Jacques Sys

Ça devient intenable pour Steven Martens

Jacques Sys Jacques Sys, rédacteur en chef de Sport/Foot Magazine.

La semaine dernière, le journal De Morgen demandait à Steven Martens s’il pouvait encore fonctionner dans les circonstances actuelles. Après les révélations au sujet de la (mauvaise) gestion financière de l’Union belge de football, il avait tenté de sauver la face pendant des jours, disant que personne ne voulait sa peau mais se demandant tout de même ce qu’il devait faire à l’avenir.

Steven Martens est suffisamment intelligent et il connaît la réponse : il sait qu’il lui sera très difficile de survivre à cette nouvelle tempête. Surtout s’il ne bénéficie plus du soutien de quelques grands clubs et s’il est critiqué de toutes parts.

Il y a plusieurs façons de lire et d’interpréter les chiffres. Cela vaut aussi pour les pertes de l’Union belge. Mais les accords pour des montants importants qui y sont liés démontrent que le succès des Diables Rouges a entraîné certaines personnes dans un monde irrationnel où l’argent coule à flots. Des commandes insensées portant sur des sommes énormes ont été réalisées sans contrat. Comment quelqu’un a-t-il pu décider de cela sans contrôle, sans preuves comptables ?

Steven Martens présente cela comme un règlement de comptes politique, un terme souvent employé lorsqu’il s’agit de détourner l’attention de l’essence d’un dossier. C’est un peu simpliste. Car bien plus que de savoir d’où vient la fuite, la question fondamentale est : comment a-t-on pu en arriver à une situation aussi éloignée de la saine gestion d’entreprise ?

Voici quelques mois, Steven Martens avait déjà été en ligne de mire pour s’être attribué une prime importante dont quelques-uns de ses proches collaborateurs avaient aussi bénéficié. Il avait également fui ses responsabilités dans le dossier de l’hôtel des femmes des joueurs à la Coupe du monde (300.000 euros), que l’Union belge avait oublié d’annuler. C’est le team manager qui avait payé les pots cassés. Il y a deux mois, dans ce magazine, le CEO affirmait que ce dossier avait été mal géré mais qu’il ne pouvait en dire davantage sans quoi cela pourrait se retourner contre lui ou contre la fédération. C’était une façon de se protéger car, finalement, l’affaire est tombée aux oubliettes.

Comment a-t-on pu en arriver à une situation aussi éloignée de la saine gestion d’entreprise ?

Steven Martens a le mérite d’avoir transformé une fédération endormie en entreprise moderne et ce n’est pas rien. Il a fait la révolution au sein d’un organisme où seul le trésorier décidait des dépenses qui pouvaient être effectuées ou non et où cinq signatures étaient nécessaires pour l’achat d’un crayon. Les victoires des Diables Rouges furent un cadeau du ciel. Tout le monde était sur nuage, Steven Martens croulait sous les compliments et était même invité à présenter son modèle à l’étranger. Il ne faut pas l’oublier.

Martens a-t-il été dépassé par cette euphorie ? S’est-il pris pour le Roi Soleil ? Soudain, ce fut comme si les barrières financières n’existaient plus. L’avarice et la grogne qui régnaient auparavant avaient fait place à un climat où tout était permis. Même une compensation financière de 80.000 euros accordée au sélectionneur national pour sa participation à l’émission Les Diables au coeur.

Quels que soient les mécanismes et intérêts (personnels) qui se cachent derrière la tempête de la semaine dernière, quel que soit le rôle que la construction du stade de Bruxelles ait pu jouer, les critiques sont trop nombreuses pour être placées sous le signe de la seule jalousie et ainsi balayées d’un revers de la main. Mais le plus désolant, c’est l’incapacité à tous les niveaux de consolider une période de succès sportif. Au lieu d’en profiter pour redorer le blason, on plonge notre football dans un climat malsain alors que la renaissance des Diables Rouges, l’élément fédérateur de notre football, aurait dû nous préserver de cela.

Heureusement, de bonnes nouvelles continuent à nous parvenir des terrains. Comme la prestation de Kevin De Bruyne la semaine dernière avec Wolfsburg face au Bayern Munich. Le médian est le symbole d’une génération qui fait toujours preuve de plus de bravoure. Dans les clubs, tout au moins.

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