Pierre Danvoye

« Ce Qatar de la honte reste the place to be pour certains Belges »

Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Il ne faut pas croire que le Qatar est pourri pour tout le monde. Chez nous, il y a des gens qui se sont déjà bien servis au râtelier. Pas question, pour ceux-là, de se mouiller dans le scandale de l’attribution de la Coupe du Monde.

Ça flingue de tous les côtés depuis une semaine, la FIFA se fait plus démolir que jamais et on n’a jamais autant rappelé que l’attribution de la Coupe du Monde 2022 au Qatar était une honte sans nom. Michel Platini a sorti la débroussailleuse, même Michel D’Hooghe (pourtant historiquement très proche de Sepp Blatter) a osé dire que la FIFA continuerait sans lui si la situation ne s’améliorait pas. Pour ce qui est d’Alain Courtois (voir rubrique Les 5 questions qu’on n’osait pas poser à…), il reste fidèle au discours qu’il a toujours tenu : « Le Qatar a acheté le Mondial et on doit maintenant oser le lui retirer. »

Dans nos clubs, c’est le silence radio sur ces affaires. Et ça peut se comprendre. Parce que si le Qatar est pourri, il ne l’est quand même pas pour tout le monde. Vous n’avez pas entendu récemment de commentaires négatifs de Roland Duchâtelet, de Bart Verhaeghe ou de Roger Lambrecht ? Normal. Parce que le Standard, Bruges et Lokeren profitent bien de ce système qui déverse les pétrodollars sans compter. Les ventes de Paul-José Mpoku, Imoh Ezekiel, Maxime Lestienne et Hamdi Harbaoui représentent – à la grosse louche et c’est bien celle-là qu’on doit utiliser vu que tout est assez opaque – entre 20 et 25 millions d’euros pour ces trois clubs. Et il faut y ajouter les bénéficiaires indirects, ces agents qui se moquent pas mal que leur joueur (ou le joueur qu’ils ont contracté in extremis pour l’occasion) se retrouve dans une impasse sportive. Lestienne s’est vite retrouvé égaré en Italie, Ezekiel a pleuré pour revoir la Belgique, Mpoku s’est débattu pour ne pas devoir jouer dans le championnat qatari, mais si on en parle aux managers qui ont réalisé les transactions, on a l’impression que ce n’est vraiment plus leur problème.

Vous n’avez pas entendu Duchâtelet, Verhaeghe ou Lambrecht sur les dérives qataries ? Normal.

Oui, ce Qatar de la honte reste the place to be et un partenaire d’affaires magnifique pour quelques Belges. Pendant le récent tour final de D2, on a senti en Wallonie une vraie sympathie pour Eupen. Allez les Pandas ! Une sympathie pour une équipe qatarie transplantée dans les Cantons de l’Est. Beaucoup plus de sympathie, en tout cas, que pour le noyau lillois transplanté à Mouscron. Bizarre.

Et pour quelques hommes d’affaires de chez nous, pas question non plus de dézinguer Blatter et sa bande de cheikhs en bois. La plus grande entreprise belge de construction prévoit cette année un chiffres d’affaires de 350 millions au Qatar. Elle est occupée à rénover le stade national de Doha. Son patron pour le Moyen-Orient se réjouit qu’il n’y ait eu, jusqu’à présent, « aucun incident grave à déplorer » sur ce chantier. Il a même osé ceci : « Chaque ouvrier dispose désormais de minimum 6 mètres carrés pour se loger ». Oui, 6 mètres carrés. Avant, c’était 4. On avance.

Par Pierre Danvoye

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