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Laifis live

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Aucun joueur du Standard n’a autant de temps de jeu que le Chypriote depuis l’été. Le gars est au maximum. Voici les petits secrets de son parcours, un film de sa carrière. Featuring Thorgan Hazard, Marcos Baghdatis, Laurent Fassotte, Christian Karembeu, Alexander Scholz mais aussi Jacques Lechat.

Jacques Lechat, ça vous dit quelque chose ? Le Stade Jacques Lechat est le théâtre de l’équipe de foot de Malmedy. Il sert de première expérience belge à Konstantinos Laifisaka Kostas. En octobre 2010, les U19 chypriotes s’y font étriller 4-1 par les Belges qui alignent Koen Casteels, Laurens De Bock, Dino Arslanagic mais aussi Thorgan Hazard. Sur notre banc, il y a Thomas Kaminski, Tino-Sven Susic (qui n’a pas encore opté pour la Bosnie), Hannes Van der Bruggen et Paul-José Mpoku.

Olivier Renard a flashé sur Kostas Laifis quand il est allé visionner un attaquant à Chypre, pour Malines.

À ce moment-là, Laifis n’est encore qu’une promesse du foot de son pays. Tout devient plus sérieux et plus concret quand il se retrouve en Espoirs. Et là, pour son baptême du feu, il a un nouveau rendez-vous avec les Belges. Plus question de Jacques Lechat, on passe à du lourd : le match se joue au… King Power at Den Dreef Stadium, le stade d’Oud-Heverlee Louvain, pompeusement baptisé comme ça pour des raisons commerciales.

Devant 4.000 spectateurs, l’équipe de Johan Walem s’impose 2-0, avec notamment un but de Mpoku. Casteels, le petit Hazard, De Bock et Van der Bruggen sont toujours là, on repère aussi Junior Malanda, Maxime Lestienne, Dennis Praet, Massimo Bruno, Jordan Lukaku et Yannick Carrasco.

Tout ça pour dire que quand Kostas Laifis se pose au Standard durant l’été 2016, il connaît déjà un tout petit bout de Belgique. Les secrets du parcours de ce défenseur central qui n’a plus touché le banc depuis quatre bons mois, c’est ici.

Le foot plutôt que le tennis

Quand il est gosse, il combine le foot et le tennis à un bon niveau. Son agent, Tasos Kyrmitsis, explique :  » À Chypre, il y a un grand tennisman, Marcos Baghdatis. Il sert d’exemple. Mais les jeunes sont conscients que s’ils veulent faire carrière dans le sport, ils ont plus de chances dans le foot que dans le tennis. C’est tellement aléatoire, le tennis.  »

Laifis se concentre donc sur le football, il joue dans le club de sa ville natale, Paralimni. Il explique :  » Quand j’avais quatorze ans, on a joué un tournoi en Espagne. Il y avait un scout de Nottingham Forest, il m’a repéré et a contacté mon père, qui était tout excité. Ma mère un peu moins… Pendant un an et demi, je suis allé en Angleterre tous les deux mois. Puis, je m’y suis installé, en internat. De quinze ans et demi jusqu’à dix-huit ans. J’ai découvert un autre monde. Cours le matin, foot l’après-midi, c’était une organisation militaire mais ça m’a aidé à grandir. C’est là-bas que j’ai appris la signification du mot professionnel.  »

Le duo Laifis-Luyindama : une ardeur d'avance !
Le duo Laifis-Luyindama : une ardeur d’avance !© belgaimage

Pro, ce fils de plombier le devient à dix-huit ans. Mais il ne kiffe plus la grisaille anglaise, le soleil de son île lui manque, donc il rentre.  » Pourtant, Nottingham voulait le garder « , signale son homme de confiance. Il fait ses débuts à Anorthosis Famagouste. Il passe plus tard en prêt à Larnaca, puis il rentre à Famagouste. Surtout, il devient une valeur sûre de ce championnat. Il est d’abord élu meilleur jeune joueur chypriote de la compétition. Et, deux fois de suite, il figure dans l’équipe type de la saison.

