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Le footballeur secret: « Mon premier agent ne m’a jamais vu à l’oeuvre »

Près de 300 footballeurs étaient au coup d’envoi de la Jupiler Pro League, en juillet. Chacun d’eux avait ses attentes, ses rêves, ses ambitions et son histoire. Une fois par mois, le Footballeur Secret de Sport/Foot Magazine jette un regard dans les coulisses de notre compétition.

« Durant les derniers jours de la période des transferts, la tension est parfois à son comble dans le vestiaire, mais chez nous c’est plutôt calme. Peut-être parce que l’entraîneur n’a demandé que deux renforts. L’un d’eux a été rapidement trouvé : il s’agit d’un joueur qui peut présenter un beau CV. Pourtant, il ne m’a pas encore impressionné à l’entraînement. L’arrivée de ce joueur a évidemment des conséquences pour ses concurrents qui étaient déjà là depuis le début de la préparation. Entre nous, nous spéculons sur le nom de celui qui sera sacrifié : l’un des cadres qui a déjà connu un passage à vide ou un joueur qui n’est pas au sommet de la hiérarchie mais qui ne déçoit jamais en match ? J’opte pour la seconde hypothèse…

Qui peut croire que nous n’évoquons pas les transferts, entre nous ? Surtout en cette période, c’est un sujet qui revient souvent sur la table. Il y a un moment, j’ai appris à l’entraînement que l’un de nos joueurs les plus importants avait un transfert en tête. Généralement, l’intéressé se confie à l’un de ses amis proches dans l’équipe, puis la nouvelle fait le tour du vestiaire. Dans mon ancien club, le capitaine était toujours le premier au courant de tout. Il savait quel joueur allait arriver, combien il allait gagner, etc. Parfois, c’est l’entraîneur qui informe le capitaine de certaines décisions. Simplement pour savoir ce qu’il en pense, s’il croit que le nouveau joueur s’intégrera dans le groupe. »

Peu de scrupules

« Ces dernières semaines, de nombreux agents sont sortis de leur hibernation. Des hommes qui n’entrent en action que pendant les deux périodes de transferts. Ils s’assoient à la table de négociations avec un nouveau club, puis on ne les entend plus pendant des mois. Certaines connaissances m’ont confié que Mogi Bayat était comme cela. Tous les joueurs de D1 savent comment il travaille, mais ils sont enclins à conclure un pacte avec le diable car il peut ouvrir de nombreuses portes. En Belgique, il peut te placer dans n’importe quel club. A l’inverse, son influence est si grande qu’il peut aussi bloquer un transfert. Un ami s’est disputé avec Bayat et il a alors tenu des propos menaçants : « Tu ne joueras plus jamais en première division ! » On n’en est pas arrivé là, mais s’il ose dire des choses pareilles, cela signifie que son pouvoir s’étend à toute la Belgique.

Moi, j’ai surtout travaillé avec des agents moins renommés et je n’en garde pas spécialement de bons souvenirs. C’est pourquoi je ne veux plus être sous contrat avec un agent actuellement. Un moment, j’ai travaillé avec quelqu’un qui prétendait avoir ses entrées sur les marchés italien et anglais. Je l’ai cru sur parole, car il venait de réaliser un beau transfert. J’ai collaboré deux ans avec lui, et pendant toute cette période, il ne m’a jamais vu à l’oeuvre. Ni au stade, ni même à la télévision. Il se basait sur les cotations et les articles de journaux pour juger mes prestations. Si un journaliste écrivait que j’avais bien joué, il me téléphonait pour me féliciter. Malgré tout, je lui suis resté fidèle. Un jour, je me suis rendu dans un club avec ce même agent, pour négocier un contrat. Un joueur avec lequel je m’entendais bien venait de signer dans ce club et je savais donc ce que je pouvais demander. La discussion n’a pas duré cinq minutes. Le directeur sportif m’a glissé un contrat sous les yeux, que mon agent m’a prié de signer. Il ne m’a même pas laissé la possibilité de négocier. J’ai sagement décidé d’attendre. La nuit porte conseil, dit-on. En sortant, mon agent a sorti un document de sa mallette. C’était la fiche d’un autre joueur. Il voulait profiter des négociations de mon contrat pour placer un joueur à lui…

Au cours des années, j’ai croisé de nombreux agents qui n’avaient aucun scrupule et qui agissaient à la limite de l’illégalité. Un agent étranger avait pris contact avec moi via les réseaux sociaux – Facebook et Instagram sont souvent utilisés – et il m’a proposé de l’argent pour collaborer avec lui. Il est venu chez moi, à la maison, et il a voulu me donner 5.000 euros en liquide, en présence de mes parents. A condition que je signe immédiatement avec lui. Je ne lui ai pas fait confiance et j’ai refusé. J’avais peur qu’il ne me cause des ennuis le jour où j’arrêterais la collaboration. »

Commissions

« Aujourd’hui, je suis sûr d’une chose : un agent peut lancer ou briser une carrière. Un jour, j’ai raté un transfert parce que mon agent ne s’était pas entendu avec le président. Le point de rupture se situe souvent au niveau de la commission que l’agent espère toucher. Si un transfert ne se fait pas pour une raison qu’on ne s’explique pas, le montant de la commission y est sûrement pour quelque chose. Mais ton agent n’avouera jamais qu’il est trop gourmand. Et il ne dira jamais non plus combien il a gagné sur ton transfert.

Lors de mon dernier transfert, je pensais avoir droit à 10 % du montant de la transaction, mais le club a refusé parce que ce n’était pas écrit dans le contrat. J’espérais que mon agent me cède une partie de sa commission pour prouver sa bonne volonté, mais je me suis fait des illusions. La prochaine fois, je ferai en sorte de pouvoir toucher ces 10 %.

Si on ne dit rien, on ne peut rien espérer de son agent. La chance d’être floué est bien plus grande. Je vous donnerai un exemple fictif. Imagine que tu gagnes 1.000 euros par mois. Ton agent sait qu’un nouveau club est prêt à t’offrir 6.000 euros, mais il se met d’accord sur 4.000 euros afin de mettre la différence dans sa poche. Le joueur ne s’en offusque pas : il est déjà heureux d’avoir pu quadrupler son salaire par rapport à son club précédent. Je ne serais pas étonné d’apprendre que les managers de clubs et les agents soient de mèche. Dans mon ancien club, j’avais l’un des salaires les moins élevés du noyau. Pourtant, à la signature de mon contrat, mon agent m’avait dit : « Tu n’aurais pas pu espérer mieux ! » Le directeur sportif a même rajouté une couche en prétendant que tout le monde gagnait à peu près la même chose dans le club. Plus tard, j’ai appris que je gagnais des cacahuètes par rapport à mes coéquipiers. Ils ont sursauté lorsque je leur ai révélé quel était mon salaire ! Et je ne peux pas croire que tout cela se soit fait à l’insu de mon agent. T

out est finalement rentré dans l’ordre. En peu de temps, j’ai reçu deux augmentations. Sans que je ne demande quoi que ce soit. Mon salaire m’était versé par virement, dans les règles de l’art. En revanche, je percevais mes augmentations au noir. »

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