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Jean-Willy Ngoma, arnaques à tous les étages

Il se présente comme le neveu de Pape Diouf, un collaborateur de Mino Raiola, un ami d’enfance de Nicolas Anelka et le plus jeune agent de Belgique. À 27 ans, Jean-Willy Ngoma veut jouer les gros poissons dans un monde de requins. Mais pour le moment, il se fait surtout remarquer pour des escroqueries de toutes espèces. Enquête.

Début de saison classique à Walhain. Le Royal Wallonia démarre un nouvel exercice en Promotion. Les mêmes habitudes et quelques nouveaux visages. Parmi eux, un jeune ailier arrive sur le tard. S’il fait profil bas, il présente un CV plutôt ronflant : formé à Anderlecht et Charleroi, en provenance du KV Malines. « On avait trouvé un peu bizarre que sur ses papiers, il était renseigné comme professionnel ou quelque chose ainsi », tente de se rappeler un membre du club à l’époque.

Un joueur qui le côtoie chez les Rouge et Vert fait preuve de davantage de mémoire. « Il n’a pas joué beaucoup, il est arrivé en fin de mercato », dit-il. « Il courait très vite mais c’était tout. C’était très léger pour la Promotion D, où il fallait être costaud. Il était assez discret, mais il faisait un peu le malin parce qu’il disait qu’il avait joué à Malines. Sur le terrain, on ne voyait jamais rien. Il avait des trucs de Malines pour s’entraîner, c’est vrai, mais c’était limite de l’époque où Preud’homme jouait. Peut-être qu’il a joué dans la ville de Malines, mais je ne sais pas pour quel club… »

En réalité, au « Kavé », il n’y a aucune trace du passage de la recrue de Walhain. Selon sa fiche de l’Union Belge, il débarque de Renaix, entité de deuxième division, après avoir connu brièvement Anderlecht, Charleroi, mais aussi Tubize, OHL et le RRC Boitsfort, en P2. Au Wallonia, l’aventure ne dure que quelques mois. Fin janvier, le soi-disant transfuge de Malines est viré pour « faute grave », accusé d’un vol estimé à 2.000 euros. Alors qu’il doit acheter une voiture d’occasion à un coéquipier, il s’arrange avec lui pour lui apporter la somme en cash.

Jean-Willy Ngoma : un personnage des plus déroutants dans le monde des managers.
Jean-Willy Ngoma : un personnage des plus déroutants dans le monde des managers.© PG

À la fin de l’entraînement, l’enveloppe s’est volatilisée. Dans le vestiaire, personne d’autre n’était au courant de la transaction. « Il n’a pas été très malin », commente un coéquipier présent. « Quand on l’a accusé, il a dit au mec : Si tu veux, je te repaye. Le type achète une voiture à 2.000 euros, puis il est prêt à donner 4.000… » Les dirigeants se réunissent et choisissent d’écarter le « type » en question, qui nie en bloc. Faute de preuves, aucune plainte n’est déposée.

On est en 2011 et Jean-Willy Ngoma, 20 ans, vient semble-t-il de réaliser l’un de ses tout premiers tours de passe-passe.

Roda JC et Anelka

Presque sept ans plus tard, Ngoma a remisé les crampons et les rêves de gosse pour les stylos dorés qui paraphent les contrats juteux. Une expérience anglaise en 2012, une mère malade et le voilà qui rentre en Belgique, où il rencontre un agent. C’est le déclic. Du moins, c’est ce qu’il nous raconte lors d’une longue conversation téléphonique. Sur ses gardes au début, il finit par proposer une rencontre. Ce sera le lundi qui suit, à l’hôtel Pullman de Bruxelles, à deux pas de la Gare du Midi. Ensemble, on fixe le créneau : 13h30-15 h. 17 minutes avant l’entrevue, Ngoma prévient : son vol a pris du retard, mais son associé arrive. Ce qu’il fait une heure après, s’excusant d’avoir été retenu par son promoteur de TFE.

Jean-Willy Ngoma Ngoma Mbuiti, de son nom complet – « trop long pour loger entièrement sur un mandat » -, débarque juste avant le gong. En short de plage jaune fluo, mains cousues à son smartphone, il a tout l’air d’un homme pressé. Le mercato bouillonne en ce mois d’août 2017. Au téléphone, celui qui se présente comme « le plus jeune agent de Belgique » nous affirme vouloir « monter un super dossier ». Il en profite pour détailler sa méthode, celle-là même qui lui permet de gravir les échelons à une vitesse folle pour son âge.

