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« Marc ne va pas faire de nous des orphelins »

Samedi, à 18 heures, Ostende accueille Anderlecht en l’absence du propriétaire des deux clubs: Marc Coucke sera en vacances à Dubaï. À l’approche de la passation de pouvoirs, quel regard les Côtiers jettent-ils sur les événements ?

7/2/2018 – Le KV Ostende confirme avoir trouvé un repreneur

Le KV Ostende a confirmé mercredi soir, 7 février, qu’un repreneur avait été trouvé pour le club côtier. Il sera présenté lors d’une conférence de presse qui débutera jeudi à 14h30.

Plus tôt dans la soirée, Marc Coucke, l’actuel président du club côtier, avait annoncé avoir trouvé en repreneur pour le KV Ostende en tweetant un bref « Deal » suivi de trois coeurs aux couleurs du KVO (vert, rouge et jaune).

Jeudi midi, les seniors du KVO tenaient leur réunion mensuelle. L’invité d’honneur était René Menu, désormais âgé de 82 ans, président d’honneur du KVO et dernier président de l’AS Ostende.  » L’AS, c’était la mère du KVO « , dit-il. C’est l’AS qui a amené Coucke au football à Ostende.  » Ses parents avaient un appartement ici et, à l’âge de six ans déjà, il venait voir. Il me dit encore souvent : René, tu as été mon premier président.  »

Menu dit être un ami. Le jour où Coucke a expliqué son plan de reprise d’Anderlecht en conférence de presse, il était présent au match à Waasland Beveren en compagnie d’une délégation du club : Patrick Orlans, Luc Devroe, le sponsor Luc Willems et quelques autres.  » Nous étions dans la loge où nous devions manger avec les gens de Beveren et nous nous demandions tous si Marc allait arriver « , dit-il.

Coucke est arrivé et Menu en a profité pour faire un speech :  » Je l’ai scindé en trois parties « , dit-il.  » J’ai dit : avant tout, Marc, tu vas nous manquer en tant qu’homme. Et je le répète aujourd’hui, alors que son départ est proche. Marc est ludique, amusant, c’est un vrai supporter, dynamique et populaire. Il sait s’amuser même quand on perd, nous ne trouverons plus jamais un homme pareil. Je me demande, s’il fait ça à Bruxelles, comment ce sera perçu. Je ne sais pas comment il va s’y comporter. J’espère pour lui qu’il ne changera pas.  »

Menu est également un homme de chiffres, un économiste, ex-directeur de l’école d’hôtellerie.  » Dans mon discours, j’ai aussi dit à Marc que nous devions le féliciter en tant qu’entrepreneur. Il a de l’argent mais aussi une saine ambition. Ça lui a permis de faire quelques petits investissements et de sauter dans le TGV qui passait. Dans la vie, ça n’arrive peut-être qu’une fois. Il en a profité pour acheter 70% des actions d’Anderlecht pour 80 millions.  »

Mais il y a un mais… Dans le troisième point de son speech, il a laissé parler son coeur de président d’honneur.  » J’ai dit : Marc, j’espère que tu quitteras Ostende dignement et que tu utiliseras tes relations à tous les niveaux pour ne pas nous laisser à l’abandon. Nous devons pouvoir poursuivre avec la structure qu’il a mise en place. J’entends dire qu’il s’en occupe et, s’il y parvient, je lui en serai éternellement reconnaissant. Peut-être quelqu’un achètera-t-il 51% des actions et que le reste sera revendu à de petits actionnaires, c’est possible. Ou que quelqu’un achètera 91% car il veut garder 9%. C’est écrit dans le PV d’une réunion avec Orlans et Devroe.  »

Marc a fait du KVO un produit qui est pratiquement invendable. – Philippe Develter

Mauvais timing

Ce qu’il regrette, dans toute cette histoire, c’est le timing.  » Anderlecht n’a pas pu transférer cet hiver et nous non plus. À Anderlecht, Roger n’a rien fait par loyauté envers Marc et ici, Marc n’a rien fait par loyauté envers Ostende. Mais avec ça, nous ne sommes nulle part et c’est dommage. Une telle reprise aurait dû avoir lieu en fin de saison. C’est ce qui se serait passé si le gouvernement n’était pas en train d’étudier un impôt sur la plus-value lors de la revente d’actions.  »

Il n’a aucun reproche à faire à Marc Coucke.  » Nous comptons sur son fair play. C’était le sentiment qui régnait jeudi lors de l’assemblée des seniors, où on a posé des tas de questions. Patrick est compétent, notre politique commerciale est bonne. Nous partons du principe que Luc va partir à Anderlecht. Par le passé, nous travaillions avec un directeur sportif amateur. Mais les transferts ne sont pas une science exacte.

