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 » LES U19 SONT TOUS TALENTUEUX MAIS PAS EXCEPTIONNELS « 

Ce jeudi, les U19 entament le parcours qui doit les conduire à l’EURO. Cette levée a atteint les demi-finales de l’épreuve en U17 et a été troisième du Mondial chilien. Possédons-nous une nouvelle génération en or ?

Le nom de Borko Veselinovic vous dit-il quelque chose ? Ou celui d’Alberto Bueno ? Sans doute pas, sauf si vous êtes un fanatique de football. En 2005, Borko Veselinovic a été couronné meilleur buteur de l’EURO U19 avec cinq goals mais le talent du Partizan n’a malheureusement pas fait carrière. Alberto Bueno a également marqué cinq goals dans un tour final. Le Madrilène, un grand talent du Real en 2006, a été une des figures marquantes de l’Espagne qui a été championne d’Europe à six reprises de 2002 à 2012. Élu meilleur joueur du tournoi 2006, le Madrilène se produit maintenant pour… Leganes. Bref, se distinguer à 19 ans ne constitue pas une garantie de succès.

Pourtant, ces jours-ci, les jeunes Belges rêvent du tremplin que peut constituer un tel tournoi. Pour se qualifier pour le tour final en Géorgie, du 2 au 15 juillet, ils doivent devancer la Suède, l’Italie et l’Irlande dans le mini-tournoi organisé cette semaine. Seul le vainqueur est qualifié mais les Belges ont un avantage : ils savent comment s’y prendre.

Cette génération s’est déjà qualifiée pour l’EURO U17 et le Mondial. Disposerions-nous d’une nouvelle levée en or ? Son entraîneur, Gert Verheyen :  » Non car ma sélection ne correspond pas tout à fait au noyau du Chili. C’est un phénomène classique : il peut se passer beaucoup de choses entre 17 et 19 ans. D’autres joueurs ont émergé. En outre, une sélection n’est jamais qu’un instantané. Ce n’est pas que nous ne reprenons plus des footballeurs qui ont livré deux mauvais matches mais d’autres sont apparus et il est difficile de les ignorer.

Les Gantois Louis Verstraete et Thibault De Smet ne faisaient pas partie des U17 mais font à présent partie du noyau. Louis Verstraete n’était pas titulaire en U17, où il était encore l’année passée mais il a accompli d’énormes progrès en l’espace d’un an. N’oubliez pas non plus qu’on peut convoquer 23 joueurs pour le Mondial mais seulement 18 pour ce tour d’élite. Si deux ou trois joueurs prennent la place d’autres, ça veut dire que huit protagonistes du Mondial ne sont pas repris.

Mais l’axe est resté intact ?

GERT VERHEYEN : Oui. Les piliers sont restés, soit Vancamp, Faes, Verreth et Rigo.

Deux d’entre eux jouent pour Jong PSV, en D2.

VERHEYEN : Oui, Lennerd Danneels joue très peu mais Verreth et Rigo sont titulaires.

Je le fais remarquer parce qu’ils disputent une compétition alors que les autres jouent en espoirs. Cela fait-il une différence ?

VERHEYEN : Enorme, même. Ils jouent toutes les semaines pour gagner, dans un vrai championnat, ils sont même en tête, ce qui n’est pas évident pour une si jeune équipe. Les autres n’ont pas cet avantage. Normalement, quelques éléments des U19 reçoivent leur chance en équipe A après le Nouvel-An mais c’est très limité cette fois. Thibault a joué un match à Lokeren avec Gand, Louis a reçu quelques occasions et Vancamp a pu jouer en coupe d’Europe à Anderlecht mais les autres ne disputent pas de championnat alors que ce serait l’idéal pour accomplir plus vite l’ultime grand pas.

 » LE PLUS IMPORTANT, C’EST LE TEMPS DE JEU  »

Avant, on retrouvait un joueur de Saint-Trond ou de Waasland-Beveren en espoirs…

VERHEYEN : J’ai un Trudonnaire : Steve Ryckaert.

