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Comprendre la crise au Standard

Thomas Bricmont

Que ce soit en coulisses, sur le terrain ou dans les tribunes, le Standard est en pleine déprime. Décryptage d’un profond malaise.

20h15, Jelle Van Damme est le premier à quitter la Cristal Arena de Genk. Non pas pour rejoindre le car des joueurs mais pour monter dans sa voiture personnelle et retrouver au plus vite son domicile de Hasselt à une quinzaine de kilomètres de là. Cette fuite en avant du capitaine, qui abandonne ses troupes, est assez symptomatique du malaise profond qui règne au sein d’une équipe à la dérive et d’un club en perdition. Comment trouver une once de satisfaction après la nouvelle débâcle de dimanche ? Lors de la défaite, pourtant lourde dans les chiffres à Gand (4-1), les supporters rouches présents avaient cru apercevoir un léger mieux et avaient applaudi leurs favoris. Cette fois, plus question d’accepter les remerciements un peu forcés des joueurs au coup de sifflet final. Ils les ont repoussés avec force après avoir pourtant continué à donner de la voix tout au long de la rencontre. Le  » On est là ! On est là ! Même si vous ne nous méritez pas, nous on est là « , entonné durant de longues minutes en fin de rencontre est particulièrement symbolique de la cassure de plus en plus visible et sonore entre les joueurs et la base.

Une com’ qui tourne fou

Le Standard traîne son spleen en coulisses et sur le terrain depuis le début de saison. L’élimination face à Molde était annonciatrice de temps compliqués. Le mercato de dernière minute n’a pas réussi à inverser la tendance et les sorties médiatiques incompréhensibles de son nouveau président, Bruno Venanzi, n’ont fait que prolonger le malaise. Désormais, c’est LaDernière Heure qui a lancé un nouveau pavé dans la mare, samedi dernier, à propos du probable retour aux affaires de Lucien D’Onofrio afin d’aider un Standard exsangue, de l’aveu même de son propriétaire. Si cette information a été démentie de façon très furtive par le club, la politique du Standard est de moins en moins lisible pour des partisans qui espéraient retrouver le sourire après l’ère Duchâtelet très critiquée. Le duo Venanzi-Axel Lawarée a longtemps surfé sur une communication démago mais qui s’avère aujourd’hui sans effet. Car si le club a connu plusieurs soubresauts la saison dernière, notamment à cause de décisions impopulaires du duo précité lors de l’éviction d’Ivan Vukomanovic notamment, les dernières semaines ont plongé le club dans une situation quasi historique.

Lawarée très discuté

Le président préfère désormais attendre les suites judiciaires de la prétendue affaire de corruption avant de sortir du bois. Le rôle d’Axel Lawarée est de plus en plus dans l’oeil du cyclone. Ricardo Faty, parti à Bursaspor, l’a d’ailleurs pointé du doigt :  » Depuis qu’il est arrivé, rien ne va plus au niveau sportif. Tout le monde doit prendre ses responsabilités, lui y compris. Il doit assumer ses erreurs « . Et des erreurs, il y en a eu. La volonté déclarée du président Venanzi de clôturer rapidement le mercato afin de faciliter le boulot de Slavo Muslin est très vite apparue irréalisable. Les deux coûteuses nouvelles recrues, Ivan Santini et Mohamed Yattara, ont rapidement affiché leur méforme alors que le cas Geoffrey Mujangi Bia a trop longtemps traîné. A tel point que Venanzi, voulant se débarrasser de son salaire, était prêt à voir son joueur le plus prolifique de l’an dernier partir gratuitement. Il a fallu l’appui et l’entregent de l’agent et ami Christophe Henrotay pour arriver à un compromis jugé satisfaisant pour les deux parties. Aujourd’hui, si le mercato entrant d’Axel Lawarée, qui a dû à sa décharge travailler avec des moyens limités, est problématique, on lui reproche aussi d’être incapable de faire sortir les joueurs et de perturber une trésorerie mal en point. Seulement, Lawarée n’a pas l’étoffe de directeur technique d’un club comme le Standard.  » Il a beau jouer les durs quand on le croise, il ne prend jamais une décision forte « , nous raconte un joueur. A contrario, Bruno Venanzi sait qu’il peut compter sur quelqu’un de totalement dévoué, qui à l’image de son président novice, est prêt à tout ou presque pour saisir cette opportunité unique. Et l’homme ne lésine donc pas sur la charge de travail. Mais est-ce le rôle du directeur technique d’un club de la dimension du Standard de gérer la paperasserie du logement d’un des derniers transferts du mercato ? L’arrivée officielle de Daniel Van Buyten, que l’on dit imminente mais qui se fait attendre, va inévitablement reléguer Lawarée au second plan. Avec Big Dan, on ne boxe évidemment pas dans la même catégorie en termes d’image et de réseau. L’ex-défenseur du Bayern est réapparu du côté de l’Académie en fin de semaine dernière alors que des problèmes privés l’avaient obligé à rester en retrait pendant une dizaine de jours.

Cherche capitaine

Le club doit aussi rapidement panser les plaies sportives profondes des derniers matches. Et Yannick Ferrera pouvait difficilement positiver après la nouvelle sortie malheureuse à Genk. Au-delà d’une option tactique (5-3-2) qui s’est avérée peu concluante avec un milieu bouffé par celui de Genk, des flancs totalement perdus et une attaque transparente (Santini-Renaud Emond) composée de deux profils similaires, c’est le manque de personnalité qui saute aux yeux. Personne n’est aujourd’hui capable de sonner la charge quand ça tourne carré. Et certainement pas le capitaine, Jelle Van Damme, qui a encore multiplié les retards la semaine dernière aux entraînements, et dont le statut au sein du groupe est de plus en plus discuté. Ses récentes prestations ne sont certainement pas de nature à le dédouaner. Le cas Adrien Trebel est aussi éloquent. Certes, le joueur essaie de donner de la voix et de la vie à un groupe à la peine mais sa prolongation de contrat de quatre ans, paraphée mi-août, n’a pas freiné ses velléités de transfert. Un départ que la direction verrait également d’un bon oeil. Seulement, son rendement et surtout son contrat, l’un des plus importants du noyau derrière Van Damme, ne vont pas faciliter son transfert. Au Standard, ils sont plusieurs à avoir blindé avantageusement leur contrat, ce qui les place dans une situation de confort. A titre de comparaison, Axel Witsel, qui trônait sur le championnat lors de sa dernière saison en rouche, émergeait à 350.000 euros bruts, bien en-deçà des normes actuelles. Et ce ne sont pas les arrivées un peu forcées de dernière minute signées Yatabaré et Dossevi – dont la volonté n’est pas non plus de s’éterniser en Jupiler League – qui sont de nature à booster le groupe, Dossevi se montrant particulièrement irritant à l’entraînement. Aujourd’hui, si Ferrera met de l’intensité au quotidien, l’agressivité est loin d’être au rendez-vous. Mais les certitudes teintées d’arrogance dans le contingent franco-français perdurent.  » Le pire dans tout ça, c’est que personne ne semble se rendre compte de la situation « , conclut un joueur.

Par Thomas Bricmont

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