Thomas Bricmont

Le foot spectacle enfin à Anderlecht

Anderlecht entre dans une nouvelle ère. Celle de la modernité diront les plus pragmatiques. Le club bruxellois va déménager à Grimbergen pour espérer grandir et ne pas être définitivement largué sur la scène européenne.

Bart Verhaeghe n’est pas content. Mais alors pas content du tout. Il ne s’est d’ailleurs pas privé de le faire savoir le week-end dernier. D’abord en flinguant le président de la Fédération, François De Keersmaecker, avant sa probable réélection, le traitant d’incompétent et autres joyeusetés. Puis en s’indignant vivement de l’accord trouvé et annoncé en grande pompe samedi entre les autorités de la Région bruxelloise et de la Ville de Bruxelles, le consortium Ghelamco/BAM et le Sporting d’Anderlecht concernant la stade national.

L’Union Belge et les Diables se seraient fait rouler, dixit l’homme fort du Club Bruges lors d’une émission télé du nord du pays. Désormais, il faut  » parler du stade d’Anderlecht et non de stade national « . Sur le fond, difficile de lui donner tort puisque le club bruxellois sera le principal exploitant d’un temple de 60.250 places que l’on annonce fin prêt pour juillet 2019.

Quand il s’agit de pointer les relations  » trop amicales  » entre le RSCA et la Fédé; on peut compter sur le Donald Trump flamand, lui qui avait notamment distribué en décembre dernier à ses collègues de la Ligue pro une caricature de De Keersmaecker dessiné en  » Saint-Nicolas mauve « .

Bart Verhaeghe parle également de  » concurrence déloyale « . Sur ce point aussi, difficile de contester la suprématie  » offerte  » pour longtemps à la maison mauve en terme d’infrastructures. Le courroux du président brugeois n’affecte pas que ses couleurs blauw enzwart. La construction d’un nouvel écrin sur le Parking C en tant que pièce centrale d’un plan de rénovation du plateau du Heysel avec complexe de loisirs et shopping entre en collision avec son grand projet de mall à l’américaine  » Uplace  » qui traîne à voir le jour à quelques kilomètres de là.

Au sud du pays, on tire aussi la tronche mais plus discrètement. Si Roland Duchâtelet n’est pas sorti de sa boîte ces derniers jours, il s’était au préalable exprimé sur l’aberration économique de la construction d’une nouvelle enceinte.

Derrière le projet Euro Stadium, Anderlecht n’est évidemment pas le seul à tirer les ficelles puisque la Région Bruxellois et la Ville de Bruxelles ont pu compter sur le prêche des politiques Alain Courtois (échevin des Sports de la ville de Bruxelles), Rudy Vervoort (ministre-président de la Région bruxelloise) et Guy Vanhengel (ministre bruxellois des Finances), tous trois fidèles du Parc Astrid. Au-delà de ce lobbying, il y a surtout ce montant de 4 millions d’euros annuels sur 30 ans, sorte de financement déguisé en échange de l’exploitation du stade (espaces vips notamment), qui fait évidemment grincer les dents de l’opposition politique ou non.

Le déménagement d’Anderlecht est une preuve supplémentaire que l’idée du club au coeur de la cité est amenée à disparaître.

A Anderlecht, on a toujours voulu faire taire les vilains petits canards en martelant que le stade serait financé uniquement par le secteur privé. Et que de toute façon la concurrence n’avait pas de leçon à donner après avoir été soutenue par des aides publiques lors de la rénovation du Jan Breydel et de Sclessin pour l’Euro 2000. Sauf que la comparaison n’est pas possible entre le projet ambitieux de l’Euro Stadium et les quelques sparadraps apportés sur des jambes de bois qui n’ont pas empêché à ces enceintes d’être rapidement obsolètes.

Anderlecht entre en tout cas dans une nouvelle ère. Celle de la modernité diront les plus pragmatiques. Un club qui déménagera en Flandre (Grimbergen) pour espérer grandir et ne pas être définitivement largué sur la scène européenne.

Ce déménagement est une preuve supplémentaire que l’idée du club au coeur de la cité, de ses habitants, commerces et cafés, est amenée à disparaître. Le modèle allemand d’un stade aux abords des voies d’accès, au coeur d’un noman’sland, a davantage la cote. Tant pis pour les nostalgiques du foot à papa. Et place au show à l’américaine voulu entre autres par Philippe Collin pour entourer les débats. A défaut de bulles promises sur le terrain, les Mauves tiennent enfin leur foot spectacle.

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