© BELGAIMAGE

Hassane Bandé : l’étoile filante

À peine arrivé, déjà reparti : Hassane Bandé est un homme pressé. En quelques mois à peine, sa carte de visite laisse pantois. Snobé par Anderlecht et nouveau gadget de l’Ajax, le néo-international burkinabé s’est imposé avec une faculté déconcertante à notre championnat avec le YRFC Malines. Itinéraire d’un adolescent à qui tout sourit.

La petite salle de presse de Malines pleine à craquer un mardi midi de la fin du mois de novembre, cela fait bien longtemps que cela n’était plus arrivé. Le petit monde du journalisme s’étonne, mais Hassane Bandé (19 ans), lui, a le sourire. L’occurrence ne doit rien au hasard. L’attaquant malinois cartonne depuis le début de saison, mais n’avait pas encore eu l’occasion de s’épancher dans les médias. Les résultats inquiétants du KaVé n’y sont pas pour rien. Le club a longtemps voulu préserver sa pépite. Une exposition trop importante dans les journaux peut rapidement faire augmenter la cote d’un joueur à l’international.

Bandé, c’était pas Messi non plus. Si j’avais absolument tenu à ce qu’il reste, j’aurais mis davantage la pression à mes dirigeants.  » Mo Ouahbi, coach des U17 d’Anderlecht

La direction malinoise le sait mais a déjà fait son deuil au moment de présenter Hassane Bandé aux différents médias du plat pays. Le lendemain de ce speed dating orchestré avec la presse, le KV blinde le contrat de son serial-buteur et lève l’option dans le contrat du joueur. Désormais lié à Malines jusqu’en juin 2021, Hassane Bande vient de prendre une valeur considérable sur le marché des transferts. En moins de 24 h, la gentille petite révélation de Jupiler Pro League s’est transformée en véritable instrument de propagande pour un club désormais impatient de toucher le pactole.

Moins de deux semaines plus tard, le 4 décembre, Saint-Nicolas est arrivé en avance à Malines et a pris la forme d’un chèque de 9,5 millions d’euros (si tous les bonus venaient à être activés). Suffisant pour en faire le 17e transfert sortant le plus cher de l’histoire de notre championnat et explosé le plafond malinois dont le record en la matière était codétenu par Aleksandar Obradovic et Milos Kosanovic, tous deux transférés pour 2,5 millions d’euros respectivement à Anderlecht et au Standard. Le Burkinabé, pour sa part, s’en ira à l’Ajax et cela fait visiblement toute la différence. Depuis le cas Nicolae Stanciu, jamais un club belge n’aurait, lui, aligné près de 10 millions d’euros pour un joueur aux états de service encore limités.

Un grand frère comme mécène

Quoi qu’il en soit, la bonne nouvelle est (aussi) ailleurs pour le KV, qui a négocié de pouvoir conserver son joueur jusqu’en fin de saison pour ne pas mettre en péril l’opération maintien lancée par Aleksandar Jankovic lors de sa reprise du groupe malinois début novembre. La direction malinoise exulte, Hassane Bandé aussi. C’est même dans son habitude. Quinze jours plus tôt, le jeune homme découvrait à peine l’agitation médiatique provoquée par son début de saison canon avec 8 buts inscrits en à peine 7 titularisations.

 » C’est bizarre de se retrouver devant un si grand nombre de journalistes. C’est la première fois que je vois autant de monde s’intéresser à moi, mais cela ne me dérange pas, bien au contraire.  » Hassane Bande a définitivement le visage rond de celui qui rit. De tout et tout le temps de préférence. Pas forcément évident pour cet enfant de Kambissiri, petite ville burkinabaise de 16.000 âmes située 45 kilomètres au sud de Ouagadougou. Issu d’une famille pauvre, la trajectoire d’Hassane ressemble en fait à beaucoup d’autres jeunes joueurs du continent africain.

Plus jeune, Hassane doit compter sur son grand frère policier pour l’aider à réaliser son rêve.  » C’est lui qui m’a permis de devenir footballeur « , raconte-t-il.  » C’est encore lui qui s’occupait des dépenses familiales et m’achetait mes chaussures pour le sport. Aujourd’hui, c’est à moi de lui rendre la pareille grâce à ce que je gagne ici, en Europe. À lui, mais aussi à toute ma famille. C’est pour ça que je n’ai éprouvé aucune difficulté à quitter mon pays cet été parce que j’y étais préparé tant j’ai travaillé dur pour ça.  »

Repéré dès ses 13 ans, Hassane intègre deux ans plus tard le FC Salitas, le tout nouveau centre de formation appartenant à l’ancien ministre des Sports et des Loisirs Yacouba Ouédraogo et dont la direction sportive échoit au belgo-burkinabé Maiga Boureima (ex-Lokeren, Bertrix, Waregem, Ostende et Deinze).