Mais la plupart sont affiliés à de grandes équipes, ce qui complique leur passage en équipe A. Après le Nouvel-An, on pense aux PO1 puis au titre…

VERHEYEN : Certainement. Faire banquette ne compte pas. Ce qu’il faut, c’est du temps de jeu. Il faut aussi se demander pourquoi quelqu’un est sur le banc. S’il y a beaucoup de blessés… Touba a été plusieurs fois sur le banc au Club Bruges mais je ne l’ai pas sélectionné pour ce tour. De fait, c’est plus difficile quand on est dans une grande équipe. Encore que… Origi a aussi joué sous mes ordres alors qu’il était en équipe première de Lille. Puis tout s’est précipité. C’est le premier pas le plus difficile. Ceci dit, ce sont tous des joueurs talentueux mais ils ne sont pas exceptionnels. Car les talents exceptionnels jouent déjà en équipe première à 18 ou 19 ans. Le succès au Chili était beau mais il n’a pas été obtenu grâce à des talents individuels d’exception.

Bob Browaeys, leur sélectionneur, a tiré la même conclusion. Il trouvait ses joueurs très raisonnables, qualifiant même certains d’entraîneurs en devenir, de garçons qui pensaient déjà comme des entraîneurs.

VERHEYEN : Certains participent en effet à ma réflexion. Nous communiquons bien sur le plan tactique. Je leur pose des questions. Je ne me mets par sur une estrade pour leur faire un exposé ex-cathedra. Jusqu’à présent, ils ont très bien travaillé. Nous avons joué sept matches, dont trois de qualification, pour atteindre ce tour et nous en avons gagné cinq, pour deux nuls.

Vous avez gagné deux fois dans les ultimes minutes de jeu.

VERHEYEN : C’est aussi une qualité. Dans le match le plus important, contre la Russie, nous y sommes parvenus alors que nous étions en infériorité numérique et nous avons marqué selon notre style de jeu, pas simplement en balançant un ballon en avant. C’est également une qualité, pas seulement du bol. Ça en dit long sur leur caractère, leur engagement et leur esprit d’équipe. Ce sont des aspects qu’il n’est pas nécessaire de travailler.

 » LES JEUNES DOIVENT ÊTRE TACTIQUEMENT SOUPLES  »

Quelle sorte de footballeurs nous livrent nos clubs, actuellement ?

VERHEYEN : La formation de base s’est nettement améliorée partout, du moins depuis mon époque. Ils jouent tous très bien. C’est à cet âge qu’on passe du football de jeunes à celui des adultes et certains sont plus rapides que d’autres. Désormais, ils ne jouent plus pour le plaisir de jouer. En catégories d’âge, on voit souvent des espaces énormes. Maintenant, ils jouent dans un système prédéterminé, apprennent à défendre de manière compacte… Je dois dire qu’ils apprennent très vite. Ils ont toujours évolué en 4-3-3 alors que je pratique le 3-4-3. Nous avons beaucoup travaillé pendant le stage de septembre : dix entraînements, deux matches. Eh bien, après, j’ai vu de très bonnes choses. Regardez tous les buts que nous avons marqués… On y retrouve énormément d’éléments que nous avons exercés.

Est-ce toi qui as choisi cette tactique ou les directives viennent-elles d’en haut ?

VERHEYEN : C’est ma tactique préférée mais avant de l’appliquer, je vérifie que j’ai les joueurs qu’il faut. Les jeunes sont encore très modulables. J’ai fait la même chose il y a un an avec l’année 1997 et c’était bon aussi. Ils n’ont perdu qu’une fois en onze matches. Malheureusement, c’était le plus important. Je ne reçois pas de directives d’en haut, bien que l’équipe A évolue de la même façon pour le moment. Selon moi, à partir d’un certain âge, disons les U18, quand ils passent sous mes ordres, les jeunes doivent être tactiquement souples. Ils doivent avoir appris différentes tactiques, avoir joué de plusieurs façons ou s’y être entraînés. Comme ça, ils se sont pas trop dépaysés quand ils débarquent en équipe-fanion.

Sont-ils plus physiques qu’avant ?

VERHEYEN : C’est comme la maturité. Certains sont plus avancés que d’autres. Je constate en tout cas qu’ils disputent énormément de matches. Leur calendrier est aussi chargé que celui des adultes. Certains de mes jeunes ont encore disputé la semaine passée le tournoi de Viareggio. Ils ont pris l’avion lundi matin pour se présenter à notre rendez-vous l’après-midi et maintenant, ils vont disputer trois matches en cinq jours. Ils ont tous leur championnat, des tournois amicaux et, parfois, la Youth League. Mes titulaires jouent dix à douze matches internationaux par an en sus. Je trouve que c’est excessif.