Il y en a de bons et de moins bons mais la structure est là, les managers sont là, le nouveau stade est là, la salle de fêtes aussi… Nous n’avons pas le potentiel suffisant pour devenir un grand club. Ce qui s’est passé l’année dernière, c’était un accident de parcours, il n’est pas évident de se qualifier chaque année pour les play-offs 1. Ni pour nous, ni pour Lokeren, ni pour Waasland Beveren, ni même pour Genk. Mais nous pouvons espérer nous installer entre la 8e et la 12e place. Si tout se passe bien, ce sera encore le cas cette saison.  »

Et quel que soit le nouvel homme fort, Menu ne craint pas les étrangers.  » À 82 ans, j’ai compris que l’avenir, c’était la globalisation et la digitalisation. Pour des gens comme Patrick et Luc ou son successeur, il faut que la mayonnaise prenne. C’est une question psychologique, humaine. Avec Marc, tout marchait incroyablement mais que le nouveau CEO vienne de Tokyo ou de Shanghai, je m’en fous.  »

Reproches

En ville, les rumeurs au sujet des repreneurs vont bon train. Manchester City ? Ce nom a surgi parce que Patrick De Koster est un bon ami de Luc Devroe.  » Nous en avons parlé très rapidement et spontanément, sans plus « , dit De Koster.  » Je pense que d’autres gens sont concernés actuellement.  » Patrick Orlans confirme :  » Nous allons trouver une solution. Peut-être pas avant la date butoir pour la commission des licences mais ce qui compte, c’est de trouver une bonne solution, pas de tout faire à la hâte.  »

Cette solution est-elle liée au groupe Versluys ? Ce n’est possible que si le magnat de la construction locale rachète le club en nom propre car son groupe appartient pour 50 % à Coucke et c’est interdit par l’Union belge. La famille Desimpel… Les enfants sont déjà très occupés par le Wellington et ne sont pas fans de football.

Les amis d’antan pourraient-ils donner un coup de main ? Philippe Develter, une vieille connaissance de Coucke, est président du Hermes Volley. Par le passé, il a été pendant dix ans vice-président du club et possède encore des business-seats. Il est également issu du secteur pharmaceutique. Lorsque Coucke a commencé à reprendre des entreprises, Develter a investi avec lui. Il affirme qu’il lui doit beaucoup.

 » Je le connais, je sais qu’il est ambitieux. Le seul reproche que je puisse lui faire, c’est qu’il avait promis de rester dix ans et qu’il part après trois ou quatre ans. A-t-il mangé sa parole ou est-ce une question d’opportunité ? Vous ne m’entendrez pas dire du mal de lui car nous lui devons beaucoup. Mais c’est un coup de fouet.

Un homme s’en remet mais c’est dommage pour la ville et le club. Les pires réactions sont passées mais le football… C’est de l’émotion. Et les émotions ne se vendent pas. Si Marc vendait Pairi Daiza, personne ne dirait rien. Au contraire, on trouverait ça formidable. Mais un club de foot, c’est plus sensible, surtout pour le noyau dur. Pour eux, Marc est un traître, un Judas, ça fait mal d’entendre ça. Je crains qu’il ne puisse plus jamais prendre place parmi les supporters.  »

Vieilles gloires

Il affirme qu’il y a vingt ans, Coucke a déjà été dirigeant d’Ostende et que, à l’époque déjà, il disait qu’il fallait négocier le club comme des actions.  » On se moquait de lui mais c’est dans cette direction que le football a évolué « , dit Develter.  » Et quelle que soit la valeur de ces actions… Je ne suis pas intéressé.

On dit parfois que les vieilles gloires ostendaises doivent revenir. On a discuté avec Eddy Vergeylen, avec Desimpel mais Marc a fait du KVO un produit qui est pratiquement invendable. Il a raison quand il dit qu’il a fait en trois ou quatre ans ce qu’il voulait faire en dix ans. Mais je pense qu’il a brûlé certaines étapes.  »

Dans son livre A Short History of Celebrity, Fred Inglis parle du star system à Hollywood.  » Where celebrity is, there is always money » , dit-il. Cela vaut aussi pour le football. La force d’attraction d’un personnage connu comme Coucke a amené de l’argent à la côte. C’est là qu’il faut trouver une solution.

Develter exprime ses craintes :  » Par le passé, le club a connu beaucoup de hauts et de bas : l’époque d’Eddy, le club familial, lorsqu’on approchait ce que j’appelle la classe moyenne locale : Desimpel, Verdonck, De Bruycker, Tavernier, moi, quelques comptables, un avocat. Si on franchit un pas et qu’on professionnalise, nous ne sommes plus que des crevettes.

Il faut de plus gros sponsors, extérieurs à la Flandre occidentale. Les Verandas Willems, de grandes banques, de gros capitaux. Et les locaux de la première heure sont mis à l’écart. Nous avions juste quelques sièges et nous devions nous battre pour rester assis au milieu de la tribune. Puis des gens qu’on n’avait plus vus depuis 20 ans venaient nous bousculer, avec leurs femmes toutes pimpantes alors que nous étions là dans les bons comme dans les mauvais jours depuis vingt ou vingt-cinq ans. Nous avons dû mordre sur notre chique.

