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Charleroi : Pour devenir grand

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Contrairement à des concurrents sans doute aussi ambitieux, Charleroi n’a pas caché sa volonté de remporter les PO2. Parce que l’opportunité de grandir est trop belle.

« C’est le scénario de toute la saison », lance Damien Marcq, titulaire incontestable pour chaque rencontre avec la presse après un match. Quelques instants plus tôt, les Zèbres ont quitté la pelouse du Daknam avec une défaite presque écrite dans les lois tacites du football après les occasions ratées du début de rencontre. Possession, domination, gaspillage, contre-attaque, Harbaoui, 1-0. « On fait le jeu, on a les occasions, et on se fait punir derrière », poursuit le milieu défensif, presque fataliste.

Quelques mètres plus haut, assis à deux sièges d’un Georges Leekens qui vante les qualités de Charleroi, Felice Mazzù dresse le même constat : « On se crée six ou sept occasions, on prend le match à notre compte… Ne pas arriver à gagner par rapport au contenu, c’est une grosse déception. On doit repartir d’ici avec les trois points. On est en déplacement, et on a joué la majeure partie du temps dans le camp de l’adversaire. »

Dominer, sans jamais se mettre vraiment à l’abri d’un contre assassin. Le scénario n’est que trop connu par ceux qui ont passé leur début d’année dans les travées du Mambour. Dans le vestiaire carolo, certains redoutaient même ces play-offs 2, avec des confrontations hebdomadaires contre des équipes qui vont poser deux lignes de quatre devant leur rectangle, faire parler leur taille dans la surface et profiter de la moindre seconde d’inattention pour sortir le poignard.

Les Zèbres démarrent cette compétition dans le costume du favori. Auto-proclamé, à tous les étages du club. Comme si Charleroi voulait utiliser ces PO2 comme un laboratoire dans sa crise de croissance. « Le Sporting de Charleroi n’est pas encore prêt à assumer une obligation de résultats », affirme Mehdi Bayat. Mais dans les bureaux du Stade du Pays de Charleroi, on souhaite visiblement que cela change. Interdiction de finir la saison sans pression, parce que c’est justement cette incapacité à y résister qui a coûté le top 6 aux hommes de Mazzù.

« Notre problème depuis la reprise, c’est que les équipes viennent à Charleroi et se mettent à onze derrière », reconnaît Jérémy Perbet. Un raisonnement qui ne se limite plus au stade carolo. Parce que Lokeren a fait chez lui la même chose que le Standard à Sclessin voici quelques semaines : s’installer dans son camp, laisser le ballon à Charleroi, et attendre.

DOMINER SANS KEBANO

C’est l’histoire du changement de statut. Ce moment, imperceptible, où une équipe cesse d’être une bonne surprise pour devenir une valeur sûre. Aux yeux de son public, des médias, et par conséquent des adversaires, qui analysent les Carolos avec plus de minutie, et décident de leur laisser le ballon parce que c’est le meilleur moyen de les pousser à la faute. Aujourd’hui, un match contre les Zèbres se prépare comme une affiche. D’équipe organisée et redoutable en reconversion offensive, Charleroi doit donc devenir une équipe qui « fait le jeu », parce qu’elle ne peut plus faire autrement. Avec une difficulté supplémentaire par rapport aux autres équipes qui vivent la même phase de transition vers le sommet : depuis le départ de Neeskens Kebano, et en attendant la fin de l’acclimatation de Cristian Benavente, Mazzù ne peut pas compter sur un homme capable de créer du danger indépendamment du contexte. Perbet est un redoutable buteur, mais il a besoin d’un football bien précis pour faire trembler les filets.

Perbet, justement, est souvent transformé en cible tacite quand les choses tournent mal. Avant le match, à la théorie, Mazzù parle à ses hommes de maturité dans les deux rectangles alors qu’il compte dans son onze de base le meilleur buteur du championnat, qui a mis treize de ses quatorze buts dans les seize mètres. Et après le coup de sifflet final, le coach évoquera un début de match où « on aurait pu être plus collectif », Marcq demande « plus de détermination dans le rectangle adverse », et Christophe Diandy confie que « parfois, on a fait des mauvais choix. » Difficile de ne pas penser à cette occasion, en début de match, où Perbet tente une frappe à la retourne alors que Diandy et Clément Tainmont semblent en position idéale pour tromper Davino Verhulst.

« L’année dernière, les adversaires n’attendaient pas Charleroi à ce niveau-là », rappelle un Perbet qui souligne également qu’il a marqué contre la plupart des équipes qui disputent actuellement les play-offs 1. Nouvelle preuve que Charleroi est presque soulagé quand il peut laisser le ballon à l’adversaire. Le seul doublé de l’homme aux quatorze roses date d’ailleurs d’un déplacement à Gand, bouclé par les Zèbres avec 34% de possession de balle.

« UN CLUB QUI GRANDIT »

Sur le terrain, le problème semble presque plus mental que footballistique. Car la possession est propre, fluide, même si Enes Saglik manque parfois de régularité dans ses inspirations pour être un vrai numéro 10, ou si Marcq envisage souvent son rôle de numéro 6 comme celui d’un arrière central déguisé. Les idées restent claires : on écarte le jeu, on met le feu sur les côtés et on cherche Perbet dans le rectangle. Perbet, et personne d’autre, car là où les autres équipes de possession du championnat remplissent les seize mètres à la moindre occasion, le Français est souvent seul pour reprendre les centres de ses ailiers. Les projections ne sont pas le point fort de Saglik, et Tainmont est le seul ailier à avoir des buts au bout du pied.

Malgré tout, Charleroi a eu des opportunités en suffisance pour revenir de Lokeren dans la peau du leader de son groupe. « Pendant la trêve, le coach nous a parlé de ce manque de maturité dans le rectangle, et de nos problèmes dans la gestion de certains moments du match », conclut Marcq. Perbet, lui, se veut plus philosophe : « Charleroi ne peut pas devenir Anderlecht du jour au lendemain. Quand je vois notre match là-bas, on perd 2-1 parce qu’Anderlecht est une grande équipe. Nous, on est encore victimes de ce manque d’expérience. Mais Charleroi est un club qui grandit, c’est normal. »

Par Guillaume Gautier

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