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Le footballeur secret: « Dans le vestiaire, je suis un caméléon »

Ce week-end, plus de 300 joueurs seront au coup d’envoi de la Jupiler Pro League. Ils ont tous leur propre attente, rêve, ambition et récit. Une fois par mois, le Footballeur Secret de Sport/Foot Magazine jettera un regard dans les coulisses.

« Je pourrais citer par coeur les noms de toutes les personnes qui me trouvaient trop court pour le haut niveau. Je ne m’y attendais pas, pas de la part de ces personnes-là. Je pensais qu’elles m’encourageaient mais, derrière mon dos, elles me médisaient. Je suis tombé des nues lorsque j’ai appris ce que l’entraîneur de mon ancien club pensait de moi : il a carrément dit à mon cousin que je n’avais pas le niveau pour la première division. Sans savoir qu’il s’adressait à un membre de ma famille ! (il grimace) Ce sont les mêmes qui font les fanfarons dans les journaux et déclarent qu’ils étaient sûrs que j’étais promis à un grand avenir. Quelle bande d’hypocrites !

Maintenant que je joue en D1, je me comporte de la même manière qu’eux. Louvoyer, c’est la meilleure manière de survivre. Je suis un vrai caméléon et j’essaie de m’associer avec les bonnes personnes. Il faut savoir que chaque équipe possède un noyau dur de joueurs qui sont proches de l’entraîneur. Ceux que l’on appelle les cadres de l’équipe. Quand je suis arrivé, j’ai directement senti qu’ils avaient un certain pouvoir dans le vestiaire. Une petite dispute avec l’un de ces joueurs peut avoir de très lourdes conséquences.

À la moindre occasion, ils ne manqueront pas d’aller se plaindre auprès de l’entraîneur : ‘Coach, ce joueur n’a pas la bonne mentalité.’ L’entraîneur, qui tient à son poste, choisira toujours le camp des cadres, car il a tout intérêt à avoir ces joueurs-là à ses côtés. Avant que vous ne vous en rendiez compte, vous êtes écarté du onze de base et vous vous demandez pourquoi. Le coach écartera plus facilement un nouveau venu qu’un ancien qui fait partie des meubles. Certains joueurs sont intouchables.  »

Fuckers

 » Il y a trois joueurs dont je suis relativement proche. L’un d’eux appelle le groupe de meneurs : les fuckers… La saison dernière, il figurait régulièrement dans le onze de base et c’était mérité. Jusqu’au jour où un copain du groupe de meneurs a repris sa place. Subitement, il ne comptait plus. Lorsqu’on n’a pas de contact avec le groupe le plus influent, on peut rapidement se retrouver isolé. Je vais donner un autre exemple de la manière dont ils opèrent.

À l’entraînement, il y a eu une sérieuse altercation verbale entre l’un des joueurs avec lesquels je m’entends bien et l’un des leaders. Ce dernier a directement été défendu par l’un de ses amis. Ils se protègent mutuellement. Et lorsqu’un des leurs est attaqué, ils ferment les rangs. Heureusement, mon pote est un titulaire habituel. Sinon, ils auraient pu le mettre dehors.

Le coach a dit : ‘Réglez ce différend entre vous.’ Ce qu’ils ont fait. Mon pote m’a dit de me méfier de ce groupe. Mais j’essaie quand même de me mettre bien avec eux. Pendant la préparation, j’ai discuté un peu par hasard avec un joueur qui est titulaire depuis de longues années, et depuis lors, on s’entend bien. Disons que j’ai fait en sorte de bien me placer. Il ne m’a fallu qu’un mois pour me rendre compte qu’être en bons termes avec un titulaire, cela peut aider dans certaines circonstances.

Un jour, j’ai eu un petit problème avec ma voiture. J’avais deux solutions : soit téléphoner à l’entraîneur et me prendre une amende, soit arriver avec quelques minutes de retard et espérer que personne ne s’en aperçoive. J’ai choisi la deuxième solution. J’ai un peu appuyé sur le champignon et finalement, je ne suis arrivé qu’avec cinq minutes de retard ! Les entraîneurs n’étaient pas encore dans le vestiaire, mais ils ont été informés par le joueur qui se charge des amendes en interne. Quelqu’un a pris ma défense et les choses en sont restées là. Apparemment, celui qui collecte les amendes prend son rôle très au sérieux. Lorsque ça lui convient… J’ai entendu qu’il a tendance à fermer les yeux lorsqu’un cadre est impliqué.  »

Joyaux

 » Avec le capitaine, un gars qui s’entend bien avec tout le monde, le courant passe bien. Ce qui m’impressionne, c’est sa grinta. Mais parfois, il dépasse les bornes : lorsqu’il perd, il devient fou et commet de vilaines fautes. La plupart du temps, il a deux lieutenants à ses côtés. L’un d’eux n’est pas amical pour un sou. Depuis le début de la préparation, je n’ai pas échangé un mot avec lui. On se salue le matin, et c’est tout.

L’autre pote du capitaine est un cas spécial : en dehors du terrain, c’est le plus sympa qui soit, mais lorsque le match commence, il vaut mieux ne pas se trouver dans ses parages. Il ne faut pas lui adresser le ballon cinq centimètres trop à droite ou trop à gauche, car il le laissera passer… Et il ne manquera pas de vous en faire le reproche. L’entraîneur attend de lui qu’il trouve la faille dans le dispositif adverse. Quand une action échoue, il râle sur lui-même. Mais il est le premier à enguirlander un autre joueur s’il a le malheur de perdre le cuir. Il faut être fort mentalement pour résister.

Je connais un défenseur qui prenait un malin plaisir à tacler chaque joueur en test pour le blesser. Après quelques entraînements, le joueur en test devait renoncer… L’entraîneur n’est jamais intervenu. Il s’en foutait tant que ce n’était pas l’un de ses chouchous. Dans un de mes anciens clubs, un défenseur a quasiment coupé l’un des joyaux du club en deux dès le premier entraînement. Le coach est devenu hystérique : ‘La prochaine fois que je te vois tacler ainsi, je te renvoie au vestiaire sur-le-champ’…Le joueur n’avait pas compris qu’il s’en était pris au favori du coach. Chez mon employeur actuel, même topo : il ne faut surtout pas s’en prendre aux cadres.  »

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