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Les méandres de Leander

Le débat sur sa position, son transfert raté, quelques cartes rouges et deux buts contre son camp. Rien n’a été épargné à Leander Dendoncker ces derniers mois. Il a l’occasion de redresser sa saison dans les dix matches des PO1 et d’assurer son billet pour la Russie.

Quelle mouche a piqué Roger Vanden Stock l’été passé, quand il a publiquement fustigé le comportement de Leander Dendoncker ? Le plus aimable président du pays avait dressé un portrait consternant de son protégé.  » Leander ne pense qu’à son transfert. Ses agents doivent se battre pour conserver un joueur comme lui et parfois, ils doivent donc écouter ses caprices. L’argent salit tout, même un garçon comme Leander.  »

Dendoncker serait donc sorti de son rôle. La vérité se situe sans doute au milieu. Ceux qui ont travaillé avec lui le dépeignent comme un garçon agréable et intelligent qui ne se plaint jamais et ne raconte pas de bêtises. À l’image des joueurs produits par Neerpede ces dernières années. Des gars comme Davy Roef, Michaël Heylen, Youri Tielemans, Dennis Praet etc.

De bons footballeurs dotés d’une bonne tête. Bien élevés, modelés par le programme Purple Talents et policés par la cellule sociale. C’est en sélection des Espoirs que la différence entre les jeunes d’Anderlecht et du Standard est la plus marquante. Les Liégeois ne sont pas de mauvais garçons mais ils n’ont pas la même mentalité que les Mauves.

Dendoncker et Cie ne laissent jamais leur chambre en désordre. En douze mois, Dendoncker n’est arrivé qu’une seule fois en retard : il ne trouvait plus ses protège-tibias.

Le comportement difficile de Dendoncker, qui déplaît tant au président d’honneur du Sporting, ne correspond donc pas à la personnalité du Flandrien de 22 ans. Pas plus que ses récentes prestations. L’année dernière, il a tenu la dragée haute aux médians de Manchester United, Paul Pogba et Henrikh Mkhitaryan, alors qu’il a désormais un mal fou à dépasser le niveau du championnat.

C’est frustrant pour quelqu’un qui est motivé à 200 % sur un terrain. Mais ça n’est pas suffisant pour camoufler sa moindre forme. D’après David Sesa, l’ex-adjoint de René Weiler, Anderlecht s’attendait à un passage à vide.

 » Tout le monde se focalise sur ces deux matches contre United, la meilleure équipe que nous ayons affronté la saison passée. Mais un jeune joueur est irrégulier. Leander commence à émerger. Il va montrer ce dont il est capable en PO1.  »

Comme Kompany

Son manque de vitesse pose problème. Une fois lancé, il peut facilement rattraper un homme mais pas sur les premiers mètres. On l’a remarqué dans ses duels avec Richairo Zivkovic et Stallone Limbombe, contre lesquels il a vu rouge.

 » Dendoncker est la victime de la faillite collective d’Anderlecht « , pense Jean-François Rémy, l’entraîneur-adjoint des Espoirs, qui a travaillé six mois avec lui.  » Il a été dépassé à quelques reprises, parce qu’une erreur avait été commise plus haut dans le jeu. Ce sont les joueurs offensifs qui doivent fermer le jeu et opérer le pressing.  »

Dendoncker est trop généreux, selon Vital Borkelmans, l’ex-assistant de Marc Wilmots en équipe nationale.  » Leander veut boucher toutes les brèches qui s’accumulent en défense et dans l’entrejeu. Ce faisant, il perd des plumes dans sa zone. La phase sur laquelle il est exclu contre l’Antwerp en est la parfaite illustration. Il doit se concentrer sur sa position et jouer davantage pour lui-même.

Indépendamment de ça, il a réalisé en équipe nationale que l’élite jouait beaucoup plus vite. S’il veut faire carrière en défense, il devra encore manger beaucoup de tartines. Je ne dis pas qu’il est trop court pour l’élite absolue mais actuellement, il a besoin d’être guidé par un joueur chevronné. Flanqué d’un Jan Vertonghen ou d’un Toby Alderweireld, il réussira.  »

Avant, il doit se faire à l’idée que son rôle a changé à Anderlecht. L’année du titre, il en a été le pilier, grâce à son gros moteur. Maintenant, il subit le jeu et ne peut plus se livrer comme il l’aime. Surtout, sa concentration lui joue des tours. Dendoncker a besoin d’être constamment occupé et motivé pour ne pas s’endormir.

Glisser à gauche, voler au secours de la droite, récupérer un ballon dans l’entrejeu, s’infiltrer dans le rectangle adverse…  » Dendoncker peut faire dans une défense à trois ce qu’il fait dans l’entrejeu « , relève Jean-François Rémy.  » Il est l’homme libre et il peut aller sur les flancs. Mais, en fait, il a dû mal à accepter son rôle de défenseur. Il ne se sent pas défenseur dans l’âme.

