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Comment le Standard accroît sa force de frappe

Thomas Bricmont

À travers son réseau de clubs partenaires, annoncé en mars dernier et démarré cette saison, le Standard renforce sa force de frappe et son attractivité aux quatre coins de la Wallonie. Avant de s’attaquer à Bruxelles et à la Flandre ?

Rappelez-vous de ce 20 août 2012 quand Sébastien Pocognoli avait planté le drapeau des ultras inferno du Standard en plein centre du stade du Pays de Charleroi après une plantureuse victoire (2-6). Le geste avait alors été jugé provocateur et même sanctionné d’une amende de 650 euros par la cellule foot du Ministère de l’Intérieur.

Aujourd’hui, c’est le club tout entier qui hisse le drapeau rouge et blanc aux quatre coins de la Wallonie. En mars dernier, le club annonçait le lancement de son réseau de clubs partenaires. Une information passée quelque peu sous silence mais dont la mise en place semble être d’ores et déjà une réussite et dont les effets à moyen et à long termes pourraient s’avérer très positifs à différents niveaux.

D’un point de vue sportif tout d’abord, mais aussi en terme de rayonnement car les quatre axes principaux (voir cadre) ont pour but de renforcer au niveau provincial et puis national l’identité, voire la marque  » Standard « . Un projet similaire avait été évoqué il y a quelques années déjà mais celui-ci a véritablement pris forme il y a un an et demi environ.

Maxime Filot, supporter illustre des travées de Sclessin, devenu ADN Director de son club de coeur quelques mois après la prise de pouvoir de Bruno Venanzi, est la cheville ouvrière de ce réseau.  » Quel a été l’élément déclencheur ? Une centaine de jeunes du club de Saive (P2 liégeoise qui compte 360 jeunes, ndlr) dont je suis président avait été visiter les installations de l’Académie. Mais, que ce soit les gamins ou les formateurs, ils m’avaient expliqué au retour qu’il n’y avait quasiment pas eu d’échange avec le Standard. Je me suis dit qu’on passait à côté de l’essentiel. Surtout qu’à ce moment-là la thématique  » supporters de demain  » revenait régulièrement sur la table à l’intérieur du Standard. C’était un vrai sujet de réflexion.  »

Ne plus être un prédateur

Le président Bruno Venanzi a été l'instigateur de la symbiose avec les petits clubs des autres provinces.
Le président Bruno Venanzi a été l’instigateur de la symbiose avec les petits clubs des autres provinces.© belgaimage

À l’image d’autres cercles de l’élite, le Standard a longtemps traîné la réputation de prédateur, lisez un club qui n’avait aucun scrupule à dépouiller les meilleurs jeunes éléments des petites formations des environs. Dès son arrivée à la tête du Standard, Bruno Venanzi a rapidement tenu à briser cette image. Quand Maxime Filot est venu lui présenter les prémices du réseau des clubs partenaires, le jeune président liégeois n’a pas été difficile à convaincre.

Bruno Venanzi :  » J’entendais souvent les gens nous dire :  » Le Standard nous pique nos jeunes alors qu’on a rien en retour. «  De mon côté, je suis parfaitement conscient que ces clubs amateurs sont la base de notre football. Et je n’ai certainement pas envie que le foot provincial se meure, car c’est le vivier du foot professionnel. Il ne faudrait pas l’oublier.  »

Dans un premier temps, le Standard va s’attacher à renforcer son ancrage  » local  » en s’entourant de 14 clubs partenaires issus de la province de Liège avant d’agrandir son champ d’action.  » À travers ce projet, il y a une vraie dynamique qui s’installe entre le Standard et ces clubs amateurs « , poursuit Venanzi, particulièrement enthousiaste à l’évocation d’une structure de plus en plus consistante.

Mais à quoi le club amateur s’engage-t-il ? À remonter au Standard de Liège une information/recommandation relative aux jeunes joueurs les plus prometteurs des catégories U6 à U12. En contrepartie, le Standard s’engage sur une dizaine de points, dont ceux d’accepter le transfert définitif gratuit d’un joueur du Standard de Liège âgé de 17 ans minimum que le club ne souhaite pas conserver et qui aurait trouvé un accord avec le club partenaire ; inviter des membres de chaque club partenaire à différents événements (un match officiel par saison, une visite du stade, un tournoi élite annuel) ; ou encore à relayer diverses infos des clubs partenaires sur ses réseaux sociaux ou supports de communication du club.

Des clubs labélisés

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 » Ce qui veut dire concrètement qu’on n’envoie plus de scouts comme dans le passé mais que désormais, on fait totalement confiance aux informations que les formateurs de ces clubs nous remontent « , précise le président Venanzi.  » Je pense pouvoir dire qu’on a aujourd’hui restructuré l’Académie et qu’il y a dorénavant une vraie ligne de conduite.  »

Le Standard n’a pas pioché au hasard pour faire naître ce réseau. Tous les clubs partenaires sont issus des labels de qualité (deux étoiles) ou d’excellence (trois étoiles) attribués par la ACFF (Association des Clubs Francophones de Football). D’ailleurs, comme le précise la convention, si ce label est perdu, le club disposera d’une année pour tenter de le récupérer, sinon il perdra automatiquement sa qualité de club partenaire.

 » Renforcer l’ancrage provincial liégeois était important à plus d’un titre « , explique Maxime Filot.  » Car on subit la concurrence depuis un petit temps du Racing Genk, un club dont on doit reconnaître qu’il travaille plutôt bien avec ses jeunes. Et aujourd’hui, cet ancrage liégeois est important puisque 14 clubs sont venus renforcer notre réseau partenaire. Dont plusieurs clubs d’excellence qui évoluent au niveau national (Tilleur, Waremme, La Calamine, Huy, Verlaine). D’ailleurs, sur les 20 clubs, huit évoluent au niveau national. Et il n’est pas exclu que dans un futur proche, on signe un partenariat avec un club qui évolue en D1 amateur.  »

Quel intérêt pour le club amateur ?