Andreas Makris, qui a été son coéquipier à Famagouste, révèle l’homme qui se cache derrière le footballeur.  » Il est un peu mystérieux, il n’est pas très expressif. Sur le terrain, il est toujours à fond, mais en dehors du foot, c’est un calme. C’est comme s’il y avait deux personnes en lui. Quand il est rentré d’Angleterre, l’entraîneur n’a pas voulu lui faire confiance directement, ça le rendait fou parce qu’il travaillait comme un dingue pendant toute la semaine.  »

Les éloges de Laurent Fassotte

Son de cloche intéressant : celui de Laurent Fassotte. Un passé au Standard et au RWDM, puis un séjour au Lierse qui a mal tourné. Malheureusement pour lui, il s’est retrouvé dans ce club au moment où le Chinois Ye y a débarqué. Et donc, Fassotte s’est retrouvé dans le scandale des matches truqués. Il s’est recasé comme footballeur à Chypre après l’affaire, et il est aujourd’hui entraîneur là-bas. Bref, le championnat chypriote, il connaît. Et il dit aujourd’hui :  » La réussite actuelle de Laifis, c’est la preuve que le Standard fait du super boulot pour intégrer ses joueurs étrangers, mais c’est aussi la preuve que le championnat de Chypre est sous-estimé. Ce joueur, il a tout. Il est présent dans les duels, il a le jeu de tête, la vitesse, les tacles, son pied gauche est super. Il est titulaire en équipe nationale. J’ai assisté au match contre les Diables, et si Chypre n’a pas pris l’eau, c’est en grande partie grâce à lui.  »

Kostas Laifis aurait pu se retrouver chez nous plus tôt. Découvrir la Pro League un an et demi avant son transfert au Standard. Olivier Renard travaille encore à Malines. Il se déplace à Chypre pour y visionner un attaquant. Et là, il voit l’attaquant en question qui est complètement mis en boîte par Laifis. Il noue un contact avec l’agent du défenseur. Des pourparlers commencent. Mais Malines est incapable de dépenser la somme demandée par Famagouste, entre 300.000 et 500.000 euros. Le deal est mort-né.

Comme de nombreux footballeurs chypriotes, il a un rêve grec. Jouer dans un bon club de la Superleague, ça fait fantasmer beaucoup de monde là-bas. Pendant l’été 2016, le manager de l’AEK Athènes fait un séjour de plusieurs jours à Famagouste. Il s’est mis en tête de quitter l’île avec Laifis dans ses bagages. Mais les négociations piétinent, puis échouent.

Et là, l’Olympiacos entre dans la danse. Laifis saute à pieds joints sur l’opportunité. Le transfert est vite réglé.  » Quand l’Olympiacos te contacte, il n’y a plus rien d’autre qui compte. Ce transfert, c’est la meilleure chose pour ma carrière, je n’ai pas dû réfléchir. Je me retrouve dans le plus grand club de l’histoire du football grec.  »

Une situation win-win pour Olympiacos et le Standard

Pour quelques jours seulement. Parce que la direction le voit plus comme un investissement sur le futur, sur le long terme. Le Standard a des autoroutes vers Malines et l’Antwerp, mais aussi une voie rapide vers le Pirée. En peu de temps, elle a profité à Sambou Yatabaré, Matthieu Dossevi et GiannisManiatis.

Milos Kosanovic est out pour plusieurs mois, il faut un nouveau défenseur central. Laifis est gaucher, ce qui interpelle Olivier Renard, entre-temps arrivé à Liège. Il en parle à Daniel Van Buyten, qui n’est qu’à moitié convaincu. Un Chypriote ? … Restons sérieux ! Mais finalement, le risque financier n’est pas énorme. La direction de l’Olympiacos est disposée à prêter son nouveau joueur pour deux saisons et accepte d’inclure une option d’achat (très raisonnable) dans le contrat. On parle de 100.000 euros pour la location et environ un million pour le prix du transfert éventuel.

