© Emilien Hofman

Fabrice Lokembo : confessions d’un repenti

Grand espoir du Sporting Charleroi au début du XXIe siècle, Fabrice Lokembo a connu les blessures, les excès, l’entourage malsain et la naïveté qui l’ont mené en prison en tant que passeur de migrants. Repenti, il livre le témoignage saisissant de sa vie.

Fabrice Lokembo à propos…

…du déclic négatif de sa carrière : « Je ne regrette pas d’avoir quitté Charleroi, mais ça a été le déclic négatif de ma carrière. Il faut aussi situer le contexte : je sors d’une blessure au coeur, je reviens à mon top niveau, je suis en fin de contrat et les dirigeants me font miroiter plein de trucs sans jamais rien me proposer de concret. À un moment, je prends la décision de partir. Partir où ? En Israël pour jouer la Coupe d’Europe. Mais j’aurais dû faire un autre choix et rester en Belgique dans un club qui aurait pu me faire confiance. Surtout que les médecins affirmaient enfin que je pouvais rejouer au haut niveau. »

…de ses premiers déboires avec la justice : « J’ai rencontré une femme beaucoup plus âgée que moi. Avec elle, j’ai continué à profiter de la vie alors que je n’avais plus du tout le même salaire qu’avant. On a même eu un enfant qu’elle a perdu. J’ai essayé de la conseiller par rapport à sa vie jusqu’alors difficile, mais ce rôle ne me convenait pas du tout. Et j’ai fait plusieurs bêtises. J’ai fait une première fois de la prison suite à une affaire de stups. Je consommais et je revendais de la drogue, au point de finir sous écoute téléphonique et d’être arrêté. J’ai reconnu les faits, j’ai fait trois mois de prison et j’ai aussi assumé mes 500 heures de travaux d’intérêt général en m’occupant de jeunes Bruxellois en difficultés. J’ai donc payé ma dette envers la société. »

…de l’épisode « passeur de migrants » : « Comme j’avais des dettes, il me fallait du travail, des connaissances m’ont conseillé de me renseigner à la Place Bara à Bruxelles. Je m’y suis rendu, des mecs qui avaient l’air « du métier » m’ont aiguillé vers un Albanais qui m’a proposé de livrer des meubles à Londres dès le lendemain.(…) On a pris les meubles en Belgique, on est parti vers la France et à un moment, le mec à côté de moi m’a dit qu’on allait devoir embarquer des gens et leur faire traverser la frontière. La camionnette était louée à mon nom, j’avais des dettes à rembourser… plein de choses passaient par ma tête. Mon co-pilote se voulait rassurant : « T’inquiète, je l’ai déjà fait, il n’y a pas de problème ! »(…)Psychologiquement, c’était difficile. Je changeais d’avis constamment. À un moment où j’ai vraiment envisagé de partir, les clandestins sont apparus. C’était des Afghans. Mon co-pilote les a installés à l’arrière de ce mini-camion. Moi, j’étais au volant.(…) Au premier contrôle d’identité, j’ai eu droit à une vérification du contenu de mon coffre. J’ai tout de suite pensé à mon fils Kilian. Ils ont ouvert les meubles et découvert les Afghans. La police est venue et m’a questionné sur le mode opératoire. Je suis passé en comparution immédiate : un juge m’a condamné par vidéo conférence à une peine d’un an. »

…du regard qu’il porte sur ses déboires : « Chaque jour, je suis dans une phase de nettoyage par rapport à ce que j’ai pu faire. Il faut que mon passage en prison serve à quelque chose. Je me dois de rendre des comptes à mon fils Kilian, qui a le droit de savoir pourquoi. Je continue à prendre du recul avec sagesse : mon bon coeur m’a amené à faire certaines choses que je ne voulais pas faire au plus profond de moi. Maintenant, ma seule priorité, c’est Kilian. »

Par Emilien Hofman

Retrouvez l’intégralité de l’interview de Fabrice Lokembo dans votre Sport/Foot Magazine

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire