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Le recrutement « surprise » d’Eupen: l’attaquant français Florian Raspentino

Déjà buteur décisif contre Waasland Beveren le lendemain de Noël, Florian Raspentino trace sa route à la force de son caractère. Retour sur un parcours atypique, de la banlieue marseillaise à la communauté germano.

Dans cette espèce de derby breton forcé, c’est le FC Nantes qui impose sa suprématie. Mi-août 2011, les Canaris reçoivent Guingamp et l’emportent largement, 4-0. Ce qui serait aujourd’hui une joute de Ligue 1, se déroule à l’époque à l’étage inférieur. Peu importe. Aux côtés de futurs ex-Rouches tels qu’Adrien Trebel, William Vainqueur et Serge Gakpé, Florian Raspentino s’installe pour la première fois dans le onze de base avec un CV plutôt timide.

Deux mois plus tôt, il était encore amateur. À la 69e, il nettoie la lucarne du portier armoricain. Dans la foulée, Landry Chauvin, son coach, le compare aux meilleurs éléments qu’il a connus lorsqu’il s’occupait du centre de formation du Stade Rennais : Moussa Sow, Jimmy Briand et Jirès Kembo, le frère adoptif de Kylian Mbappé. Alors qu’il devait initialement débuter avec la réserve nantaise, Raspentino affole les radars et termine l’exercice avec sept banderilles.

On associe son nom à l’Udinese, l’OM ou la sélection algérienne, celle de son père. Le « minot » de Gignac, au sud de la France, n’a signé qu’un contrat d’un an et le marché s’agite dès janvier. Les négociations pour une prolongation tardent. Il rallie finalement Marseille. Dans La Provence, il évoque sa fierté de porter le maillot de son coeur, lui, l’ancien abonné du Vélodrome. « Je l’ai connu depuis les tribunes, je suis impatient de le découvrir sur le terrain. » Bref, un rêve éveillé.

Retour aux sources

En 89, Raspentino sort d’un sommeil long de neuf mois à Marignane, dans la banlieue marseillaise. Douze printemps plus tard, il s’inscrit dans le club de foot de Gignac, deux cents bornes à l’ouest. Il réalise ses premiers exploits, cherche la lumière, déjà. En 2006, il tente l’expérience corse, à Ajaccio, en vain. Flo rentre au bercail, avant de rejoindre l’US Marignane. Un retour aux sources pour un début chez les adultes, au quatrième échelon, à 19 ans.

« C’était le petit jeune. Il était vu comme un bon petit joueur en devenir. Devant le but, il était très habile. Il avait des qualités au-dessus de la moyenne. La suite de l’histoire a prouvé que c’était effectivement le cas », pose Kassim Abdallah, back droit de l’équipe qu’il recroise sur la Canebière. « Après, ça serait un mensonge de dire que je le voyais devenir pro à coup sûr. Pour lui, comme pour moi, personne n’aurait pu deviner que notre destin allait changer autant. »

Alors, Raspentino force l’entrée. Abdallah parti à Sedan, en Ligue 2, il s’inflige des séances supplémentaires. Après deux saisons à l’USM, il se pointe à Agde. Le RCO évolue au même étage, mais lui permet enfin de décoller. Replacé dans l’axe, il plante 17 roses sur les 37 de son écurie. Boris Massaré, cadre à Agde et désormais prof de maths dans le Pays basque, observe le fleuriste depuis son poste de sentinelle. « Il empilait les buts. Le club lui permettait d’avoir un rôle plus important qu’à Marignane. On pratiquait un jeu fait pour lui. »

Seul devant, il brûle la profondeur ou calme le jeu en appui. Un bonheur pour Massaré et les siens. « Même s’il a quand même raté quelques occasions, ça se voyait qu’il pouvait aller plus haut. » Mi-août 2010, presque un an jour pour jour avant ce Nantes-Guingamp, Raspentino martyrise la défense de la réserve lyonnaise. « Il est parti du milieu de terrain pour marquer d’une frappe des 25 mètres », termine Massaré. L’OL s’incline 1-0 avec, dans ses rangs, un certain Samuel Umtiti.

Pari à la Valbuena

Quand il couche sa signature sur le contrat de trois ans que lui propose l’OM, Florian Raspentino s’acoquine avec les anges. Deux ans plus tôt, il toisait encore les prés du CFA. En ce début de mois de juillet 2012, José Anigo parle même d’un « pari à la Valbuena ». Le directeur sportif avait fait venir le meneur petit format depuis Libourne-Saint-Seurin et la troisième division. Sauf que la comparaison avec l’international français quitte vite les bouches locales.