En compagnie de Nicolas Anelka, son soi-disant ami.
En compagnie de Nicolas Anelka, son soi-disant ami.© PG

« J’explique comment je fonctionne : le transfert se fait, je prends l’argent. Point. Je vais d’un point A à un point B. J’ai jamais dit que j’allais faire ma carrière avec toi. Si t’es content de ton contrat, tu signes. Tant mieux. T’es pas content, c’est pareil : tu signes ailleurs. C’est le discours que je tiens à tous les joueurs depuis que j’ai commencé, il y a deux ans. Je pense qu’ils sont bien contents aujourd’hui d’être dans le circuit du football. C’est donnant-donnant. » Des propos qui ne choqueraient personne dans le milieu. Comme bon nombre de ses congénères, Ngoma exécute, signe et ne fait ni dans le social, ni dans la « gestion de carrières ».

Il démontre même un grand talent pour se constituer un réseau. En février dernier, il frappe à la porte de Roda JC, aux Pays-Bas, qui reçoit un nouvel investisseur. Le Suisso-Russe Aleksei Korotaev débarque avec Nicolas Anelka. Si la reprise de l’entité de Kerkrade traîne toujours, suite à l’arrestation à Dubaï du repreneur de 31 ans, Ngoma contacte alors Doug Pingisi, conseiller d’Anelka. Il doit devenir le « futur directeur de la formation de Genk ».

« Comme il devait prendre ses fonctions en juin ou juillet, il m’a demandé s’il pouvait venir faire une formation au club », détaille Pingisi, qui accepte de le prendre en stage. Ngoma s’installe à ses frais au Golden Tulip, hôtel situé dans l’enceinte du stade.

BMW et Thierry Henry

Livré à lui-même, clés des bureaux dans la paume, Ngoma se sent vite à domicile. « Il était là et personne ne savait ce qu’il faisait. Tout le monde pensait qu’il écrivait des rapports », assure un employé du club. Mais le stagiaire préfère se faire passer pour le futur patron de l’académie ou le directeur sportif de Roda et ami d’enfance d’Anelka. Dans le même temps, le club cherche à mettre en place un partenariat avec un garage.

Jean-Willy Ngoma fait la jonction entre Roda et BMW Centrauto à Anvers, via un « ami » chauffeur dans le civil. Le partenariat ne se conclut pas mais Ngoma se rend sur place avec Anelka. Un sacré coup de pub pour l’établissement. « Il est vraiment venu avec Nicolas Anelka. Mon patron était super content », justifie un vendeur.

Avec Nicolas Anelka et Thierry Henry.
Avec Nicolas Anelka et Thierry Henry.© PG

Ngoma revient, seul, clame que Nicolas Anelka, mais aussi Thierry Henry, croisé à Kerkrade, sont intéressés par des modèles de la marque et qu’ils veulent les essayer. Il repart avec une 318 d pour le weekend. Il tarde à la rendre, avant d’emprunter une X1. Ngoma demande simplement que les factures soient envoyées à Roda. En un mois, il roule plus de 6.000 kilomètres et écope de plus de 4.000 euros d’amendes, pour une ardoise de plus de 6.000 euros au total.

Centrauto pense avoir affaire à un employé de Roda, mais s’impatiente. « Je n’avais pas de raison de penser que ce n’était pas vrai », soupire le vendeur qui découvre le pot aux roses. « Il connaît beaucoup de personnes mais il utilise leur nom pour son propre intérêt. Il gagne ta confiance, il sait comment jouer avec toi… » Le vendeur retrouve la X1 sur le parking d’un hôtel, à Genk.

Du côté du Golden Tulip, on se plaint d’abord du comportement « arrogant » de Ngoma et assez vite, là aussi, de ses notes impayées. S’il ne veut pas commenter l’affaire avec les BMW, il évoque un litige concernant un jeune qu’il a amené au club et nous montre une preuve de paiement de l’hôtel à 1.630 euros.