Il possède pourtant les qualités d’un défenseur moderne : sens de l’anticipation, capacités athlétiques, bon passing, maîtrise de la relance. Il a le même profil que Vincent Kompany et Timmy Simons. Ils ont des qualités défensives et trouvent bien leur point de départ derrière. Par le passé, la meilleure position de Kompany a également fait polémique. Demandez-lui ce qu’il en pense maintenant.  »

40 millions

Leander Dendoncker a vécu un début de saison compliqué chez les Mauves.
Leander Dendoncker a vécu un début de saison compliqué chez les Mauves.© BELGAIMAGE

Dans quelle mesure Dendoncker se préoccupe-t-il du débat qui fait rage sur sa position ? Finalement, c’est un non-problème. Le Flandrien est très réaliste. Il est de ceux qui sont vraiment fiers de se produire pour l’équipe nationale.  » Je ne me plaindrai certainement pas si le sélectionneur me convoque pour la défense « , a déclaré Dendoncker mardi dernier.  » Je le répète : ma place de prédilection, c’est l’entrejeu. C’est ma meilleure position et elle me manque mais ma polyvalence constitue un atout.  »

Le thème a été abondamment discuté à Anderlecht. René Weiler avait prévenu qu’en cas de besoin, il le posterait en défense.  » Tout en insistant sur le fait qu’il préférait l’aligner dans l’entrejeu. Parfois, un joueur doit se plier à des consignes qui ne lui plaisent pas, dans l’intérêt de l’équipe. Leander a compris le message. Je ne me rappelle pas l’avoir vu râler une seule fois parce qu’il devait évoluer derrière « , explique Sesa.

Malgré sa saison difficile, Dendoncker doit pouvoir rejoindre l’élite cet été. Selon ses propres dires, il n’a jamais eu vraiment l’ambition de jouer pour un club comme l’AS Monaco. Sesa :  » Il est prêt pour l’Angleterre, l’Allemagne et l’Espagne. Mais rester une saison de plus à Anderlecht était-il une si mauvaise idée ? Moi, je ne trouve pas que ça lui a fait du tort.  »

Anderlecht va-t-il toucher le pactole ? Herman Van Holsbeeck était parvenu à faire reculer les clubs en demandant 40 millions pour Dendoncker l’été dernier. Ça dépendra surtout des play-offs et de la sélection de Roberto Martinez pour la Coupe du Monde.

Par Alain Eliasy

Martinez a toujours foi en lui

Leander Dendoncker a été convoqué pour la première fois en équipe nationale en mai 2015. Marc Wilmots trouve quelque chose au médian qui domine l’entrejeu bruxellois, avec Youri Tielemans. Il le convoque pour les matches amicaux contre la France et le Pays de Galles. Le sélectionneur est à court de défenseurs : Vincent Kompany est suspendu et Thomas Vermaelen a trop peu joué au Barça pour entrer en ligne de compte. Finalement, Dendoncker ne joue que cinq minutes contre Les Bleus.

Avant le match contre l’Arabie saoudite, le compteur de Dendoncker était à 14 sélections et quatre caps. En trois ans, il n’a pas pu inscrire de tournoi à son CV. Marc Wilmots et son adjoint Vital Borkelmans trouvaient que l’EURO français venait trop tôt.  » Il fallait faire des choix et nous pensions que Jason Denayer était plus avancé « , raconte Borkelmans.  » Jason jouait constamment en défense et il était bon. Je ne veux pas lui jeter la pierre mais il a apporté trop peu.

On ne peut évidemment jamais prédire quand le moment est venu d’aligner quelqu’un. Pour le moment, Leander doit se tenir prêt au cas où il arriverait quelque chose à un de ses concurrents. Ce sera très important. Rappelez-vous ce qui est arrivée à l’EURO. En quarts de finale contre le Pays de Galles, nous avons aligné Thomas Meunier, Toby Alderweireld, Denayer et Jordan Lukaku. Si nous l’avions annoncé avant le tournoi, on nous aurait traités de fous.  »

Sous Roberto Martinez, Dendoncker est une certitude. Pas comme titulaire, car il n’a encore joué que 62 minutes, mais comme remplaçant. L’Espagnol a la réputation d’être très loyal envers ceux qui ont déjà fait leurs preuves. C’est pour ça qu’il n’a pas écarté immédiatement Divock Origi, auteur d’une saison médiocre à Wolfsburg, qui lutte pour le maintien, ni Kevin Mirallas, sur une voie de garage à Everton mais actif à l’Olympiacos depuis janvier.

L’entourage de l’équipe nationale confirme que Dendoncker peut toujours compter sur la fidélité de Martinez.  » Il sait pourquoi il le convoque. Sa polyvalence est un argument, comme ses qualités. Martinez ne le laissera pas tomber comme ça. Il sait que les jeunes ont des hauts et des bas.  »

Le sélectionneur est clair : Dendoncker doit se ressaisir s’il veut être repris pour le Mondial.  » Je crois en Leander « , a déclaré Martinez. « Il a traversé un moment difficile mentalement et je veux voir comment il se comporte. Il doit montrer qu’il a surmonté sa déception. « 

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