En Angleterre, j’ai découvert une organisation militaire qui m’a aidé à grandir.  » – Kostas Laifis

Christian Karembeu est conseiller du président de l’Olympiacos. Il s’est exprimé sur les relations entre son employeur et le Standard, ainsi que sur le cas Kostas Laifis en particulier.  » Notre collaboration avec le Standard, c’est du win-win. On place des bons joueurs là-bas et on peut les récupérer plus forts par la suite. Parfois, ils ne reviennent pas chez nous, mais les deux clubs sont quand même gagnants. On a accepté de prêter Laifis parce que, vu notre effectif, on estimait qu’il était mieux pour lui de prendre du temps de jeu dans le championnat de Belgique.  »

Duel aérien engagé avec Hamdi Harbaoui lors du récent match de coupe Anderlecht-Standard.
Duel aérien engagé avec Hamdi Harbaoui lors du récent match de coupe Anderlecht-Standard.© belgaimage

Kostas Laifis côtoie Yannick Ferrera pendant peu de temps et il a sa confiance. Ensuite, il est l’un des piliers d’AleksandarJankovic. Pour résumer, il commence presque tous les matches et il reste sur le terrain jusqu’au bout. Il fait par exemple une série de douze matches complets consécutifs en championnat, et sur les six rendez-vous d’Europa League, il ne rate pas une minute. C’est unanime, il est une des bonnes pioches du championnat, un des meilleurs défenseurs.

Des PO2 sous le signe d’une grande misère

Il y a toujours bien l’un ou l’autre grincheux pour faire contrepoids, comme Aad de Mos qui lâche subitement, sulfateuse à la main :  » Kostas Laifis et Alexander Scholz ne sont pas les défenseurs rapides et modernes dont le Standard a besoin pour développer son jeu offensif.  » Dans la même interview, il lâche par exemple :  » Orlando Sá est un attaquant idiot.  » Ouais…

Mais donc, le duo Laifis – Scholz impressionne. Et puis, subitement, début février, la donne change. Jankovic a pas mal chipoté. Défense à trois (Scholz – Laifis – Kosanovic), déplacement de Laifis un cran plus haut comme milieu défensif. Pour en arriver à conclure que le Chypriote serait mieux sur le banc. Il a un passage à vide de plusieurs semaines. Personne ne comprend et il n’y a pas d’explication officielle convaincante.

Et les déjà tristes play-offs 2 sont une petite catastrophe pour lui. Il vit les quatre premiers matches sans décoller du banc. Comme s’il était insuffisant pour affronter le Lierse, Saint-Trond, l’Union Saint-Gilloise ou Malines. Quelques mois plus tôt, il était indispensable contre le Celta Vigo, l’Ajax et le Panathinaïkos… José Jeunechamps remplace Aleksandar Jankovic et le relance contre Waasland Beveren. Verdict : carte rouge après moins d’une demi-heure. Misère ! Sa deuxième exclusion après celle contre Saint-Trond, pour un geste revanchard sur Yohan Boli, pas très fair-play sur le coup.

Sa saison est finie, foutue. Terminée sur la plus mauvaise note possible. Son agent décrit un joueur  » désemparé, frustré, déçu, énervé. Il voulait tellement montrer à tout le monde qu’il méritait d’être à nouveau titulaire. Que ce soit en équipe nationale ou dans ses clubs, il ne s’était jamais assis sur le banc plus de quatre fois de suite. Ici, en fin de saison, ça a été très compliqué pour lui. « 

Par Pierre Danvoye

Laifis-Luyindama, la référence

Cette saison, la situation de Kostas Laifis est devenue complètement différente. Plus rien à voir. Le Standard a joué dix-neuf matches officiels, Coupe de Belgique comprise. Et l’international chypriote n’a pas raté une seule minute. D’abord aux côtés d’Alexander Scholz, puis en compagnie de Christian Luyindama en défense centrale. C’est devenu une défense qui effraie, qui enchaîne les clean sheets, considérée comme une des plus performantes du championnat. Chacun son job. Le Congolais fait un boulot presque purement défensif. Et le Chypriote se porte vers l’avant dès que l’occasion se présente, notamment sur les phases arrêtées.

Le match de Coupe à Anderlecht, la semaine passée, résumait parfaitement leur situation et la distribution des rôles. Luyindama contrôlait tout, gérait le trafic aérien. Et chaque fois que le Standard avait un coup franc dans le camp mauve, Laifis mettait de la pression en zone de conclusion. L’homme revit, ça saute aux yeux. Il est le tout premier joueur chypriote de l’histoire du Standard et un coup dans la cible. Un Chypriote ? … Restons sérieux !

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