En tout, il dit avoir payé « près de 2.700 euros » et avoue en devoir encore 250. Sauf qu’il paye ces 2.700 euros (2.578,60 exactement) avec la carte bancaire d’une femme qui porte plainte contre lui en avril, prévenue par « l’ami » chauffeur. Ensemble, ils appellent la police qui place Ngoma en garde à vue, avant de le libérer.

Stefani, Dethier et Raiola

L’homme n’en est pas à son premier coup. Deux ans avant son aventure à Kerkrade, il arnaque 5.000 euros à l’ex-agent de Steven Defour, Paul Stefani. Le mode opératoire devient sa marque de fabrique. Il caresse sa victime dans le sens du poil, prétexte un problème pour payer et se procure sa carte ou les coordonnées de celle-ci.

En 2015, il envoie quatre profils de jeunes de la réserve du Barça à Stefani. « Il m’a dit qu’il venait d’acheter une Audi et m’a demandé de faire les réservations pour aller à Barcelone. Comme je suis mauvais avec internet, je lui ai donné les chiffres de ma carte pour qu’il s’en occupe », regrette Stefani, 67 ans, entre deux Bounty avalés dans les sous-sols de son magasin de sport à Maasmechelen.

Ngoma réserve les billets d’avion et une nuit à Barcelone, celle du 22 octobre 2015. Le lendemain, les nouveaux collaborateurs décident de rester mais leur hôtel, plein, ne peut plus les accueillir. C’est là que Stefani perd la trace de Ngoma. Il rentre seul le 25 octobre. À son retour, comme le révèle Sudpresse à l’époque, il reçoit une lettre d’Atos Worldline qui suspecte une utilisation abusive de sa carte : un vol pour deux à Luton le 25, des hôtels à Londres et Barcelone le 23 et le 24, champagne compris.

« Il m’a même envoyé un message pour me dire : Paul, je te remercie beaucoup que tu m’aies laissé ta carte pour payer », souffle Stefani, qui demeure sans nouvelles de sa plainte.

Benoît Assou-Ekotto, Prince Segbefia et Emmanuel Adebayor, trois autres 'amis' de Ngoma. (en haut) - Avec Prince Segbefia, qui évolue à Göztepe Izmir. (en bas)
Benoît Assou-Ekotto, Prince Segbefia et Emmanuel Adebayor, trois autres ‘amis’ de Ngoma. (en haut) – Avec Prince Segbefia, qui évolue à Göztepe Izmir. (en bas)© PG

Ngoma nie et choisit le second degré : « Je ne sais pas comment j’ai fait pour payer des choses sans sa carte. Je ne sais pas si c’est Alzheimer… Tout ce que je sais, c’est qu’il y a un transfert qui s’est fait et qu’il n’a pas touché un euro dessus. » À l’époque, Ngoma sévit surtout dans le monde amateur. Soit le bon moyen de se faire les dents et d’amasser les billets facilement.

En somme, il fait signer des joueurs dans des clubs du troisième ou quatrième échelon et repart avec les enveloppes qui contiennent leur prime à la signature. Les montants grimpent entre 1.000 et 3.000 euros, mais se règlent au black. Difficile donc d’aller se plaindre à qui que ce soit. Imparable.

En 2016, il recontacte sur Facebook son ancien partenaire de Walhain, Laurent Dethier. Ngoma, qui glisse au passage qu’il travaille pour Mino Raiola depuis trois ans, lui propose un challenge au KSK Heist. Ce que Dethier accepte. Le contrat prévoit une voiture. « Après un rendez-vous là-bas, Ngoma me demande si je peux le retaper à la gare. Pas de souci, je le fais », commence Dethier.

« Quand on arrive, il me dit qu’il a un accord avec le président : plutôt que de me donner une voiture, je peux avoir une prime si je mets 15 buts. Vu que j’avais déjà une voiture et mon épouse aussi, je me suis dit que c’était intéressant. » Les termes du contrat ont été établis avec le directeur technique, Eddy Vandezande, et Dethier ne doit pas lui en toucher un mot.