Le danger, si on doit faire le chemin en sens inverse, c’est qu’il sera difficile de remotiver les gens du passé, je le crains. Les discussions qui ont lieu maintenant… Je pense que les gens ont été très polis en parlant avec Marc mais délieront-ils les cordons de la bourse ? C’est une autre question… Ils resteront fidèles, garderont leurs sièges de 1.500 ou 3.000 euros et quelques panneaux publicitaires mais ce n’est pas eux qui constitueront le groupe de 40 personnes ou je ne sais pas combien il en cherche qui doit permettre de conserver 40 % des actions dans des mains locales.

À quel prix ?

Et l’industrie, à Ostende… C’est une région pauvre, moins riche que Roulers. De plus, nous sommes dirigés par un Soviet, Vande Lanotte, qui attire de nombreux sponsors au basket. La seule firme puissante d’Ostende, Daikin, met beaucoup d’argent au Club Bruges. Il n’y a pas beaucoup d’alternatives, à moins que quelqu’un arrive de l’étranger. Mais un Russe, un Arabe ou un Chinois s’intéressera-t-il à un club comme Ostende ? Et surtout, à quel prix ?

Le Club Bruges a été vendu pour 15 millions d’euros, Courtrai pour trois millions. On peut difficilement demander 40 millions pour Ostende. Marc va sans doute très bien emballer l’histoire, c’est un crack et généralement, ça marche. Mais évaluer le potentiel joueur actuel à 30 millions d’euros, ça me paraît un peu exagéré.  »

Selon un insider, il vaudrait plutôt huit millions. Samedi, Coucke ne sera pas là. Il avait prévu un voyage à Dubaï. Il ne part pas souvent en vacances mais c’est le congé de carnaval et il veut consacrer un peu de temps à ses enfants. Develter n’est pas surpris.  » En fait, il a déjà fait ses adieux. Contre Lokeren, il est parti directement après le match. J’ai eu l’impression que, contre Courtrai, il faisait sa tournée d’adieux. Ce soir-là, il était excité, il chantait sur le podium, faisait des farandoles, jouait au DJ et passait de table en table pour faire des selfies.  »

Le dernier mot revient à Eddy Vergeylen, l’autre président d’honneur.  » Ici, les gens disent : Allez Eddy, tu reprends la présidence ? Mais non. J’ai 73 ans, je suis trop vieux et je n’en ai pas les moyens. La différence avec avant est énorme. À l’époque, le conseil d’administration était composé de 15 personnes qui mettaient chacun un peu d’argent. Aujourd’hui, dans un club, tout le monde est salarié. Seul un Arabe ou un type richissime peut devenir président. Il est possible que des gens du coin fassent partie du conseil d’administration mais Marc va d’abord devoir trouver un actionnaire principal puis le reste suivra. C’est comme au Vatican, Monsieur : il faut attendre que la fumée blanche sorte.  »

 » Pour le noyau dur, Marc est un traître, un Judas, et ça fait mal d’entendre ça  » dit son ami Philippe Develter.© belgaimage

A-t-il un reproche à adresser à Coucke ?  » Personnellement, je le comprends mais en tant que supporter, mon coeur saigne. Après chaque match, je discutais avec lui mais nous parlions plutôt de femmes que de choses essentielles.  » Coucke n’avait-il pas promis de rester dix ans ?  » Promis… On promet tellement de choses, monsieur. On se marie et on dit : jusqu’à ce que la mort nous sépare mais bien souvent, ça arrive avant… Si Marc n’était pas passé par ici, le club n’en serait pas là. Il a construit quelque chose. Maintenant, c’est une question d’argent. Connaissant Marc, il va trouver une solution. Il ne va pas faire de nous des orphelins. Nous ne pouvons qu’espérer.  »

Infrastructure

Dans la reprise du club, il n’y a pas de patrimoine immobilier. Quelqu’un qui a l’habitude de négocier des reprises de club nous dit que ce n’est pas grave. Parfois, des acquéreurs potentiels ne sont intéressés que s’il y a de l’immobilier mais d’autres pas. Certains repreneurs s’intéressent plutôt à la situation ou aux règles en vigueur dans le pays où le club se trouve. Le marché belge reste intéressant tant que le championnat conserve un certain niveau et, surtout, tant qu’il offre des avantages fiscaux ou que les règles pour joueurs non issus de la communauté européenne restent souples.

En matière d’immobilier, la structure d’Ostende est assez compliquée. Le terrain appartient à la ville. Le vieux business club, construit au début des années ’90 par huit personnes, dont Aimé Desimpel, a été cédé à la ville, qui a repris la créance de la banque et à qui Ostende verse chaque année une location en fonction de la division dans laquelle il évolue. En D1, il paye davantage que lorsqu’il évoluait en D2 ou en D3. Coucke a acheté la nouvelle tribune pour laquelle il s’était porté garant auprès de la banque et qui a coûté environ 16 millions d’euros.

Ostende lui paye 800.000 euros de location chaque année et il en sera toujours ainsi à l’avenir car le patrimoine immobilier n’est pas compris dans la vente des actions. Actuellement, Coucke possède 97 % des parts. Le reste est dans les mains du fils d’un ancien administrateur et de l’épouse de celui-ci, entre-temps tous les deux décédés.

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