Anderlecht lui demande de revenir

Le but du FC Salitas est de permettre à de jeunes joueurs burkinabés de se frotter dès leur plus jeune âge à ce qui se fait de mieux au pays. C’est ainsi qu’Hassane est très vite parachuté en équipe première à seulement 15 ans. Champion et meilleur buteur avec 17 buts de 3e division burkinabaise, le futur malinois brûle les étapes et permet, douze mois plus tard, au même FC Salitas de rejoindre la première division nationale.

Il n’en faut pas plus pour lancer le grand bal des vautours. Monaco, Porto et Anderlecht toquent à la porte. Hassane n’obtiendra jamais son visa pour le Portugal et la France, mais bien pour la Belgique. S’ensuit un test de trois semaines à Neerpede au mois de novembre 2016 sous les ordres de Mo Ouahbi avec la réserve anderlechtoise.

 » Ce n’est pas un échec de recrutement « , plaide d’entrée de jeu l’actuel coach des U17 chez les Mauves.  » Avec le recul, il faut bien reconnaître qu’il y a essentiellement eu un problème de timing entre Hassane et le Sporting.  » Présenté comme le grand partisan du joueur à Anderlecht depuis l’éclosion de Bandé à Malines, Ouahbi tempère.  » Ce n’était pas Messi non plus. Si j’avais absolument tenu à ce qu’il reste, j’aurais fait le nécessaire pour mettre plus la pression à mes dirigeants.

Le problème, c’est qu’à l’époque, nous avions déjà 5, 6 Africains et qu’en U21, nous sommes limités à 4 étrangers. Or, Abdoul Dante (qui était dans le groupe pour le déplacement à Mouscron mi-novembre, NDLR), Mohammed Dauda et Edo Kayembe venaient de signer au moment où Hassane nous a rejoints. On découvrait ces trois joueurs, et en même temps il fallait prendre une décision pour Hassane, donc on lui a proposé de revenir nous voir quatre mois plus tard.  »

Il fait des émules au Burkina Faso

Sans le savoir, le Sporting vient de laisser passer sa chance. En février, c’est au tour de Malines de sonner à la porte du joueur. Désireux de s’imposer au plus vite en Europe, Hassane revient en Belgique pour y signer un contrat de deux ans (+ 2 en option) à Malines. À la baguette, on retrouve cette fois l’agent belgo-guinéen Dany Sidibé, proche de Jean Kindermans, directeur de la formation à Anderlecht, mais aussi de Fi Van Hoof, ex-directeur sportif du club.

 » On a refait un test à Malines pour voir ce que Yannick Ferrera en pensait, mais l’affaire a été vite pliée  » détaille Sidibé. Resté en Afrique à la même époque, Maiga Boureima exulte.  » Je connaissais le genre de joueur susceptible de plaire au championnat belge et j’étais convaincu qu’Hassane avait tout pour s’imposer en Belgique. Il y avait embouteillage à Anderlecht, mais j’avais bien vu que c’était malgré tout le chouchou de l’entraîneur (Mohamed Ouahbi, NDLR). Cela m’a conforté dans l’idée qu’il fallait le proposer à un autre club. Mon vécu m’avait plutôt fait penser à Lokeren, mais Dany a bien fait de le proposer à Malines.  »

Hassane Bandé : un coup dans le mille pour les Sang et Or.
Hassane Bandé : un coup dans le mille pour les Sang et Or.© BELGAIMAGE

Neuf mois plus tard, la réussite actuelle d’Hassane est forcément une bénédiction pour le directeur sportif du FC Salitas qui aspire à profiter de  » l’effet Bandé  » pour ramener d’autres espoirs de son centre de formation en Belgique.  » Je peux d’ailleurs déjà vous dire que nous avons deux garçons qui arriveront cet hiver en Belgique. L’un à Lokeren (Ouattara Ben Quadir, NDLR), l’autre à Malines (Boni Trova, NDLR). La Belgique est une terre d’accueil et un tremplin formidable pour nous. Nous serions sots de ne pas en profiter.  »

Mon but, ce n’est pas juste de jouer pour mon pays, mais aussi et surtout d’arriver au sommet.  » Hassane Bandé

Le rêve éveillé du clan Bandé ne serait donc pas terminé. Désireux d’implanter le réseau burkinabé en Belgique, celui-ci était aussi partie prenante dans le fait de ne pas précipiter le départ d’Hassane cet hiver.  » Une fois l’option levée et son contrat revalorisés, nous n’étions pas pressés de conclure un transfert  » explique Sidibé.  » Le destin en a voulu autrement.  »

Une déferlante de buts sur YouTube

Pour maintes cylindrées européennes, la concrétisation du transfert d’Hassane vers l’Ajax a sonné la fin de la récréation. Le PSV Eindhoven, Newcastle, le FC Barcelone, Manchester United, Arsenal, le Borussia Dortmund, le Bayer Leverkusen, Stuttgart, l’Inter, la Fiorentina, où Lille, tous s’étaient déjà rendus au moins une fois à Malines pour visionner le phénomène.