Il récoltera 18.000 euros s’il atteint la fameuse barre des 15 banderilles. En guise de preuve, Ngoma lui fournit un document avec la prétendue signature du président et affirme qu’il se charge de rendre le véhicule. « Un soir, quelqu’un me sonne et me parle en néerlandais. Vu que je ne le parle pas, je passe à ma femme qui me dit que c’est le président de Heist qui confirme qu’il y a bien une prime à la place de la voiture. Je me dis que c’est bon… » Mais au bout du fil, il ne s’agit pas du président. Ce dernier n’a jamais signé le document, truffé de fautes de flamand, et la voiture ne revient pas à la case départ. Vandezande reçoit finalement un appel de la police de Tongres, qui vient de bloquer le véhicule, garé sur un emplacement interdit. Il découvre également deux amendes pour excès de vitesse dans la même journée, celle du 20 février 2016, à Anderlecht et Schaerbeek.

Seck, Diao et Lichtenstein

Heist et Dethier portent plainte pour escroquerie, faux et usage de faux. Ngoma nie encore et dénonce une manigance. Il n’a déjà plus le temps pour ces broutilles. Dans le football moderne, les joueurs vivotent sans sourciller d’un agent à l’autre et il faut être à l’affût. Les rancoeurs s’aiguisent aussi vite que la confiance court sur un fil.

Jean-Willy Ngoma ne déroge pas à la règle. « Quand on est une personne un peu controversée, on devient un peu parano », confesse-t-il. « J’ai une manière de management totalement différente des agents qu’il y a en Belgique et en Europe. Parce que je suis jeune et il faut savoir s’imposer d’une manière ou d’une autre. » En clair : forcer le destin par tous les moyens nécessaires.

Bras dessus, bras dessous avec Mathieu Peybernes, actif à Göztepe Izmir lui aussi.
Bras dessus, bras dessous avec Mathieu Peybernes, actif à Göztepe Izmir lui aussi.© PG

Dans cette optique, Ngoma appelle Jacques Lichtenstein, agent de Vincent Kompany. La rencontre se déroule au The Hotel, à Bruxelles, à l’aube de l’été 2016. « Il était habillé comme un prince. Il me racontait que ses parents étaient blindés massacre, que son père était diplomate ou ambassadeur et qu’il avait deux secrétaires. Je me disais qu’il était un petit peu mytho, mais après tout, on peut avoir des parents fortunés. Pourquoi pas », rembobine Lichtenstein.

« Il était déjà en contacts avec pleins d’acteurs dans le football belge. Il m’a proposé certains joueurs, dont plusieurs avaient un bon profil. » Parmi eux, Ibrahima Seck d’Auxerre retient son attention. Un profil justement recherché par Waasland-Beveren. Le joueur vient de la fondation au Sénégal de Salif Diao, qui le conseille.

Ngoma parvient à mettre tout ce petit monde en relation. « Il a dû mentir à Jacques en disant qu’il me connaissait depuis des années », pense Diao. « Il me disait qu’il était l’assistant de Jacques, qu’il lui faisait confiance à 100 % et que tout ce qu’il faisait, c’était à travers lui. » Lichtenstein abonde : « En réalité, il ment très bien, on ne voit pas quand il ment. Il y a des gens qui sont mal à l’aise avec le mensonge. Pas lui. Si vous êtes très occupé, que vous êtes distrait, ce n’est pas évident de déceler quoi que ce soit. »

Amis, menteurs et escrocs

Ngoma, qui se vante ensuite d’avoir transféré « le premier capitaine noir d’une équipe flamande », se défend logiquement en disant qu’il évolue dans un monde où les mots « amis », « menteur » et « escroc » peuvent vite devenir synonymes.

Quoi qu’il en soit, le transfert d’Ibrahima Seck est acté le 13 juin 2016. Une bonne semaine plus tôt, Seck se rend sur place pour discuter du projet. Quand il rentre au Sénégal, son compte descend de manière louche. Seck n’a pourtant été proche que d’une seule personne : Jean-Willy Ngoma. Ensemble, ils dorment près de l’aéroport de Zaventem, dans une chambre d’hôtel réservée par Seck. Le Sénégalais lui laisse le bénéfice du doute.

À son retour, du 13 au 16 juin, il laisse aussi Ngoma conduire la voiture mise à disposition par le club. Il doit l’emmener à l’entraînement, avec trois jeunes en test amenés par Diao. Ngoma se fait flasher plus de trente km/h au-dessus de la limite et provoque une convocation au tribunal du médian de Waasland-Beveren.