 » L’ITALIE SERA L’ADVERSAIRE LE PLUS REDOUTABLE  »

Es-tu contre la Youth League ou le tournoi de Viareggio ?

VERHEYEN : Non. Toutes ces compétitions sont bonnes, prises séparément. Viareggio est un tournoi de qualité, comme la Youth League. L’équipe nationale est fantastique. C’est la combinaison de toutes ces compétitions et de l’école qui est lourde. J’essaie d’en tenir compte mais quand la situation est sérieuse, qu’il faut gagner pour pouvoir jouer l’EURO…

Parle-nous des adversaires : la Suède, l’Italie, l’Irlande, dans l’ordre.

VERHEYEN : Les cinq points du tour préliminaire nous ont placés dans le pot numéro quatre. La Suède avait neuf points, l’Italie sept. Nous étions dans une poule très ardue, avec une Finlande étonnamment forte et les Russes, demi-finalistes de l’EURO U17, comme la Belgique. Les Russes ne se sont pas qualifiés. La Suède aligne beaucoup d’immigrés mais c’est devenu classique. Elle était dans le pot un mais pour moi, c’est l’Italie l’adversaire le plus redoutable. L’Italie et la Suède sont du même calibre que la Russie et la Finlande. Durant le stage en Espagne, nous avons battu la Norvège et la Slovaquie, deux équipes qualifiées pour le tour d’élite. Nous avons donc le niveau de ces équipes.

La Suède fait-elle du si bon boulot pour le moment ? Pas mal de jeunes Suédois ont été transférés ici…

VERHEYEN : Des jeunes que nous connaissions car c’est la troisième fois que nous les rencontrions. La Suède a de bonnes équipes de jeunes mais ceux que nous avons affrontés et qui sont venus ici n’étaient pas meilleurs que les nôtres, vraiment pas. Les Italiens ont de fameux joueurs, par contre. Ils ont encore aligné Locatelli, qui a déjà joué 22 matches pour Milan. C’est un grand talent. Il y a encore Pinamonti, un avant de 1999. Il entre régulièrement au jeu à l’Inter. Chez nous, de tels talents ne jouent plus en U19 mais en Italie, c’est différent.

Seul le vainqueur du tour est qualifié pour le tour final.

VERHEYEN : Oui. En U17, les deux premiers passent mais pas chez nous, même si ça pourrait changer à l’avenir. Si ça avait déjà été le cas, nous aurions été qualifiés chaque fois puisque nous avons toujours terminé deuxièmes. Mais actuellement, l’EURO se dispute à huit, ce qui est très peu.

 » IL EST NORMAL QUE JE SUIVE LES COURS DE LA PRO LICENCE  »

Mile Svilar sera ton gardien ?

VERHEYEN : Svilar a disputé les trois matches de qualification parce que Teunckens, le gardien titulaire au Chili, était alors le deuxième gardien du Club Bruges et ne pouvait pas nous rejoindre. Svilar est un talent mais Teunckens aussi. Ils vont tous les deux recevoir leur chance et du temps de jeu.

Tu as entamé les cours de la Pro Licence. Nourris-tu plus d’ambitions ?

VERHEYEN : Comme si entraîner les U19 nationaux n’était pas un indice d’ambition ! Je trouve que celui qui entraîne les U19 et travaille pour la fédération doit avoir la Pro Licence. Nous avons souvent des contacts avec les entraîneurs de ces jeunes et quand ils font partie de l’équipe A, l’entraîneur possède ce diplôme. Donc, l’obtenir est un devoir pour moi.

Donc, ce n’est pas parce que tu aspires à plus ? Es-tu devenu entraîneur des espoirs du Club Bruges trop vite après ta carrière active ?

VERHEYEN : Peut-être, même si j’ai très bien travaillé cette année-là. Ensuite, ce n’est pas que je n’en avais plus envie mais le Club n’appréciait pas qu’en plus, je sois commentateur de matches. J’ai donc dû poser un choix. Si, demain, la fédération considère aussi que la combinaison est un problème, je devrai réfléchir sérieusement. Il faudrait quand même une très bonne offre pour que je renonce à mon travail pour la télévision.

PAR PETER T’KINT – PHOTOS PG NICO DEWAELE

 » Je ne reçois pas de directives des A, même s’ils évoluent de la même façon que mes U19.  » GERT VERHEYEN

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