 » Tout cela a été très vite. Cela ne faisait pas 6 mois que j’étais en Belgique, qu’il fallait déjà que je commence à me soucier de mon avenir à court terme. Évidemment, cela me fait plaisir quand il y a du monde pour venir me regarder jouer, mais cela ne met aucune pression, vraiment. Déjà en Afrique, on me disait qu’il y avait beaucoup de monde qui regardait ma vidéo YouTube et ce n’est pas ça qui m’a perturbé. Ici, c’est pareil. Si je suis bon sur le terrain, le reste suivra automatiquement.  »

Une vidéo de piètre qualité, une musique rasoir, des tribunes vides et des terrains en piteux états, mais une quantité de buts compilés en un peu moins de 8 minutes qui éveilleront en premier l’attrait des recruteurs de tous bords. De tout juste 500 vues il y a encore quelques jours, la vidéo a récemment explosé grâce à l’attrait des premiers supporters amstellodamois curieux de voir à quoi ressemble le dernier transfuge de l’Ajax. La suite appartient au seul talent d’un joueur dont l’année 2017 ressemble à celle de toutes les découvertes et s’apprécie en haute définition.

Première chevauchée avec les Etalons face au Cap-Vert

Comme lors de sa première expérience internationale vécue mi-novembre avec le Burkina Faso contre le Cap-Vert. Passés, comme en 2013, tout près d’une qualification pour le Mondial, les Étalons de Paulo Duarte ne manquent pas de talents dans leur rang et ont accueilli le petit nouveau comme il se doit avec une large victoire 4-0 contre les insulaires.  » J’ai vu avec cette sélection que le pays comptait sur moi et c’est une grande fierté de pouvoir faire quelque chose pour sa patrie, mais mon but, ce n’est pas juste de jouer pour mon pays, mais bien d’arriver tout en haut.  »

Pour y arriver, en sélection, Hassane pourra compter sur ce qui est considéré au Burkina Faso comme une génération dorée avec Bertrand Traoré (Lyon), Steeve Yago (Toulouse) ou Hervé Koffi (Lille) en leaders tout désignés. Autant de joueurs talentueux qui ont tous bénéficié de l’attrait de la Ligue 1 pour se faire connaître. Une étape snobée par le principal intéressé.  » Moi, le championnat qui me fait rêver, c’est la Liga, pas la Ligue 1. Mais on ne sait jamais de quoi l’avenir sera fait.  » Et pour cause, puisque l’Eredivisie néérlandaise sera son prochain point de chute.

Si aujourd’hui, l’autoroute du succès semble déjà toute tracée pour Hassane, Mo Ouahbi rappelle, lui, que sans Yannick Ferrera, le joueur en serait peut-être encore à gratter du temps de jeu chez les U21 du KV.  » Il a eu la chance de tomber à Malines sur un entraîneur qui aime travailler avec les jeunes. Il a su la saisir et je suis sincèrement content pour lui, mais des joueurs comme lui, il y en a des tas et c’est très difficile de connaître leur marge de progression. Regardez Silvère Ganvoula. Il y a un an, il cartonnait avec Westerlo, aujourd’hui, il est remplaçant à Malines, barré par un joueur encore un peu plus jeune que lui. Dans le foot, tout peut aller très vite.  »

Le renard des couloirs

Cela tombe bien, c’est justement une des qualités principales d’Hassane Bandé, aka le renard des couloirs pour sa faculté à trouver le chemin des filets malgré son repositionnement sur le côté gauche depuis le début de saison. Une mobilité par forcément toujours suivie d’une participation franche au jeu de passes qui ne l’empêche pas de fantasmer les qualités d’un Karim Benzema. Pas franchement aussi gracieux bal au pied, Bandé a pour lui la fraîcheur de la jeunesse. Celle d’un homme de tout juste 19 ans qui rêve la réussite et semble prêt à tout pour y parvenir. Quitte à sacrifier un peu de sa dignité sous l’hôtel du dévouement.

Opération séduction

Retour dans la salle de presse malinoise. Non content d’avoir déjà satisfait à sa première obligation médiatique sous nos latitudes, le joueur est bientôt appelé à prendre la pose à même le pré malinois. En short, t-shirt, et sous un léger crachin, Hassane Bandé se prête à une improbable série de questions-réponses pour la télévision flamande. Au menu, une interrogation surprise sur ses origines et une mappemonde nonchalamment posée sur une table. Gelé, mais de bonne volonté, Hassane pointe sa ville de Kambissiri sur le globe, avant de devoir faire montre de son apprentissage de la langue de Vondel.  » Ik ben Hassane Bandé. Ik ben voetballer.  » L’assistance rigole, Hassane en fait de même. Pas sûr que ce soit de bon coeur cette fois, mais l’idée est là et le plan de bataille bien en place. Trois mois et demi après sa première apparition dans notre championnat, l’opération séduction semble en bonne voie. Reste encore à devenir le nouveau Karim Benzema. Et à apprendre le néerlandais. Ce qui ne saurait tarder à l’Ajax.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire