qu’avec des chiffres, tu arrives à des problèmes comme ils ont connu ces dernières semaines.

Qu’est ce-que Weiler recherche comme profil selon vous ?

DEGRYSE : Il voudrait onze joueurs comme Teodorczyk.

ALBERT : Mais tu ne peux quand même pas jouer à Anderlecht avec onze marathoniens. Pour moi, le talent est là. Mais le rôle d’un coach, c’est de sortir un max de ses joueurs. Il n’y est pas arrivé suffisamment. En contrepartie, quand t’es chouchouté depuis des années, même en équipe d’âge, il faut du temps pour changer. Je trouve qu’Anderlecht devrait lui foutre la paix.

DEGRYSE : Philippe, tu es convaincu qu’avec Weiler, ça peut fonctionner ?

ALBERT : Oui, totalement. Ce serait con d’aller chercher un jeune entraîneur prometteur et de le virer dès que ça ne fonctionne pas. Alors on est reparti pour le même carrousel de coaches. Weiler connaît le foot, il a de bonnes idées mais il doit être plus soft et avoir moins cette rigidité suisse-allemande. Avec certains joueurs tu peux le faire mais pas avec tous.

DEGRYSE : Ce serait effectivement dommage de s’en séparer après l’avoir soutenu dans ses conflits avec Okaka ou De Maio. Mais le plus gros problème, c’est que Weiler ne croit pas suffisamment dans son groupe, en tout cas pas suffisamment pour être champion.

Philippe, tu ne fais donc pas partie de la meute des anti-Weiler ?

ALBERT : Non, pas du tout. C’est un jeune entraîneur qui doit encore apprendre et se perfectionner mais il faut lui laisser le temps.

DEGRYSE : Anderlecht a beaucoup de points quand tu vois le jeu produit, ils peuvent même être contents d’être sixièmes.

Qu’est ce-que vous avez noté comme manquements dans le jeu des Mauves cette saison ?

DEGRYSE : Ce qu’il a fait avec Deschacht à Bruges, ce n’est pas déterminant. Mais si un coach belge fait ça en mettant à droite un joueur dont on sait qu’il n’a qu’un pied… C’est incompréhensible.

ALBERT : A Zulte, pourquoi changer de dispositif alors qu’Anderlecht n’avait pas été mauvais ?

DEGRYSE : Weiler voulait plus de contrôle sur le jeu mais c’est l’effet inverse qui s’est produit.

ALBERT : Modifier son équipe en fonction de l’adversaire, tu ne peux pas faire ça à Anderlecht. Ce qu’il doit régler comme problème, c’est la paire Stanciu-Hanni notamment. Le Roumain est un meneur de jeu, il doit jouer dans l’axe et Sofiane doit occuper le côté gauche de l’entrejeu. Il a trop de fois tâtonné. Stanciu, en tout cas, ne sait pas jouer sur les côtés. C’est comme si t’avais fait jouer Marc (Degryse, ndlr) sur les côtés : tu ne sais pas en tirer le maximum.

DEGRYSE : Weiler est un peu borné. Il a une idée de jeu et il ne veut pas la modifier. Il risque de tout perdre et d’avoir, à la fin, tout le monde contre lui.

Vous voyez où Weiler veut en venir ?

DEGRYSE : J’ai dit à Weiler que je ne voyais pas le style de jeu qui se dégageait. Son idée directrice, c’est de mettre la pression sur l’adversaire mais il dit ne pas avoir les joueurs pour le faire. Pour lui, il n’y a que Teodorczyk qui est capable de faire le bon pressing. Le reste, ce n’est pas suffisant. Il disait qu’il n’y avait qu’à Rostov où ils avaient été capables de le faire. Et, pour lui, la perte de Defour a été un sérieux handicap.

ALBERT : Avec les joueurs qu’il a, pourquoi ne pas davantage jouer en 3-5-2 ? Tu offres moins d’espace à l’adversaire et tes deux attaquants monopolisent l’attention de trois défenseurs adverses. Et là, tu joues un peu plus haut.

DEGRYSE : On parle du jeu qui n’est pas bon depuis trois saisons. Certains remontent à plus loin encore. Et ça rajoute à la difficulté de Weiler car les supporters deviennent impatients puisqu’ils n’ont pas été gâtés. Herman a quand même parlé tout un temps de Foot Champagne mais depuis plusieurs années, ça a été au mieux du Cava et trop souvent de l’eau pétillante. Si tu en bois trop, tu en as marre mais de temps en temps du champagne c’est quand même bon (il rit). Pour moi, la direction n’est pas assez consciente de ce que le public veut. Elle se défend avec des chiffres mais ce n’est pas suffisant.

Par Thomas Bricmont

Retrouvez l’intégralité de l’interview de Marc Degryse et Philippe Albert dans votre Sport/Foot Magazine

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