Avant de s’en rendre compte, Seck part dîner avec Ngoma. « C’est bon de se faire des amis. À Beveren, je ne connaissais personne. J’étais parti dans cette optique-là », explique-t-il, encore très remonté. Ngoma arrive avec une voiture dont le modèle ressemble sensiblement à celle que Salif Diao avait loué lors de son dernier passage dans le coin. Diao était venu pour finaliser le transfert de Seck et placer ses poulains à l’essai.

Première chose : Ngoma l’invite à prendre une chambre dans un hôtel où « un ami » travaille à la réception. Diao doit simplement donner sa carte bleue pour prévenir toutes sortes d’extras. Deuxième chose : Diao souhaite rallier Liège et loue une voiture. L’ancien de Liverpool, qui réside à Londres, est habitué à rouler à gauche. Il inscrit Ngoma comme second conducteur pour qu’il prenne le volant. Le lendemain, il lui demande d’aller redéposer le véhicule.

Un mois plus tard, Diao reçoit un mail de l’agence de location : « Il disait que j’avais demandé la prolongation de la location de quinze jours et demandait la confirmation ». Ngoma finit par restituer tardivement la voiture avec plusieurs amendes. Selon Diao, 3.000 livres sont débitées sur le compte de sa société par l’agence, quand près de 5.000 autres s’envolent dans des réservations d’hôtels de luxe. Seck connaît plus ou moins le même sort, avec une escroquerie qu’il estime à plus de 1.600 euros.

Jean-Willy Ngoma: Je fonctionne autrement que la plupart des autres agents de joueurs.
Jean-Willy Ngoma: Je fonctionne autrement que la plupart des autres agents de joueurs.© PG

« Personne n’arrive à mettre la main sur lui. Je ne sais pas ce qu’il devient, où il est… Mais ça ne m’étonnerait pas qu’un jour, on le retrouve sous un pont. Quand tu fais ça, il y a beaucoup de gens qui veulent ta peau. Nous, on est des gentils », prévient Salif Diao.

« Je ne me sens pas coupable »

Malgré tous ces dossiers, Jean-Willy Ngoma assure être clean « depuis un an ». Il avoue également avoir un casier judiciaire pour « fraudes ». C’est peut-être la raison pour laquelle il n’est pas enregistré auprès de l’Union Belge en tant qu’intermédiaire, puisqu’il faut pouvoir montrer patte blanche. En ce lundi d’août 2017, il dégaine aussi souvent que possible son téléphone, montre des mandats, cherche des preuves, appelle des présidents, ses « amis ».

Il parvient seulement à discuter avec Dirk Huyck, président de Waasland Beveren. Quand nous les contactons, la plupart des connaissances qu’il affiche fièrement éprouvent des difficultés à se souvenir de lui. « Je ne suis pas là pour faire plaisir à l’opinion publique. Je suis dans le management pour pouvoir être respecté dans ce monde-là, à haute échelle. Je ne parle pas d’aller faire un transfert à Beveren chaque année. Pour pouvoir être au top niveau, il faut être craint », pose-t-il, comme dans un mauvais remake de Scarface.

« Moi, ce qui me plaît, c’est de faire de l’argent. Je n’ai pas fait un centième de ce que font certains dirigeants. Qu’est-ce que je m’en fous de ce que les gens disent… C’est passionnant. 95 % des personnes qui disent ne pas me connaître, je suis persuadé que je discute encore avec elles et je sais qu’elles disent ça. Mais c’est le football. C’est comme ça. C’est un monde qui est rempli d’hypocrisie. Je ne me sens pas coupable du tout. Il n’y a qu’un seul juge, c’est Dieu. »

Pourtant, il se pourrait qu’il en croise un autre. « Plusieurs informations judiciaires sont en cours relatives à des faits notamment d’escroquerie, de vol et de grivèlerie. Aucun autre commentaire ne sera fait dans l’intérêt des enquêtes », se contente d’avancer le Parquet de Bruxelles, par la voix de son porte-parole.