 » C’est gai de se dire qu’il y a une forme de passerelle qui existe entre un club comme le nôtre et un de la dimension du Standard même si Liège, ce n’est évidemment pas la porte d’à-côté « , témoigne Alain Evrard, responsable de l’école des jeunes de Bertrix, club de la province du Luxembourg, qui compte 240 jeunes. Ce club luxembourgeois était d’ailleurs demandeur de ce partenariat et a posé sa candidature.  » Cet échange est extrêmement motivant pour les petits « , poursuit Evrard.  » Et c’est aussi une façon de rappeler aux plus jeunes qu’il n’y a pas que Virton dans la région.  »

 » C’est une collaboration win-win » , note Jean-Marc Colinet, responsable des équipes de jeunes du RUW Ciney et dont le fils, Jérôme, est passé par l’Académie des Rouches avant de connaître une carrière professionnelle.  » Le Standard reste une référence en matière de formation. Il a donc davantage d’intérêt à miser sur des jeunes de U10 à U13 car la formation n’est pas terminée à cet âge-là et la marge de progression encore grande. Par après, le retard est plus difficile à rattraper.  »

La concurrence doit-elle s’inquiéter ?

Le réseau des clubs partenaires n’est pas resté confiné à Liège mais touche toutes les provinces wallonnes, désormais, avec Ciney et Andenne dans la province de Namur, Bertrix dans celle du Luxembourg, Braine-l’Alleud et Jodoigne dans le Brabant wallon, et Tournai dans le Hainaut. En développant son champ d’action, le Standard augmente par la même occasion sa force de frappe auprès des jeunes.

Le meilleur exemple étant l’arrivée du RCS Brainois dans le réseau, un club où évoluent 550 jeunes et qui est réputé dans la région pour la qualité de sa formation. Le Standard marche-t-il sur les plates-bandes de concurrents comme Anderlecht, basé à une vingtaine de kilomètres ou de de Charleroi distant d’un peu plus de 40 kilomètres ?

 » Ce partenariat, c’est d’abord une reconnaissance de notre travail à travers notre label trois étoiles « , enchaîne Henri Pensis, responsable sportif du club brabançon.  » Ça permet au Standard d’avoir un oeil sur nos meilleurs jeunes. L’objectif n’est pas de pousser l’un de nos jeunes talents vers le Standard mais de l’informer des talents en présence. La décision reviendra toujours à l’enfant et à ses parents. Et s’ils préfèrent rejoindre Charleroi ou Anderlecht, on ne va certainement pas lui mettre des bâtons dans les roues « , précise Henri Pensis.

Si le but de ce réseau n’est pas d’accumuler les partenariats mais au contraire de cibler les clubs, le Standard pourrait se lier prochainement avec de nouveaux clubs partenaires, notamment dans la région de Charleroi et à Bruxelles, voire dans le Limbourg.

 » Le but n’est pas d’emmerder la concurrence mais bien de rappeler que si le club n’était pas au mieux sportivement, ces derniers temps, il garde une énorme force de frappe « , enchaine Maxime Filot.

Attirer les supporters de demain

Le Standardman Benjamin Tetteh lors d'un match de préparation face à Tilleur, la saison passée. Les Métallos font à présent partie du réseau du Standard.
Le Standardman Benjamin Tetteh lors d’un match de préparation face à Tilleur, la saison passée. Les Métallos font à présent partie du réseau du Standard.© belgaimage

L’un des grands axes, si pas le plus important, de ce réseau est d’établir un lien social avec la base et par conséquent de faire naître la fibre rouche chez les plus jeunes. C’est pourquoi la convention précise notamment que le Standard s’engage à inviter les plus jeunes (U6 à U11) du club partenaire à suivre un match à Sclessin.  » Un enfant est toujours marqué à vie par son premier match « , assure Venanzi.

Maxime Filot :  » Après le match face à Saint-Trond du 23 décembre, on aura déjà invité 14 de nos 20 clubs partenaires, ce qui représente plus de 6000 jeunes. Il est inutile de dire que le gamin qui n’avait jamais été voir un match au stade, a de grandes chances d’en sortir supporter du Standard. C’est un projet qui ne coûte pas grand-chose, qui est basé sur l’humain, le relationnel et sur la valorisation des clubs de notre réseau. J’ai eu des mails dithyrambiques de remerciements de divers responsables de clubs du réseau car leurs gamins étaient fous de joie de se rendre pour la première fois dans un stade. Ce réseau permet aussi de les fidéliser.  »

Caroline Galer-Constant, présidente de l’école des jeunes de Ciney, et grande supportrice des Rouge et Blanc, l’assure :  » La marque Standard ne semble pas s’estomper avec le temps. Je vois encore beaucoup de nos jeunes porter le maillot du Standard. Je ne me rappelle pas en avoir vu avec celui de Charleroi sur le dos par exemple. Le 23 décembre, face à Saint-Trond, de nombreux enfants de Ciney découvriront Sclessin pour la première fois. Ils seront inévitablement marqués par l’atmosphère de ce stade.  »

S’il ne faut jamais tirer trop longtemps sur la corde, le Standard confirme cette saison encore, avec plus de 20.000 abonnés, que malgré deux années de suite sans play-offs 1, le pouvoir d’attraction n’a quasiment pas faibli. Mais si le club s’est montré ces derniers temps trop souvent passif en subissant les événements, le club principautaire a cette fois la volonté de dicter son avenir avec un projet encore unique en Belgique.

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Par Thomas Bricmont

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