D’abord, comme dans un conte de fées, il retrouve son pote Kassim Abdallah. Les deux hommes deviennent très proches et s’amusent, entre autres, à forcer leur accent pour imiter les « anciens » de la cité phocéenne. Ils sont encore deux gosses du coin, prêts à bouffer un monde qu’ils découvrent à peine. « Les retrouvailles étaient intenses. À Marseille, on s’est vraiment rapprochés, notamment parce qu’on a un parcours similaire. On était tout le temps ensemble. »

A la lutte avec la dernière trouvaille anderlechtoise : Francis Amuzu.
A la lutte avec la dernière trouvaille anderlechtoise : Francis Amuzu.© belgaimage

Mais Raspentino débarque dans un OM de transition qui pèse encore lourd. Didier Deschamps vient de laisser sa place à Elie Baup et, sur le front de l’attaque, André-Pierre Gignac se met à mitrailler. « Il est tombé sur une période où Gignac était en pleine bourre. Donc il a fait du banc, mais il était toujours présent dans le groupe. Même s’il ne jouait pas trop, il était concerné et vivait le truc à fond. Il a connu des moments difficiles, mais ça l’a forgé », juge Abdallah, devenu par la même occasion international comorien et qui porte actuellement les couleurs d’Al Raed, en Arabie Saoudite.

Grâce à la récente victoire en Coupe des Olympiens, Raspentino gratte du temps de jeu en Ligue Europa. Malgré tout, le verre se brise en novembre. À Bordeaux, il s’attend à rentrer quand Baup choisit une autre option. Fabrice Apruzesse, un « collègue », mais surtout un attaquant sorti de la réserve, connaît ses seules minutes au sein de l’élite. À la peine, l’ancien chauffeur-livreur d’Aubagne centralise les moqueries. Florian Raspentino ronge son frein. Une humiliation ?

Revenir plus fort

« Ce n’était pas forcément une cassure », coupe Abdallah. « Même s’il était rentré dans ce match, je pense que sa décision était prise. Il voulait partir. » Déjà, à son arrivée, il essuie les railleries pour un surnom que lui donne Loulou Nicollin. Le regretté président de Montpellier se moque du mercato marseillais et le compare à celui des Parisiens, qui recrutent Zlatan. Ce sera « Patatino ». Abdallah : « On l’a beaucoup chambré, mais il l’a bien pris. Le gars signe dans son club de coeur, qu’est-ce qu’il s’en fout qu’on l’appelle ‘Patatino’ ou pas… »

Quoi qu’il en soit, Flo doit se trouver un nouveau point de chute. Il le dit, il veut « revenir plus fort ». Direction Brest, son opération maintien et son ancien coach, Landry Chauvin. En 19 rencontres, il score quatre fois. Insuffisant pour sauver le Stade Brestois, lanterne rouge. « Il est arrivé à la suite d’une grosse déception et il voulait remonter la pente avec nous », rembobine Bernard Mendy, un temps icône du PSG, de retour d’exil.

« Il n’a pas toujours eu sa chance, c’est dommage. Les autres attaquants tournaient bien et le contexte était compliqué. Mais dès qu’il rentrait, il faisait le travail. Il était même mieux dans ce cas de figure, en joker. » Peu importe son statut, Raspentino partage sa joie de vivre avec le vestiaire. Comme pour profiter de moments inespérés.

« Il est très chambreur. Mais quand il se faisait chambrer, il était souvent énervé », se marre encore Mendy, qui taille souvent la bavette avec lui et l’invite, dans son bar, à Caen. « Partout où il va, Florian s’intègre facilement. C’est un animateur de vestiaire, il aime bien rigoler… Il vanne tout le monde », abonde Sambou Yatabaré, qui le croise aussi six mois, à Bastia.

Dans le loft de Bielsa

Sur l’île de beauté, le sort lui joue des tours. Un premier match contre Nantes, un premier but face à Ajaccio. Avec le Tunisien Wahbi Khazri, il forme un duo intéressant. « On comptait sur eux », assure l’Anversois Yatabaré. « Florian a le sens du but et c’est un joueur très rapide. Techniquement, il est très juste. Et puis, c’est un joueur de caractère. Son parcours atypique en est la preuve. »

Après un exercice à cinq buts, il retourne enfin à Marseille, pour une nouvelle désillusion. Marcelo Bielsa le place dans le « loft », bien au chaud parmi les indésirables poussés vers la sortie. Mendy : « Florian, c’est quelqu’un de très attachant, qui marche à l’affection. Il a besoin de sentir qu’on est avec lui. Quand c’est le cas, il donne tout. »

Vexé, blessé dans son ego, Raspentino file à Caen, si loin de sa Provence natale. Le Stade Malherbe met 500.000 euros sur la table pour abréger ses souffrances phocéennes. Mais là encore, il déçoit. Flo repart en prêt dès l’hiver suivant pour Dijon et refait connaissance avec la Ligue 2. Il se relance en Côte d’Or, puis tente un retour à Bastia, à l’été 2015. Son deuxième passage chez les Turchini est ponctué par les blessures.

Quand ses quadriceps le laissent tranquille, il est victime d’un accident de voiture, sans gravité, en janvier 2016. Il manque la réception de Montpellier et ne retrouve plus l’équipe avant décembre face à… l’OM. La descente aux enfers du Sporting le met ensuite au chômage technique. En juillet dernier, il rejette l’offre du Levadiakos de José Anigo avant de voir, en octobre, un essai pourtant concluant à Tours ne pas se concrétiser.

« Il va apporter beaucoup à Eupen », martèle Yatabaré. « Après son vrai-faux départ en Grèce, il a gardé le moral. Il a faim, clairement. »

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