Agent depuis 2012, ou 2015, avec un premier transfert qu’il revendique en 2010, Jean-Willy Ngoma ne s’ennuie pas avec les dates. Il se lève et dit filer pour la Turquie. Le mercato bouillonne toujours avec autant de vigueur. « C’est dommage parce que, pour être honnête, ce type pourrait être vraiment bon s’il utilisait correctement ses qualités », déplore le vendeur du garage BMW à Anvers. « Il connaît les gens, il a le réseau et il s’introduit là où il doit être. C’est un talent qui n’est pas donné à tout le monde. Il serait riche s’il travaillait comme il devrait. »

PAR NICOLAS TAIANA

De la P1 à la D3 anglaise

Jean-Willy Ngoma assure avoir été formé à Anderlecht, « de douze à dix-sept ou dix-huit ans », génération Omar El Kaddouri. Sa fiche de l’URBSFA confirme effectivement son passage chez les Mauves, mais seulement pour l’exercice 2003/2004, quand il avait treize ans. Il rejoint ensuite Diegem Sport puis Charleroi pour quelques mois. Après Tubize et Louvain, il atterrit à Boitsfort, en P2, à dix-huit printemps.

Au RRC, il ne s’impose pas mais on se souvient d’un garçon « charmant ». Un jeune ailier qui n’a pas les qualités physiques pour percer mais qui se retrouve ensuite à Renaix, Walhain puis Sterrebeek, en P1. De là, en 2012, il aurait signé pour « sept mois » à Brentford en D3 anglaise. Les sites tels que Transfermarkt ou footballdatabase l’attestent.

Selon ses dires, il rejoint les Bees par l’intermédiaire de Phil Babb, ancien défenseur de Liverpool, et seulement pour jouer avec les jeunes. Mais encore une fois, il n’y a aucune trace de son passage. Ni dans les archives du club, ni dans les souvenirs de trois joueurs de l’équipe à l’époque.

« Il n’y a jamais eu ce mec-là », tranche l’un d’entre eux. « Je me rappelle seulement d’un petit qui est venu à l’essai et qui parlait français. Il était avec les jeunes et il s’était entraîné une fois avec nous, un lendemain de match où il y avait besoin de compléter le groupe. Peut-être que c’était lui et qu’il en a rajouté une couche… Je me demande s’il m’avait pas dit qu’il arrivait de Mouscron. »

Sa fiche est catégorique : transfert vers l’étranger le 10 avril 2012, signature deux mois plus tard à Maldegem… en première provinciale.

Drogba au Standard

Didier Drogba
Didier Drogba© BELGAIMAGE

Quand Jean-Willy Ngoma débarque à Roda, il assure qu’il peut transférer Pierre-Emerick Aubameyang et Diego Costa en Chine. « Il t’envoie leur passeport, les offres des clubs, il a tout. Je ne sais pas comment il a eu ça. Les escrocs, ils sont comme ça : ce sont des Arsène Lupin », pense Doug Pingisi. « C’est un illusionniste », résume l’un de ses collaborateurs éphémères. Un magicien qui entre en contact avec l’agent de Didier Drogba, Thierno Seydi, fin 2016.

« Il m’a parlé de toutes sortes de joueurs et m’a envoyé des documents avec copie du passeport. Mais je me suis rendu compte que ce n’étaient pas ses joueurs. Il avait poussé le vice jusqu’à me donner le mandat pour le transfert de joueurs qui n’étaient pas au courant », glisse Seydi. « Il m’a dit qu’il était ami avec Daniel Van Buyten. Il voulait soi-disant recruter Didier au Standard, pour les six derniers mois de la saison dernière. »

Encore une fois, Ngoma soigne son discours précieusement. Vu que Drogba termine son contrat à Montréal en novembre, il peut rejoindre son ancien coéquipier de l’OM, qui voudrait faire un coup pour regagner des points auprès de la direction rouche et proposerait 1,5 million de salaire pour six mois. « Didier avait fait une croix sur l’Europe, mais j’ai écouté », poursuit Seydi, qui tente aussi de placer des jeunes à l’essai en Belgique via Ngoma.

« Je n’ai jamais réussi à joindre Daniel Van Buyten sur le numéro qu’il m’a donné. J’ai dit à Didier de l’appeler mais il m’a dit que c’était à Van Buyten de le faire s’il le voulait vraiment. De toute façon, à chaque fois qu’il me parlait de quelque chose, ça n’allait jamais au bout. »

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